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L’Italie dans la tourmente contestataire
lundi 31 décembre 2007, par
L’Italie a connu le 23 mars une manifestation d’une ampleur inégalée : trois millions de personnes ont défilé dans les rues de Rome à l’appel du CGIL (Confédération générale italienne du travail), le principal syndicat du pays. Ce vaste mouvement a été déclenché par la volonté du gouvernement de Berlusconi de s’attaquer aux droits des travailleurs avec notamment l’intention de supprimer l’article 18, qui oblige les patrons d’entreprises de plus de quinze salariés à réintégrer les employés licenciés de manière abusive. Cette réforme permet ainsi au patronat de faciliter les licenciements, tout en prétendant que c’est pour pouvoir mieux embaucher. Cela offre un moyen de pression supplémentaire sur les travailleurs pour pouvoir étendre la politique de précarité et de flexibilité déjà commencée par les précédents gouvernements de gauche. La revendication de retrait du projet sur l’article 18 est donc devenue le symbole du refus de la soumission du monde du travail aux appétits de profit des patrons et des financiers. Les attaques verbales de Berlusconi, faisant l’amalgame entre opposants au gouvernement et terroristes, n’ont pas entamé la détermination des manifestants. Trois jours avant la manif, un collaborateur du ministre du Travail, Marco Biagi, était assassiné par un commando des nouvelles Brigades Rouges, servant de prétexte aux dirigeants italiens pour mettre en cause le mouvement. Ainsi, le ministre de la Défense, Antonio Martino n’hésitait pas à déclarer que « la manifestation de la CGIL est un danger énorme pour la démocratie ». C’est pourtant avec le mot d’ordre de la défense de la démocratie et de la lutte contre la terrorisme que de nombreux jeunes ont manifesté aux côtés des travailleurs. Après le contre-sommet de Gênes, la contestation n’a cessé de se développer en Italie avec notamment le mouvement des Forums sociaux. Depuis quelques semaines, des intellectuels de gauche, comme le cinéaste Nanni Moretti, mènent une campagne de protestation contre le gouvernement devant l’inertie des partis de la gauche traditionnelle. Les Démocrates de gauche, descendants du Parti communiste italien, se contentaient d’organiser une simple opposition parlementaire et se retrouvent aujourd’hui dépassé par un mouvement d’une grande ampleur. Les dirigeants du CGIL, eux, ont su profiter de la grogne générale pour faire oublier les années de compromission lorsque les Démocrates de gauche étaient au pouvoir et menaient une politique favorable aux intérêts des patrons et des actionnaires. Les deux autres grands syndicats italiens, l’UIL et la CSIL, ayant d’abord décidé de dialoguer avec le gouvernement, ont finalement rompu toute négociation pour ne pas se retrouver complètement discrédité. Dans ce contexte d’effervescence sociale, les luttes s’amplifient et un appel à la grève générale a été lancé pour le 16 avril. Les revendications des manifestants de Gênes, qui scandaient qu’ « un autre monde est possible » rejoignent les aspirations de millions de personnes, descendus dans les rues italiennes, pour refuser la logique d’un système où les individus sont traités comme des marchandises. Après les émeutes en Algérie de cet été et le soulèvement populaire en Argentine de décembre, l’Italie est le nouveau lieu de cet embrasement contestataire, qui semble ne pas connaître de frontières. La domination des puissants est remise en cause partout sur la planète et les luttes, qui s’étendent internationalement, montrent que l’avenir est aujourd’hui du côté des opprimés, des jeunes et des travailleurs.
Jimi, [Bordeaux]