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Le racket au lycée
vendredi 4 janvier 2008, par
Après le drame d’Evreux (où un parent d’élèves est mort pour être intervenu auprès de jeunes qui avaient racketté son fils), la presse évoque le problème du racket en se plaçant uniquement du point de vue de la personne qui subie le racket, mais sans s’interroger sur les causes sociales et économiques de ce phénomène.
Voici quelques propos de lycéens de l’agglomération populaire d’Elbeuf, qui connaît un fort taux de chômage (et un important vote Front National) :
– Pourquoi certaines personnes en viennent à racketter ?
– « Surtout par manque d’argent, bien sûr. La personne qui rackette peut devoir de l’argent à quelqu’un ou alors ça peut être juste pour faire style, pour s’intégrer dans un groupe de potes, chercher à ressembler stéréotype : avoir le dernier téléphone portable qu’on ne peut pas se payer. Ou parfois, les gens qui rackettent se sont déjà fait racketter eux mêmes. »
– Qui est ce qu’on rackette ?
– « Ceux qui ont de l’argent ! Et surtout ceux qui disent oui la 1re fois. Alors après, c’est le cercle vicieux, cela devient systématique. Tu donnes une fois et après on te rackette tout le temps. Dès que tu pouilles, tu rentres dans un jeu, tu peux plus t’en sortir, c’est de l’argent facile. »
Quel est votre avis sur les gens qui rackettent ?
– « C’est les lâches qui font cela. Je préfère qu’ils aillent voler dans un magasin plutôt que de s’attaquer à une personne. C’est peut être aussi des victimes mais c’est dégueulasse. »
– Qu’est ce que selon vous il faudrait faire pour combattre le racket,
– « Ceux qui rackettent doivent être aidés plus que punis. »
– Si tu avais en main le gouvernement, que ferais tu ?
– « Je changerais les lois. Et je donnerai de l’argent à tout le monde. »
On voit bien que ceux qui nous assomment avec leurs discours sécuritaires ne sont jamais allé discuter avec des jeunes. Pas un seul lycéen n’a émis l’idée que c’est en ajoutant des flics dans les quartiers ou aux portes des lycées que l’on pourra combattre le racket. C’est un problème bien plus profond qui ne peut se régler qu’en comprenant les mécanismes qui poussent les jeunes à racketter.
Un lycéen a précédemment évoque la volonté de ressembler a un stéréotype, comme étant une des raison qui peut pousser quelqu’un à racketter. Dans la société de consommation dans laquelle on est, chaque individu peut être sollicité jusqu’à mille fois par jour par une publicité quelconque : on nous donne l’impression que pour être intégrer, il faut posséder, « avoir de l’avoir »… Chez les jeunes, la pression du groupe auquel on appartient, accentue encore ce besoin d’avoir le dernier truc à la mode. Ce groupe nous permet d’exister, d’avoir une place quelque part, donne des repères… mais pour être pleinement intégré, il faut « faire ses preuves » et cela peut passer par l’habillement ou autre et ce, surtout dans les quartiers populaires. Les familles étant exclues de la société, les jeunes, cherchent à s’y intégrer en possédant de la marque. Par cet intermédiaire, il entrent dans la société de consommation, comme tout le monde. Le fait de posséder des marques, que ce soit de fringues ou de téléphones portables leur donne l’impression d’accéder à un autre rang, de grimper dans la hiérarchie social. Mais puisqu’ils n’ont pas le fric, les seules solutions qui se présentent à eux, c’est le commerce parallèle ou le racket.
Quand le lycéen dit qu’il donnerait de l’argent à tout le monde s’il avait le gouvernement en main, il a presque tout pigé !!! Pour combattre le racket, il faut mettre en place une société qui, d’une part ne serait pas fondée sur la consommation, et d’autre part donnerait les moyens à tout le monde d’avoir ce qu’il a envie.
Fanny, [Rouen]