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Sortir les jeunes de la précarité, assurer le droit aux études pour tous…

Pour l’allocation autonomie

vendredi 4 janvier 2008, par Antoine

Entre les jeunes grévistes de la FNAC ou de MacDo, les jeunes au chômage qui se retrouvent sans revenu à chercher un emploi, et les lycéens ou étudiants qui galèrent pour suivre des études convenables, il y a de grosses différences de situation. Pourtant, un trait commun unifie ces jeunes. Ce trait commun, c’est justement l’argument-massue : c’est parce que vous êtes jeunes que vous devez galérer, ça fait partie de l’apprentissage de la vie… Joli prétexte pour profiter, dans les entreprises, du fait que les jeunes salariés sont nouveaux venus, ne connaissent pas les autres salariés, les syndicats, et leur faire accepter les pires conditions de travail et de rémunération. Joli prétexte pour expliquer que l’État et « les familles » en font déjà assez pour les jeunes, qu’ils ne devraient pas se plaindre d’être entassés en classe ou de devoir attendre un peu pour occuper un logement indépendant…

C’est bien le fait d’être jeune qui est mis en avant pour justifier le sous-statut que cette société donne aux 16-25 ans. Pas de droit de vote avant 18 ans, pas de revenu garanti avant 25 ans, pas de vrai salaire avant 30 ans !.. Ce sont aussi les jeunes qui sont pointés du doigt quand on parle d’insécurité, de délinquance… Précarisés, infantilisés ou criminalisés : c’est le sort qui nous est réservé !

Face à cette situation, nous devons répondre par la nécessité d’accorder une vraie reconnaissance, politique et sociale, aux jeunes dans cette société. Une reconnaissance garantie par des droits collectifs. Car effectivement, être jeune, c’est se situer dans un moment de la vie qui est synonyme d’apprentissage. Raison de plus pour offrir à la jeunesse autre chose que l’idéologie d’un capitalisme triomphant : chacun pour soi, que les plus forts gagnent, les autres n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes ! Quand on sait qu’il y a aujourd’hui 20 % des jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 10 % il y a 10 ans (et 6 % de la population totale !), il y a urgence à assurer un avenir décent pour toutes et tous.

Or, la première condition pour permettre à chacun de s’en sortir, c’est d’assurer l’accès à l’éducation pour tous. Malgré tous les discours du MEDEF sur l’École responsable du chômage, on voit bien en effet que ce sont les diplômes qui protègent le mieux les salariés. En 2000, 42 % des jeunes sans diplômes étaient au chômage contre 15 % des bacheliers et 10 % des diplômés du supérieur. Parce qu’un diplôme, c’est la garantie d’une formation, et c’est pour le patron la contrainte de devoir payer celui qu’il embauche à un certain niveau, en ne lui faisant pas avaler n’importe quoi.

En outre, toutes les études sérieuses montrent que la délinquance prospère par la disparition des services publics dans les quartiers populaires. Pour des jeunes en situation d’échec scolaire, l’économie parallèle, avec le trafic du shit, constitue un modèle de réussite beaucoup plus accessible, rapide et valorisant que des études qui se mènent dans les pires conditions. S’il faut donner à l’école les moyens de suivre tous les élèves, sans laisser sur le carreau les plus en difficulté, il faut aussi donner les moyens aux jeunes eux-mêmes d’assumer le coût de leurs études.

Enfin, l’accès à l’éducation, le droit de suivre des études aussi poussées qu’on le souhaite, sont la garantie que chaque individu puisse accéder aux savoirs qui contribuent à lui forger un esprit critique, à déchiffrer la société sans s’en tenir aux discours des médias.

Voilà pourquoi nous revendiquons une allocation d’autonomie. Parce que cette aide serait versée à tous les jeunes qui suivent une formation qualifiante. Parce qu’en leur offrant en contrepartie un revenu garanti de 700 euros - revenu qui puisse, à terme, s’aligner sur le montant du minimum vital, à savoir un SMIC revalorisé - on leur permet de suivre les études de leur choix, et dans de bonnes conditions. Parce que de cette manière, une bonne partie de ceux qui constituent aujourd’hui la frange la plus précaire du salariat pourraient revenir dans le giron de l’éducation, obtenir des diplômes, revenir sur le marché du travail mieux protégés. Parce que les dés apparaîtraient un peu moins pipés pour les jeunes des quartiers populaires désabusés sur les chances que leur offre l’école.

Évidemment, l’allocation d’autonomie n’est pas la solution miracle. L’école reproduit en son sein des inégalités qui se situent au niveau de toute la société. Le développement de la précarité touche y compris les diplômés, parce qu’il s’agit d’une offensive du patronat pour casser toutes les garanties collectives, de la Sécurité sociale aux diplômes nationaux (et le gouvernement l’accompagne efficacement en cela, comme l’illustre la réforme des ECTS). C’est bien pour ça que nous défendons la nécessité d’une rupture, d’une politique 100 % à gauche dans tous les secteurs de la société. Notre revendication d’allocation d’autonomie, nous l’inscrivons dans un programme politique plus large, dans un projet de société en rupture avec le capitalisme, à la différence de Mamère, Hue ou Jospin.

Mais imposer une telle mesure, ce serait un point d’appui essentiel pour élargir la brèche et imposer une autre logique. Comme l’a expliqué Olivier Besancenot dans ses meetings, notre campagne vise à faire passer une idée simple : nos vies valent plus que leurs profits. Une mesure comme l’allocation autonomie représenterait en effet une sévère menace sur les profits des patrons : 700 euros mensuels, pour près de 5 millions de jeunes, représentent un investissement de plus de 40 milliards d’euros (270 milliards de Francs). Les diverses aides sociales directes attribuées aux jeunes (bourses, ALS et APL…), ainsi que l’argent qui reste dans la poche des foyers les plus riches grâce au système des abattements fiscaux (1/2 part fiscale), représentent une somme de près de 9,15 milliards d’euros (60 milliards de Francs). Pour financer cette mesure, il faudrait donc faire de vrais choix politiques, comme par exemple abandonner le programme de surarmement nucléaire de la France (400 milliards de Francs de programmation sur 10 ans). Mais plus largement, ce qu’il faudrait, c’est prendre l’argent là où il est, là où les richesses sont directement créées par les efforts de ceux qui travaillent, dans les entreprises.

Notre projet d’allocation d’autonomie s’inscrit dans une logique de solidarité collective, parce qu’il nous semble que le meilleur moyen d’assurer le financement de cette mesure serait de la placer dans le même cadre que les retraites, par exemple. Les retraites sont financées par le mécanisme de la répartition : c’est-à-dire que les retraités d’aujourd’hui se font financer leur pension par des cotisations sociales, qui sont prises sur les salaires actuels. De la même manière, tous les actifs d’aujourd’hui qui seront retraités demain se feront payer leur retraite par les salariés de demain. C’est ce qu’on appelle le salaire socialisé. Quand un salarié travaille, il produit des richesses pour l’entreprise : une partie va dans la poche du patron, c’est le profit, une partie dans la poche du salarié, c’est le salaire direct, et une dernière partie est transférée à des caisses qui payent la retraite, le chômage, les remboursements maladie de tous les actifs. Ce sont les cotisations sociales, la part du salaire, dit socialisé, dont le travailleur profite indirectement par toutes les garanties qui lui sont offertes lorsque, pour une raison ou une autre (retraite, chômage, maladie…), il ne travaille pas. C’est ce mécanisme que veut casser le MEDEF, avec les encouragements bruyants de la droite et ceux - discrets - de la gauche plurielle : diminuer les salaires, diminuer les cotisations sociales, faire assumer les coûts de l’assurance maladie ou de la formation par les salariés eux-mêmes, ce qui signifie autant d’argent en plus du côté des profits ! Ainsi, depuis 20 ans, sur 100 francs de richesses produites, le partage entre salaires et profit est passé d’un rapport de 70/30 à un rapport de 60/40. Dix points de plus de richesses qui se retrouvent indûment dans la poche des patrons ! Avec l’allocation d’autonomie, il s’agirait d’inverser la vapeur, en reprenant une partie de ces richesses produites pour les remettre du côté des salaires.

En effet, l’accès à la formation de tous les jeunes est non seulement un atout pour eux, mais c’est également un investissement important pour les entreprises. Mieux un salarié est formé, plus il est productif, plus il crée de richesses. Les patrons profitent donc de la formation reçue par leurs salariés. Il n’y a donc pas de raison que cet argent ne revienne pas aux salariés, sous la forme d’un « pré-salaire de formation ».

En faisant de cette revendication un axe central de la campagne d’Olivier Besancenot en direction des jeunes, la LCR a tracé une perspective unifiante pour toute la jeunesse et situe celle-ci aux côtés des salariés. L’affluence des jeunes aux meetings d’Olivier montre que ce choix était juste. Aux dernières élections des CROUS, l’UNEF a de nouveau recueilli une majorité de suffrages autour de cette aspiration à l’autonomie. Par-delà les échéances électorales, l’enjeu est maintenant de mobiliser les jeunes pour entamer dans la rue la contre-offensive face aux projets du MEDEF et de tous ceux qui veulent nous sacrifier sur l’autel du profit.

Stéphane, [Paris]

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