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1968 et le Black Power

mercredi 30 avril 2008, par Adrien

Les années 60 et 70 sont une époque de remise en cause d’une des plus grandes armes de la bourgeoisie contre les travailleurs : le racisme.

Aux États-Unis se produit ainsi le mouvement de masse anti-raciste le plus important de l’histoire, qui va marquer la conscience de millions d’opprimés.

Le mouvement pour les Droits Civiques de la population Noire, qui vit toujours sous la ségrégation dans les États du Sud, éclate en 1956, et obtient en 1965, au bout d’un combat acharné (Boycotts, manifestations de masse, marches à travers les États du Sud), la déségrégation, le droit de vote et l’égalité juridique.

Cependant, cette victoire démocratique ne s’accompagne pas d’améliorations réelles en termes de conditions de vie et les inégalités économiques et sociales entre Noirs et Blancs demeurent.
Une partie des militants Noirs va se radicaliser dans le sillage de Malcolm X, qui se rapproche des idées révolutionnaires. Il est assassiné par la CIA en 1965.

L’orientation radicale de confrontation avec l’État Américain, plutôt que l’intégration aux institutions, va désormais s’imposer pour plusieurs années.

Ainsi est créé en 1966 le Black Panthers Party, qui se revendique du nationalisme Noir (Frantz Fanon et Malcolm X) et des idées maoïstes et marxistes, qui prône l’auto-organisation des Noirs et la lutte armée contre la violence policière et le racisme.

Le BPP prend rapidement une ampleur nationale et organise des dizaines de milliers d’opprimés dans les ghettos, le tout sur fond de révolte de plus en plus massive contre la Guerre du Vietnam, en particulier dans la jeunesse.

Entre 1964 et 1967, des émeutes dans les ghettos Noirs des plus grandes villes américaines (Detroit, Los Angeles, Newark, New York) secouent la classe dirigeante. La répression est sauvage (plusieurs dizaines de morts et des dizaines de milliers d’arrestations).

Martin Luther King lui-même se radicalise : il rompt ses liens avec le Parti Démocrate, s’oppose à la guerre du Vietnam, et soutient des grèves et des marches de chômeurs. Cette évolution lui vaudra d’être à son tour assassiné par le FBI en 1968. Sa mort provoque des émeutes dans des dizaines de villes.

Le Black Panthers Party est déclaré ennemi public numéro 1 par le gouvernement américain. Entre 1968 et 1973, 35 de ses dirigeants tombent sous les balles du FBI et de la CIA, des dizaines sont emprisonnées, les infiltrations provoquent des conflits et des dissensions internes, et le gouvernement injecte massivement de la drogue dans les ghettos. Au début des années 70, le BPP est ainsi anéanti.

Parallèlement, une expérience encore plus aboutie d’auto-organisation des Noirs a lieu dans le berceau de la classe ouvrière américaine, dans les usines automobiles de Detroit.

En mai 1968, face au racisme et au conservatisme du syndicat officiel de l’automobile UAW, les travailleurs Noirs des usines Chrysler de Detroit forment un syndicat : le DRUM, Dodge Revolutionnary Union Movement, qui en juillet de la même année met en grève 4 000 travailleurs.

D’autres sections syndicales sont créées : FRUM dans les usines Ford et ELRUM dans une 2ème usine Chrysler. En 1969, le DRUM se donne une expression politique en créant la Ligue des Travailleurs Noirs Révolutionnaires.

La Ligue des Travailleurs Noirs Révolutionnaires et les syndicats RUM représentent une étape supplémentaire dans le mouvement, grâce à sa compréhension, qui manquait au Black Panthers, de la centralité de la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme.
Ils ne parviendront pas malgré tout à étendre leur lutte aux travailleurs Blancs, et des divergences de stratégies syndicales et politiques auront raison de cette expérience. Dès 1971 la Ligue connaît une scission, en 1975 le syndicat disparaît.

Une page se tourne, la bourgeoisie parvient à reprendre l’initiative et une partie du mouvement Noir s’intègre aux institutions, mais le souvenir des combats des années 60-70 demeure dans la mémoire collective des opprimés, comme le montrent les émeutes de 1992 à Los Angeles.

Youri, [Nanterre]

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