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40 ans après mai 68
Ce n’est toujours qu’un début !
mercredi 30 avril 2008, par
Mai 1968 commence dans une situation particulière. Dans la jeunesse, l’actualité politique internationale provoque une forte radicalisation. La guerre d’Algérie, la révolution cubaine et la mort du Che, la guerre du Vietnam... Autant d’évènements qui contribuent à la politisation de franges importantes de la jeunesse.
Contexte et situation
Même si ce n’est pas toujours dans la ligne du Parti Communiste Français, l’Union des Étudiants Communistes (UEC) organise une grande partie de la jeunesse politisée. Dans le reste de la société, les organisations réformistes et bureaucratiques sont hégémoniques. Le PCF et la CGT bénéficient toujours d’une très forte implantation dans la classe ouvrière. Parallèlement, les organisations révolutionnaires sont très faibles. La JCR a été créée en 1965 après l’exclusion de militants de l’UEC et ne représente à la veille de mai que 300 militants.
L’arrivée à l’université de la génération du baby-boom, qui multiplie par dix le nombre d’étudiants en quelques années, provoque certaines modifications dans le milieu étudiant. Les petits boulots, les galères de logement et les fins de mois difficiles commencent à débarquer chez les étudiants.
La morale est toujours très stricte. Hommes et femmes sont séparés dans les cités U, la contraception est inexistante, l’autorité familiale omniprésente... Autant de normes qui restent à briser !
Du 22 mars au 13 mai
mai 1968 commence en mars. Après l’arrestation d’un militant de la JCR de Nanterre pendant une action pour le Vietnam, 150 étudiants décident d’occuper la tour administrative de l’université de Nanterre. C’est la naissance du Mouvement du 22 mars. Les confrontations avec l’extrême droite et la police se multiplient. Le 2 mai, le doyen de la fac craque : il décide la fermeture de l’université.
Le 3 mai, un meeting de protestation contre la fermeture de Nanterre est organisé dans la cour de la Sorbonne. La police disperse violemment le meeting et interpelle plusieurs centaines de personnes. C’est le début de l’explosion. La grande masse des étudiants se solidarise avec leurs camarades interpellés et s’oppose avec violence à cette rafle.
Après cela, les manifestations rythment le mouvement de façon presque quotidienne. Elles se terminent presque toutes à la Sorbonne et finissent en violents affrontements avec la police. Le réflexe de la barricade apparaît très rapidement : c’est le meilleur moyen pour se défendre contre la police.
Durant ces journées, le climat insurrectionnel va croissant. Les objectifs des étudiants peuvent sembler dérisoires (« Libérez la Sorbonne et nos camarades »), mais ce n’est pas rien de s’affronter quotidiennement à la police et à l’État pour les obtenir. Cependant, il manque un acteur essentiel au mouvement pour répondre vraiment aux enjeux : la classe ouvrière.
La encore, c’est la police qui va permettre à la classe ouvrière d’entrer dans la bataille, même si le PCF fait tout pour diviser étudiants et ouvriers. À la suite de la nuit du 10 au 11 mai, où les affrontements durent toute la nuit avec plusieurs centaines de blessés et d’interpellés, les syndicats appellent à une grève générale d’une journée, le 13 mai pour protester contre la répression.
Face à cette menace d’extension, le Premier Ministre Pompidou annonce la réouverture de la Sorbonne et la libération des interpellés. Mais il est déjà trop tard pour désamorcer le conflit.
La grève générale
Le 13 mai est le signal du ralliement de la classe ouvrière. 800 000 manifestants défilent à Paris et à peu près autant dans le reste de la France. Les travailleurs ont compris que les étudiants avaient réussi à mettre en échec le gouvernement par leurs moyens d’action et veulent rompre avec les journées d’action sans lendemain, habituelles à la CGT. Un mouvement spontané d’occupation d’usines et de grève générale se lance dès le 14 mai.
La grève commence à prendre de l’ampleur dans la métallurgie et se répand rapidement, notamment dans les transports. De 200 000 grévistes le 17 mai, on passe à 2 millions le 18 et 4 millions le 20 mai. La grève s’étend dans toutes les régions et tous les secteurs. Le 22 mai, il y a 8 millions de grévistes dans tout le pays. En neuf jours, la grève est devenue générale et illimitée sans aucun appel des directions syndicales.
Le 24 mai, De Gaulle doit faire une allocution. Le président prononce son discours, il propose un référendum et met en jeu son mandat sur le résultat de ce référendum. Cette intervention fait un bide total. Immédiatement, des milliers de manifestants scandent « Adieu De Gaulle, adieu ! ». S’en suit une nouvelle nuit d’affrontements dans tout Paris, qui durera jusqu’à 6h du matin.
Du 25 au 27 mai ont lieu les négociations de Grenelle entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. Ces négociations sont pour le pouvoir le seul moyen de sortir de la crise. Elles débouchent sur des augmentations de salaire, 20 % d’augmentation du SMIG, une semaine de congés en plus dans certaines branches et la reconnaissance des sections syndicales dans les entreprises. Ces accords sont très majoritairement rejetés par les travailleurs en grève.
C’est là que commencent les grandes manœuvres politiciennes. Dans tous les sens, les partis traditionnels proposent des « solutions à la crise ». Mitterrand se propose pour un gouvernement de transition, le PSU essaye de placer Mendès-France. Le PCF appelle à une manifestation le 29 mai, qui rassemble des centaines de milliers de grévistes et se termine à 800 mètres de l’Élysée, rien ne se passe. Le PCF fait savoir qu’il est prêt à participer à un gouvernement d’union sous la direction de De Gaulle.
Pendant ce temps, le général a disparu. Le pouvoir est vide, mais ce vide ne dure que quelques heures. Le 30 mai, De Gaulle dissout l’Assemblée, réaffirme qu’il ne cédera pas et défend le pouvoir de la bourgeoisie. Le même jour, 800 000 personnes manifestent sur les Champs Élysées en faveur de l’ordre et du pouvoir.
Le PCF et la CGT jouent le jeu institutionnel. Ils organisent la reprise du travail. Petit à petit, c’est le retour à la normale. La reprise du travail prendra quand même quelques semaines, jusqu’à la fin juin. La grève générale se termine, et mai 1968 avec elle.
Le rôle des bureaucraties
Pendant toute la grève générale, les directions syndicales ont empêché le développement de l’auto-organisation du mouvement. Dans quelques endroits, comme à Nantes, les comités de grève étaient très développés, mais ces cas restent isolés. Dans la plupart des cas, la CGT, craignant de se faire déborder, se place aux commandes de la grève.
Ces carences démocratiques permettent aux bureaucrates de cloisonner la grève. Les travailleurs sont montés contre les étudiants (« ces petits-bourgeois ») pour éviter l’influence de l’extrême gauche et sont très séparés des autres entreprises.
Les directions bureaucratiques ont également joué un rôle important pour que la grève reste dans le cadre de la légalité, sans trop remettre en cause l’État et les institutions. Ils sont restés tout le long du mouvement des interlocuteurs du gouvernement en maintenant ces limites et ont organisé la fin de la grève en signant les accords de Grenelle.
L’après mai 1968
Au-delà des évènements en tant que tels, un certain nombre d’idées ont émergé de 68. Portées auparavant par une minorité de militants d’extrême gauche, elles se sont répandues dans l’ensemble de la société.
Les organisations d’extrême gauche sortent renforcées du mouvement. Les étudiants qui se sont mobilisés se sont politisés à une vitesse extraordinaire et se sont ensuite organisés politiquement.
Dans les années qui suivent 1968, tout le monde continue à s’agiter dans ce sens. La grève à l’usine Lip de Besançon, en repartant de l’héritage de 68 va beaucoup plus loin avec une grève organisée démocratiquement et une reprise autogérée de la production.
D’autres luttes se développent fortement. Le mouvement féministe, celui pour la libération des LGBT, la prise de conscience écologiste... Tout cela découle directement de 68.
Aujourd’hui, on voudrait nous faire oublier cet héritage de mai 1968. Mais derrière cette offensive, la bourgeoisie cherche à revenir sur toutes les victoires de mai et cherche à décrédibiliser l’arme qu’est pour nous la grève générale. Gardons tous à l’esprit que 40 ans après mai 1968, cette société marche toujours sur la tête et que 40 ans après, la grève générale est plus que jamais d’actualité !
Adrien, [Jussieu]
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