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Il y a 60 ans, la Naqba palestinienne
dimanche 8 juin 2008, par
Ils sont nombreux les intellectuels, hommes politiques, États du monde entier à fêter en grandes pompes les 60 ans de l’État israélien… Mais de l’autre côté du mur de séparation israélo-palestinien et dans les camps de réfugiés qui entourent la Palestine, on commémore autre chose. Il y a 60 ans, un peuple entier était chassé de ses terres. Depuis, il vit toujours dans la misère, la précarité, le non droit… Là-bas, cet événement est appelé « Naqba », la Catastrophe.
Le mouvement sioniste et la genèse de l’État israélien
Le 29 novembre 1947, trente-trois pays votent à l’ONU le partage de la Palestine en deux États : l’un arabe, l’autre juif. Le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé. Trente ans avant, en 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Balfour, déclare qu’il « envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Il qualifie la Palestine de « terre sans peuple pour un peuple sans terre »… Il y a à l’époque 1 million de Palestiniens. C’est de leur négation que naît l’État sioniste. Comme l’écrira Arthur Koestler, « une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. »
Le mouvement sioniste est né en Europe au 19ème siècle, alors que l’antisémitisme se propage. Pourtant, c’est un mouvement très minoritaire : les ouvriers juifs sont très actifs dans le mouvement ouvrier socialiste et internationaliste. Ils n’envisagent pas leur émancipation par la séparation ou le retour vers une pseudo-« terre promise ». D’ailleurs, les sionistes n’ont pas non plus de base religieuse. Ils n’envisagent la Palestine comme lieu d’implantation qu’après avoir compris que cela leur apporterait le soutien des puissances coloniales européennes. L’État qu’ils vont créer sera « une base avancée de la civilisation dans l’Orient barbare », selon les mots de Herzl, un dirigeant sioniste.
Après la Première guerre mondiale, c’est la Grande-Bretagne qui occupe la Palestine, jusque-là composante de l’Empire Ottoman. Le nouvel occupant favorise l’implantation de foyers juifs, tout en essayant de mettre les élites palestiniennes dans sa poche. Mais après la grève générale des Palestiniens en 1936, il comprend que son meilleur allié pour maintenir l’ordre sera le sionisme.
L’histoire voudrait que la création de l’État israélien soit liée à la Shoah. En réalité, elle avait été décidée bien avant, sans lien avec les crimes que les nazis allaient commettre. Mais après la guerre, les rescapés juifs sont nombreux à adhérer à l’idée qu’ils ne vivront en paix que dans leur propre État… Ce en quoi ils sont encouragés par les impérialistes européens qui trouvent là un bon moyen de se dédouaner des crimes qui viennent d’être commis. Et ce sont les Palestiniens qui trinqueront.
La création de l’État sioniste et ses premières années
Après 1945, les différentes organisations sionistes se retournent contre les Britanniques. La Grande-Bretagne décide alors de remettre son mandat à l’ONU, tout en restant jusqu’à son terme officiel : le 14 mai 1948.
Une commission de l’ONU se met en place pour décider du sort de la Palestine. Les organisations sionistes se présentent unifiées devant cette commission, avec une position claire adoptée à Baltimore, le 11 mai 1942 : un État juif. Les Palestiniens remettent leur sort entre les mains des États arabes de la région.
La commission de l’ONU propose un partage. Jérusalem serait sous mandat international, et la répartition des territoires suit l’implantation des villages juifs, soit environ 50 % du territoire pour 30 % de la population. De plus, l’État juif possède une continuité territoriale, tandis que l’État arabe est constitué de trois morceaux : la Galilée, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Une partie des sionistes refuse ce plan : l’État d’Israël doit s’étendre sur toute la Palestine, quitte à chasser les Arabes ou à assumer un régime similaire à l’apartheid. Mais la majorité accepte la partition de manière tactique : peu à peu, l’État s’agrandira en gagnant des territoires palestiniens, mais il fera toujours mine de vouloir vivre en paix. C’est la différence entre sionistes « de gauche » et sionistes dits « révisionnistes ». En réalité, les deux tendances travaillent main dans la main. C’est une politique mixte, entre nettoyage ethnique et colonisation progressive, qui est pratiquée jusqu’à nos jours.
Le 27 novembre 1947, le plan de partage est voté par l’ONU. En quelques mois, les milices sionistes vont accroître leur territoire en attaquant, en expulsant et en assassinant des Palestiniens. Le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé unilatéralement, non plus sur 50 % mais sur plus de 60 % de la Palestine historique. La première guerre Israélo-arabe commence.
L’expulsion
Les sionistes ne peuvent se contenter de gagner la bataille sur le seul plan diplomatique. Pour établir un État juif en Palestine, il faut aussi y constituer une majorité démographique.
En 1947, la Palestine est peuplée de 1,3 million d’Arabes et 650 000 Juifs. Pendant la guerre de 48-49, environ 800 000 Palestiniens sont expulsés.
Des massacres sont perpétrés par l’extrême droite sioniste (dirigée par Begin) comme à Deir Yassine et des expulsions massives sont organisées par l’armée israélienne régulière.
Dans un mémorandum adressé au comité central du Mapam (gauche travailliste), Aharon Cohen écrit, le 10 mai 1948 : « Il y a tout lieu de croire que ce qui est actuellement fait est accompli pour servir certains objectifs politiques, et non pas à partir de nécessités militaires, comme on l’entend quelquefois proclamer. En fait, c’est le « transfert » des Arabes hors des frontières de l’État juif qui est mis en œuvre. L’évacuation et la destruction des villages arabes ne sont pas toujours accomplie en fonction des besoins militaires. La destruction totale des villages ne répond pas seulement à l’inexistence de forces suffisantes pour y maintenir une garnison. »
La Palestine aujourd’hui
D’« accords de paix » en « feuilles de route », les sionistes ont tenté maintes fois de faire croire qu’ils voulaient la paix. La communauté internationale n’a de cesse d’applaudir les soi-disant efforts des Israéliens. Les élites palestiniennes leur emboîtent le pas et condamnent les « terroristes », « fanatiques », « extrémistes » qui refusent de vivre en paix avec l’État d’Israël.
En réalité, aucune paix ne sera possible sans droit au retour des millions de réfugiés palestiniens, qui sont la majorité de la population. Aucun État palestinien ne pourra voir le jour, confiné dans une portion infime de la Palestine historique. Aucun État ne peut-être viable en étant séparé en plusieurs morceaux, non reliés les uns aux autres. Aujourd’hui, la Palestine est un ensemble d’îlots au sein de l’État israélien, assiégés par l’armée.
Les conditions de vie des Palestiniens sont inhumaines : impossible de rentrer chez soi pour les réfugiés, impossible de sortir de chez soi pour ceux qui sont encore sur leurs terres…
Si les réfugiés avaient le droit de revenir, ils deviendraient majoritaires par rapport aux Israéliens. Les deux peuples pourraient vivre en paix, dans un même État laïque et démocratique. Mais cela supposerait d’abandonner l’idée d’un État exclusivement juif, de reconnaître que ce projet n’a jamais été un moyen d’émancipation pour les opprimés, mais un outil au service des impérialismes d’Europe et des États-Unis…
Il est temps de reconnaître ce qu’a été la création de l’État israélien, tant fêtée cette année : une Naqba, une catastrophe, un crime.
JB, [Nanterre]
Bibliographie (non exhaustive) :
– Palestine 47, un partage avorté, Alain Gresh et Dominique Vidal, éditions Complexe.
– Histoire du sionisme, Walter Laqueur, Calmann-Lévy
– Critique communiste n° 135, automne 1993
– La Gauche n° 9, 15 mai 1998
Sur internet
– www.lcr-lagauche.be
– www.europe-solidaire.org
– juliensalingue.over-blog.com
– www.france-palestine.org
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