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Liban : Résistances et logiques communautaires

vendredi 12 janvier 2007, par JCR-RED

C’est le 25 janvier 2006 que devrait se tenir la Conférence dite de Paris III, sous les auspices de la France, et en présence du gouvernement libanais de Fouad Siniora et des principaux pays du Golfe. Officiellement pour résorber la crise économique libanaise et sa dette de 40,6 milliards de dollars : un plan auquel s’oppose d’ors et déjà la Confédération générale des travailleurs libanais ( CGTL), le PCL et les principaux courants de l’opposition, dans la mesure où il aboutira purement et simplement au démembrement de ce qui peut rester de services publics et de protection sociale, et qu’il mettra définitivement le Liban sous perfusion et dépendance occidentale et saoudienne.

De nouvelles perspectives

La mobilisation commencée le 3 décembre semble s’inscrire dans la durée : après la manifestation historique du 10 décembre, ou plus de 1,5 millions de personnes avaient manifesté à Beyrouth à l’appel de l’opposition, les revendications se sont approfondies et radicalisées : démission du gouvernement, organisation de nouvelles élections et réforme de la loi électorale, qui est jusqu’à maintenant basée sur des quotas communautaires. Fin décembre, Suleiman Frangie, leader des Maradas, un courant chrétien fortement implanté dans le nord du Liban, a annoncé la possible mise en route d’un nouveau plan de mobilisation de l’opposition : si celle- ci, jusqu’à maintenant, occupe le centre ville de Beyrouth, place forte économique et politique du pays, elle pourrait dès janvier appeler à une série de mesures de désobéissance civile et de grèves, de blocages pacifiques des principales artères du pays...

Une résistance massive

L’opposition libanaise a su constituer une base large, c’est là sa force : elle dispose du soutien de la totalité des chiites, regroupés massivement derrière le Hezbollah et Amal, d’une moitié de la communauté chrétienne, autour des Maradas et surtout du Courant patriotique libre du Général Michel Aoun, d’une fraction des sunnites, autour de mouvements nationalistes arabes comme l’Organisation populaire nassérienne du député Oussama Saad et des partisans de Fathi Yakan, ancien dirigeant des Frères musulmans ayant quitté le mouvement l’année dernière, ces derniers soutenant paradoxalement le gouvernement pro- américain. Enfin, elle est soutenue par les partis non- communautaires et laïcs : Mouvement du peuple de Najah Wakim – un parti nationaliste arabe de gauche, PCL, Parti social syrien, Tribune de l’unité nationale. Cette opposition n’est pas pro- syrienne, même si certaines organisations sont clairement liés au régime de Damas. Ce qui fonde cette alliance transversale large entre des courants idéologiques et communautaires très hétérogènes, c’est essentiellement la reconnaissance de l’arabité du Liban, l’opposition aux plans américains et israéliens de démembrement et de recolonisation du Moyen- orient, et la contestation d’un gouvernement libanais aux ordres de Washington, des chancelleries occidentales, de la Jordanie, l’Egypte et l’Arabie saoudite, trois régimes autoritaires et pro- américains ayant clairement abandonné la résistance libanaise.

Un avenir incertain

Il est encore trop tôt pour dire si cette opposition de type nationaliste saura, ou pourra, mener les batailles nécessaires à l’éviction du gouvernement Fouad Siniora, événement à même de faire basculer le rapport de force dans la région. Mais le chemin est pavé d’embûche : la structure communautaire du Liban et les héritages politiques de 25 ans de guerre civile sont toujours à même de faire chuter le pays dans une spirale de violence inter et intra- communautaire : chrétien pro- aouniste contre chrétiens pro- gouvernement, sunnites contre chiites, cette dernière tension étant naturellement alimentée par la guerre civile entre chiites et sunnites en Irak, et par les affrontements indirects entre l’Iran et l’Arabie saoudite. De là toute la difficulté pour l’opposition : faire émerger une « société et un Etat de résistance » et une direction nationaliste dans la région, déconfessionnaliser au possible le système libanais, tout en évitant les polarisations confessionnelles et les violences communautaires. Il y a 31 ans, le Mouvement national libanais de Kamal Jounblatt allié au palestiniens avait, à quelque chose près, ce projet : 25 ans de guerre civile ont mis à néant ces espoirs d’alors. Espérons alors que l’esprit de résistance du peuple libanais continue et qu’ils sauront déborder et transgresser cette logique historique, confessionnelle et communautaire, qui n’a cessé, au seul bénéfice du colonialisme, de déchirer les peuples du Moyen- orient arabe.

Nicolas [LCR Saint-Denis]

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