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Interview de Jérémy, militant de Manca Naziunale (Gauche nationale, Corse)
vendredi 12 janvier 2007, par
Red : Qu’est-ce qu’A Manca Naziunale ?
A Manca Naziunale est née suite aux tensions entre la gauche et la droite dans le mouvement national. La base de l’organisation est le communisme, le droit à l’autodétermination du peuple corse et l’indépendance vis-à-vis de la mouvance nationaliste aux dérives racistes, droitières et interclassistes.
Nous affirmons que le peuple corse a le droit de s’autodéterminer, c’est-à-dire de prendre en mains ses affaires et son futur, alors que l’État français a une attitude coloniale.
Red : Quelle est la situation de la jeunesse en Corse ?
Il existe une certaine dépolitisation, malgré un sentiment national fort. Les arrestations arbitraires de nationalistes et la répression de la jeunesse font ressentir la présence policière comme une occupation.
De plus, le taux de chômage est très fort, ce qui oblige beaucoup de monde à partir. Beaucoup de ceux qui partent étudier en France ne reviennent pas par la suite, du fait des manques de débouchés. La question de l’exil traverse l’esprit de la plupart des jeunes et cela est vécu difficilement.
Durant le mouvement contre le CPE, nous avons vécu de fortes mobilisations, surtout chez les lycéens. Il y a une réelle envie de bouger et de faire bouger les choses. Nous sommes nombreux à vouloir aller plus loin dans les revendications.
Quand Sarkozy est venu, il a été accueilli par un rassemblement de 400 personnes contre la répression. Il y a eu plus de 60 arrestations, des peines de prison ferme, de travaux d’intérêt général, etc. Un militant a fait de la garde-à-vue pour « insulte à la Justice et à l’État français » parce qu’il avait applaudit en sortant du tribunal après un procès !
Cependant, il n’existe qu’un faible taux d’organisation. Les grosses structures nationalistes ont du mal à fédérer une grande partie de la jeunesse. Cela vient notamment des divisions, qui vont même jusqu’aux règlement de comptes armés. De ce fait, même s’il existe quelques cadres politiques et quelques militants, la jeunesse n’entre plus dans la logique des partis.
Red : Une de vos campagnes à la rentrée concerne la répression en Sardaigne. Peux-tu nous en dire plus ?
Le 11 juillet, nos camarades de l’organisation A manca pro s’indipendentzia [Gauche indépendantiste, Sardaigne] ont subit une vague de répression extrême avec 56 arrestations en une matinée, sur des motifs très flous, liés à des actes terroristes commis par des groupuscules radicaux en 2002. Dix d’entre eux sont toujours emprisonnés. L’État italien veut discréditer une organisation publique et démocratique, car son discours anti-colonialiste et anti-capitaliste est en capacité d’organiser les résistances populaires en Sardaigne, y compris contre la présence militaire nord-américaine.
Nous allons créer un collectif de soutien pour les aider financièrement et faire connaître largement leur cas, car ils en ont besoin.
Red : Vous avez décidé de soutenir la candidature d’Olivier Besancenot en 2007. Quelles sont vos revendications, vos campagnes spécifiques, etc. ?
Nos luttes principales concernent la défense du littoral que l’UMP veut désanctuariser pour l’ouvrir aux spéculations. Nous voulons que le littoral reste aux Corses. De même, un an après la lutte de la SNCM, nous luttons toujours pour un service public corse et contre les privatisations. L’État français avait alors montré de quelle répression il est capable, lorsqu’il avait envoyé le GIPN sur les marins qui avaient détourné un bateau.
Nous lui opposons la défense des travailleurs corses, quelles que soient leurs origines. La corsisation des emplois n’a rien à voir avec du racisme. Il s’agit de dénoncer, par exemple, l’envoi de fonctionnaires du continent pour occuper des postes dans la fonction publique, au lieu de former le peuple corse pour y travailler. Cela accroît notre dépendance vis-à-vis de la France et le chômage reste.
On accuse à ce propos les Corses d’être racistes. Il est vrai qu’il y a des problèmes graves, notamment dans une partie de la jeunesse. Mais dans les quartiers populaires, jeunes corses d’origines corses ou maghrébines vivent ensemble et s’associent, à l’image du groupe de rap Mafia 2A. Dire que les Corses sont plus racistes est aussi un moyen de nous stigmatiser.
Propos reccueillis par JB, [Nanterre]