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Les révolutionnaires et la question du gouvernement

vendredi 12 janvier 2007, par JCR-RED

Nombreux sont ceux qui nous demandent si nous sommes candidats au pouvoir, si nous serions prêts à gouverner. Les révolutionnaires militent pour arracher le pouvoir à la classe dominante, cette minorité de patrons et d’actionnaires. Mais la question de la participation gouvermentale est en fait la question de la nature du gouvernement et du rapport de force entre la jeunesse et les travailleurs d’un côté et la classe bourgeoise de l’autre. La question c’est quel gouvernement ? Gouverner pour qui et pour quoi faire ? Gouvernement bourgeois ou de collaboration de classe ou alors gouvernement des travailleurs ?

L’exemple de la révolution allemande

La révolution allemande est exemplaire sur ce point. Dès 1917, les mouvements de grève se multiplient, la colère s’exacerbe en raison de la guerre et surtout grâce à l’énorme retentissement de la Révolution russe dans les pays européens. Parallèlement à cela, le SPD, parti socio-démocrate est très puissant. Seulement, dès 1914, il trahit en votant les crédits de guerre et se ralliant à la mobilisation générale et à l’union sacrée. Cela provoque la montée de l’opposition interne avec d’un côté les « centristes » et de l’autre, les « internationalistes » (Liebknecht, Luxembourg...). Le SPD finit par scissionner en 17 et un nouveau parti se crée : l’ USPD. Malgré l’opposition de Lénine, les Spartakistes entrent dans le parti « centriste » par peur de se couper des masses ouvrières et avec l’espoir d’en redresser la ligne politique. Mais leur manque de structuration et de moyens les paralyse. Au printemps 1918, l’agitation grandit, des conseils d’ouvriers, de marins et de soldats se forment. Dès lors se pose la question de la prise du pouvoir et de l’insurrection populaire et donc celle du débouché politique à apporter au mouvement populaire. Le SPD, majoritaire, propose à l’USPD la formation d’un gouvernement commun qu’il accepte malgré l’opposition des Spartakistes. Le même jour, l’assemblée des conseils de la capitale se réunit pour élire un comité exécutif qui aurait pu être un gouvernement révolutionnaire pour l’Allemagne. Mais cela constituant une menace pour l’ordre bourgeois, le vote est annulé et les deux partis sociaux-démocrates se partagent le pouvoir. Par contre, une Assemblée constituante est prévue pour 1919. Elle a une double fonction : délégitimer les conseils d’ouvriers et de soldats et rétablir le pouvoir bourgeois. Mais encore, malgré les efforts des spartakistes, le comité exécutif des conseils ne dénonce pas ces élections et choisit d’y participer. C’est alors que les Spartakistes se rendent compte qu’il n’est plus possible de militer dans ce parti ; ils le quittent pour fonder le KPD en décembre 18, mais il est déjà trop tard : dès janvier 19, la répression commence et va écraser la révolution en quelques mois, assassinant de nombreux dirigeants révolutionnaires dont Luxembourg et Liebknecht et laissant le KPD désorganisé et impuissant. Parallèlement, la social-démocratie conserve son pouvoir sur le mouvement ouvrier.

Gouvernement indépendant

Cet exemple est flagrant : il montre l’impossibilité de se battre quand on est dans un gouvernement bourgeois. Penser que l’on pourrait infléchir quoi que ce soit relève de l’illusion. En effet, l’État est, par nature, l’instrument de domination d’une classe sur une autre. Comme l’a dit Engels, il est un « groupe d’hommes armés » qui a pour objectif de désarmer les uns pour assurer le monopole d’armes aux autres, à la classe dominante.
La formule « gouvernement ouvrier et paysan » est intéressante car elle a pris deux sens diamétralement opposés. Elle apparaît en 17 et signifie la même chose pour les bolchéviks que la dictature du prolétariat, c’est d’après Trotsky, « un cours épisode dans cette voie. Ainsi, dans ses premiers congrès, l’Internationale Communiste disait : « le mot d’ordre de gouvernement ouvrier, c’est le mot d’ordre d’un mouvement massif du prolétariat se libérant complètement des combinaisons parlementaires avec la bourgeoisie en lui opposant l’idée de son propre gouvernement ». Cependant lorsque l’Internationale Communiste stalinisée l’utilise c’est pour lui donner une toute autre signification et un contenu purement démocratique, c’est-à-dire purement bourgeois. En effet, si le parti renonce à sortir du cadre des institutions, « l’alliance avec la paysannerie aboutira tout simplement à soutenir le capital » (Trotsky) comme le front populaire de 36. Au contraire, « le programme le plus élémentaire d’un gouvernement ouvrier doit consister à armer le prolétariat (...), à instaurer le contrôle de la production, à faire tomber sur les riches le principal fardeau des impôts et à briser la résistance contre-révolutionnaire ».

Quelles conditions ?

Cette question est toujours d’actualité aujourd’hui. Pour la gauche réformiste, il y aurait d’un côté la gauche responsable prête à combattre la droite jusqu’au bout et à gouverner pour « améliorer » les choses et de l’autre la gauche intransigeante, protestataire et stérile qui refuse « de mettre les mains dans le cambouis ». Notre gauche est candidate pour un gouvernement de rupture avec le capitalisme et ses institutions.

La condition absolument nécessaire pour mettre en place un tel gouvernement des travailleurs, c’est une mobilisation sociale exceptionnelle et prolongée. Dans la période actuelle notre tâche est de travailler à inverser le rapport de force, « créer les conditions de l’indépendance de classe des travailleurs vis-à-vis de la bourgeoisie et viser à l’auto-émancipation et à l’auto-organisation des classes populaires, condition fondamentale pour la transformation révolutionnaire de la société » (François Sabado).

En France et à l’échelle internationale, il existe aujourd’hui des tentatives pour canaliser la radicalité dans le cadre institutionnel. Mais au Brésil la participation de révolutionnaires au gouvernement Lula, n’a pas permis d’empêcher sa capitulation devant les marchés financiers et le FMI, ni la social-libéralisation du PT. Daniel Bensaïd explique que « les organisations réformistes ne le sont pas par confusion ou manque de volonté. (Elles) peuvent être des alliés politiques tactiques pour contribuer à unifier la classe. Mais elles demeurent des ennemis stratégiques en puissances ». C’est ce qui rend impossible la participation à tous gouvernement avec des forces dont le programme n’est pas celui de la rupture avec le capitalisme.

Hélène, [Metz]

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