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I. Analyse de la situation
mercredi 31 janvier 2007, par
1. Les grands traits de la situation politique et sociale en Europe.
1.1 Une Europe libérale, antisociale et antidémocratique.
L’offensive libérale commencée dans les années 80 et l’intensification de la mondialisation capitaliste combinées à la chute du mur de Berlin et l’approfondissement de la crise du mouvement ouvrier ont bouleversé la situation politique et les rapports de forces entre les classes non seulement au niveau mondial mais aussi au niveau européen. L’instauration du marché unique puis de la monnaie unique qui impliquait l’harmonisation des économies européennes et la mise en place d’institutions supranationales échappant à tout contrôle démocratique répondent aux revendications des secteurs en pointe des bourgeoisies européennes. Les traités de Maastricht, d’Amsterdam, les accords de Schengen et le pacte de stabilité de Dublin sanctionnent ce rapport de forces favorable à l’aile motrice du patronat sur le continent et de fait l’Union européenne est réduite à n’être qu’un vaste marché où règnent les multinationales sur fond d’austérité budgétaire, de précarité et de chômage de masse. Les secteurs décisifs du capital ont imposé une politique de rigueur s’appuyant sur un double mouvement de dérégulation-privatisation qui touche aussi bien les services publics que la protection sociale.
Il faut également souligner le caractère répressif de la construction européenne contre les personnes extérieures à son territoire. On peut en effet parler d’Europe forteresse vis à vis de la circulation des personnes, alors qu’elle ne l’est pas vis à vis de celle des capitaux.
1.2. La gauche poursuit l’offensive lib ?rale.
Dans la quasi totalité des pays de l’UE cette politique rencontre des résistances multiformes au travers de mouvements sociaux à l’échelon national ou européen mais aussi par le biais du retour au pouvoir généralisé de la social-démocratie dans ses différentes configurations (gouvernement de centre-gauche, gouvernement socialiste, gouvernement de coalition incluant Verts et/ou (ex)communistes).Toutefois la mise en place de gouvernements sociaux-démocrates, dans 11 des 15 pays de l’UE, ne se traduit sur le fond par aucune modification de l’orientation prise par la construction européenne.
Les revers de la social-démocratie, lors des élections européennes, dans une série de pays clefs (Italie, Allemagne, Grande-Bretagne) indiquent qu’une prise de conscience existe sur l’incapacité de celle-ci à être un rempart efficace à la déferlante libérale. Nous devons nous appuyer sur ce début de prise de conscience pour tenter de constituer un front de lutte contre cette politique et expliquer la nécessaire rupture avec l’Europe de Maastricht. Mais à l’exception du vote LCR-LO en France et du vote PDS dans l’est de l’Allemagne, il n’y a pas de réel vote sanction à gauche. La déroute des partis communistes ou ex-communistes (mis à part le cas du PDS) montre que ces formations n’apparaissent plus, sur le terrain électoral (on ne parle pas ici de leurs capacités de mobilisation), comme un recours crédible, ni même comme un outil pour peser sur la social-démocratie (surtout chez les jeunes). On assiste surtout à une progression de l’abstention dans les milieux populaires, ce qui renforce l’apparent succès de la droite : faute d’alternative de gauche crédible à une échelle de masse, ce sont en effet les forces conservatrices qui ont été utilisées pour censurer la gauche dans des pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. Pour autant, les supports politiques à l’offensive patronale (toujours en cours) que constituent ces forces sont entrés dans une crise sans précédent depuis l’après-guerre. Cette déconfiture globale de la droite s’accompagne néanmoins de peu d’illusions sur la capacité ou la volonté de la gauche de rompre avec le libéralisme. Ces lignes de forces de la situation en Europe se retrouvent reproduites à l’échelon national, notamment en France où Jospin a profité de la poussée sociale de 95 pour accéder au pouvoir et n’a pas connu de mouvement généralisé de remise en cause de sa politique.
1.3. Des tentatives de r ?sistance š l’Europe lib ?rale.
Le manque de perspective politique alternative, les relais dont dispose la social-démocratie dans le mouvement social, mais aussi le poids des défaites et des attaques patronales et gouvernementales tout azimut, le sentiment que la construction actuelle de l’Europe est inéluctable paralyse en partie les possibilités que des luttes de résistance se développent.
Néanmoins, conséquence de l’avancée de la construction de l’Europe capitaliste, les luttes qui naissent et se développent dans les Etats s’opposent de plus en plus à cette construction, même si cela n’apparaît pas forcément clairement. Il s’agit en particulier de luttes contre les privatisations menées au nom de l’harmonisation européenne, ou par exemple de la campagne contre la suppression de la gynécologie, qui reposait sur le même argument.
D’autre part, des germes de luttes coordonnées à l’échelle européenne sont apparues avec les luttes des Renault contre la suppression de l’usine de Vilvoorde, la solidarité européenne des routiers, plus ou moins la luttes des sans papier-e-s. Les marches européennes en constituent l’élément le plus abouti aujourd’hui visible à la manifestation européenne de Cologne en juin dernier. Elles existent et forment depuis quelques années maintenant un réseau irremplaçable.
Un nouvel élément est apprendre en compte : une résistance à l’ordre libéral mondial est en train de se mettre en place et de porter ses premiers fruits. Le 30 novembre 1999 se sont ouvertes les négociations sur le commerce mondial à Seattle et un véritable mouvement d’opposition c’est construit pour dénoncer la logique libérale de ces négociations. Ce mouvement à nuit au « bon » déroulement de ces négociations et à contribué à ce qu’elles se bloquent ; il montre qu’il est possible d’obtenir des victoires contre la logique libérale.
Ce mouvement s’inscrit dans une certaine continuité : il donne suite au mouvement d’opposition qui s’est érigé contre l’AMI et il constitue la suite logique de l’action antilibérale menée par différentes associations et organisations, ATTAC, par exemple.
Il est important de prendre acte de la dimension internationale de la résistance qui s’oppose au libéralisme.
2 Situation politique en France.
En juin 97, la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Chirac avait pour principal objectif de légitimer politiquement l’offensive préparée par la droite et le patronat pour satisfaire aux critères de convergence de l’Union économique et monétaire. Cette tentative hasardeuse s’est soldée par la victoire de la coalition de gauche (PS, PC, Verts, MDC, PRG), nous analysions ce résultat comme un effet différé et déformé du mouvement de grèves de l’hiver 95 et des luttes partielles qui lui ont succédé. Plus de deux ans après cette défaite de la droite, le bilan du gouvernement Jospin est paradoxal. D’un côté, il jouit de l’absence d’alternative pour se maintenir à un haut niveau de popularité sans que cela ne traduise forcément une adhésion à son projet. De l’autre, son action politique ne remplit pas les objectifs qui lui étaient assignés par les électeurs et le mouvement social. Car il a pris le contre-pied de ses promesses (sans-papiers, Amsterdam, Vilvoorde…) en vidant notamment bon nombre de revendications sociales de leur contenu progressiste (35 h) ou en s’arrêtant au milieu du chemin (PACS). Ces contradictions demeurent explosives pour une gauche gouvernementale dont la politique ne correspond pas aux intérêts des jeunes, des salariés, des femmes, des chômeurs, des immigrés…
2.1. Une politique de soumission aux impératifs de la construction libérale de l’Union européenne.
Un des premiers actes politiques du gouvernement Jospin fut d’accepter le traité d’Amsterdam en échange d’un illusoire volet sur l’emploi. Plus, le gouvernement, dans sa totalité, et l’ensemble des directions de partis qui composent la majorité législative ont accepté, de fait, les critères récessifs des traités européens ainsi que le pacte de stabilité de Dublin.
L’adoption de l’Euro et le ralliement de la gauche plurielle aux contraintes budgétaires, à la déréglementation des marchés et à la politique monétariste de la Banque centrale européenne s’est effectuée sans crise majeure ni au sein des formations de la gauche plurielle ni même au sein de cette dernière. L’ensemble de la gauche gouvernementale s’est convertie (à des degrés divers) ou s’est résignée au respect des institutions antisociales et antidémocratiques de l’Union européenne.
Toutefois, un antagonisme subsiste au sein des partis de la majorité, entre des directions acquises aux dogmes libéraux ou les acceptant sans riposte conséquente, et des bases militantes, des courants critiques de gauche ainsi qu’un électorat largement réfractaires à cette politique et à ses conséquences pour les salariés en Europe.
2.2. La politique de la gauche plurielle se soumet à sa manière aux “ nécessités ” de la modernisation capitaliste en s’attaquant aux intérêts des jeunes, des travailleurs, des femmes, des immigrés.
En dépit du fait qu’il doive tenir compte d’un rapport de forces relativement plus favorable à la classe ouvrière, le gouvernement Jospin poursuit une orientation d’adaptation du capitalisme français et de ses entreprises aux exigences de la concurrence internationale et cela dans deux directions. Tout d’abord, il s’agit d’accompagner voire d’encourager les processus de fusions capitalistiques et la constitution de géants industriels et financiers, si possible au niveau continental et cela quel que soit le coût social de telles restructurations. Ensuite, suivant en cela les injonctions européennes, l’Etat se désengage d’une série de domaines qui sont appelés à devenir concurrentiels. Avec cette vague de privatisations totales ou partielles c’est la logique de rentabilité et de marchandisation des services publics qui prédomine.
L’orientation du gouvernement permet également l’approfondissement de la politique de dérégulation du marché du travail initiée par la loi quinquennale mise en place par la droite. Comme pour ses prédécesseurs, sa politique de l’emploi tourne prioritairement autour de la réduction du coût de la main-d’œuvre. L’une des pièces maîtresses de ce dispositif réside dans un encouragement à la flexibilité qui vise avant tout la baisse des coûts par la compression de la masse salariale en favorisant les ajustements à court terme (licenciements, embauches en CDD, temps partiel imposé, intérim…).
Présentée comme la grande avancée sociale de la législature, la loi Aubry, loin d’être une loi de réduction du temps de travail, se révèle être une loi de réduction du coût du travail. La volonté affichée de promulguer une loi favorable à la fois aux salariés et aux patrons, comme si un consensus entre les classes était possible, débouche sur un dévoiement d’une des revendications centrales du salariat. La loi Aubry ne permettra pas de créer massivement des emplois, tout au plus elle sera le moyen d’accompagner la baisse du chômage provoquée par la croissance économique. Au final, si le MEDEF est toujours aussi vindicatif, c’est qu’il entend maintenir le rapport de forces en sa faveur et ainsi tirer le bénéfice des dispositions sur l’annualisation, la flexibilité, les heures supplémentaires, les avantages financiers et cela sans aucune contrepartie sérieuse en terme d’embauches effectives.
Si l’orientation du gouvernement permet la dérégulation du marché du travail, elle ne prône pas la suppression, mais une réforme profonde, du système de protection sociale. L’exercice est périlleurx car la classe ouvrière française construit davantage son unité au travers de son système de protection sociale que grâce à un syndicalisme qui reste divisé et minoritaire. De fait, la question de la sécurité sociale reste un objet central de la lutte sociale comme l’ont démontré les grèves de l’hiver 95. Dans ce contexte et en l’état du rapport de forces, il ne s’agit pas de supprimer le système de protection sociale mais de le “ moderniser ” en fonction des critères libéraux et selon deux logiques distinctes : une logique d’assistance (revenu minimal, minimum vieillesse, couverture maladie universelle, emplois jeunes) financée par l’impôt et une logique d’assurance (indemnisation du chômage, retraites complémentaires et fonds de pension, mutuelles ou assurances privées) financée par l’épargne salariale individuelle et collective, le tout au détriment du salaire différé qui assure la solidarité entre les salariés et entre les générations.
Cette politique d’ensemble est présentée comme la seule possible dans le contexte de la mondialisation capitaliste. Ce système d’emploi et de protection sociale se veut cohérent puisqu’il doit théoriquement permettre de concilier efficacité économique (en flexibilisant les entreprises et le marché du travail) et préservation de la justice sociale. Le pivot qui doit permettre l’articulation entre ces deux logiques résidant dans la redistribution fiscale. C’est sur l’ampleur de celle-ci que se distinguent les politiques de la droite et de la gauche plurielle.
C’est en cela que le social-libéralisme du gouvernement Jospin n’est pas un libéralisme sauvage. Celui-ci entend, pour l’instant, maintenir un niveau de redistribution relativement élevé par rapport aux exigences du patronat. C’est le sens de sa politique d’accompagnement social du libéralisme. Avec l’évolution des rapports de forces sociaux, cette politique apparaît toutefois de moins en moins sociale et de plus en plus libérale, de par la pression du MEDEF, des marchés financiers et des directives européennes face à un mouvement social peu offensif. S’il est évident que ce gouvernement n’est pas le nôtre et que nous ne pouvons qu’être en opposition à sa politique d’aménagement/modernisation du capitalisme, il n’en reste pas moins qu’à un niveau de masse le social-libéralisme de Jospin fait malheureusement illusion
2.3. Une politique qui sert les intérêts de l’impérialisme français.
La social-démocratie française tout comme le reste de l’internationale socialiste en Europe arendu une fois de plus un service inestimable à la classe dominante lors de la guerre au Kosovo. Les Balkans ont été le terrain d’une double guerre : celle de l’OTAN contre la Serbie et celle de Milosevic contre le peuple Kosovar. C’est cette dernière dimension qui a permis de légitimer l’intervention militaire aux yeux de l’opinion publique. L’opposition à la guerre est restée minoritaire. En plus du PS quasi-unanime (hormis la Gauche socialiste), les Verts derrière Voynet et Cohn-Bendit ont soutenu (près de 70% de la direction nationale) les bombardements. Le PC de son côté tenait un discours qui disait une chose et son contraire avec une limite : ne pas sortir du gouvernement. Il a néanmoins participé avec notre courant et Lutte Ouvrière aux faibles mobilisations anti-guerre. Au final, la crise n’a pas été sérieuse au sein du gouvernement. Ce dernier a pourtant montré une fidélité indéfectible à l’OTAN tout en tentant de préserver les intérêts particuliers de l’impérialisme français dans le cadre de l’Union européenne face à l’hégémonie américaine.
2.4. Après les européennes…
Les rapports de forces au sein de la gauche française ont peu évolué depuis l’avènement du gouvernement Jospin. Toutefois, si les élections européennes confirment les tendances lourdes de la situation, elles font apparaître des phénomènes nouveaux qui sont autant de révélateurs des évolutions et des contradictions à l’œuvre.
2.4.1 La gauche plurielle.
Le PS demeure le centre de gravité et le pivot de la coalition gouvernementale. C’est le parti majoritaire (22% aux européennes), il satellise durablement ses partenaires et leur imprime sa volonté. Sa direction exprime pour partie les aspirations de forts courants acquis aux thèses libérales. Il n’en reste pas moins que des tensions internes s’expriment face à la politique du gouvernement et à son adaptation aux contraintes de la mondialisation capitaliste. Les débats sont parfois vifs entre la direction, les ministres et le groupe parlementaire. Pour l’instant, il n’y a pas de remise en cause globale du social-libéralisme et l’audience de secteurs critiques, principalement la Gauche socialiste, reste minoritaire et ne permet pas d’envisager une telle remise en cause dans un avenir proche.
Le PC est écartelé entre la participation gouvernementale et la pression qui existe à la base du parti et dans la société pour une rupture franche avec le libéralisme. Sa crise historique perdure. Non seulement il est affaibli en terme de militants et électoralement (6,7% aux européennes), mais de plus il est complètement aligné sur les orientations du gouvernement. Pourtant, loin d’enrayer sa crise de perspective la solidarité de gestion au cœur de la conception de la direction du PC, l’éloigne de sa volonté d’être le relais des aspirations du mouvement social. Cette forte contradiction entraîne une série de contestations internes de plus en plus vives sur la participation gouvernementale mais aussi sur les buts poursuivis par la “ mutation ” engagée par Hue.
L’un des faits nouveaux de la conjoncture est le score important de la liste Cohn-Bendit aux élections européennes. Avec près de 10% des suffrages exprimés, les Verts sont devenus la deuxième force électorale à gauche. Cette poussée s’explique par plusieurs facteurs. Premièrement leur liste est apparue comme moins entachée par la solidarité gouvernementale (en dépit d’un soutien sans faille et du médiocre bilan écologique de l’équipe Jospin) et a pu ainsi servir de vote sanction à l’intérieur même de la gauche plurielle. Ensuite, une constatation s’impose : les questions environnementales occupent une place croissante parmi les préoccupations de l’électorat et tout particulièrement chez les jeunes. Les Verts ont également réussi à capter l’attention sur toute une série de problèmes dits sociétaux (sans-papiers, drogues…) sans que cela ne rentre en conflit avec les propositions libérales de leur tête de liste. Enfin, comme toutes les listes franchement pro-européennes, ils ont su attirer les 18-25 ans (18%). Un tel succès a marginalisé l’opposition interne mais il est encore trop tôt pour parier sur l’évolution de la minorité du parti écologiste et cela d’autant plus au vu de l’ampleur des reniements imposés par la participation gouvernementale.
2.4.2 La réussite de la liste LCR-LO.
Pour finir, le rapport de forces à gauche est marqué par le score fait par la liste LO-LCR aux européennes (5,3%). Pour la première fois en France, une liste d’organisations révolutionnaires obtient des députés à une élection nationale. Ce résultat est une confirmation des scores de LO depuis 95 et de la LCR en 98. Il semble, dorénavant, que se stabilise un électorat ouvrier et populaire à la gauche des formations réformistes. Ce résultat montre en tous les cas que dans l’ensemble, les revendications portées par la liste LO-LCR étaient en phase avec l’attente de cet électorat, même s’il y a un bilan négatif à tirer de la sous-estimation de certains thèmes, ce qui explique entre autres le décalage entre les intentions de vote dans la jeunesse et le pourcentage obtenu (de 17% à 8%) : ce sont ces fameux thèmes dits sociétaux, mais qui auraient dû être déclinés de manière à en faire des questions sociales : immigration et sans-papiers, écologie, drogues… La question de l’Europe aurait pu aussi être abordée de manière différente. Ce vote ne doit pas être surévalué et ce d’autant plus dans la jeunesse. 92% des jeunes n’ont pas voté pour notre liste. L’idée de constituer un pôle des révolutionnaires ne repose sur aucune analyse sérieuse de la situation et des rapports de forces entre les différents groupes révolutionnaires (les position de LO par rapport au mouvement social notamment le démontre). Ce résultat est significatif de la volonté d’une frange de plus en plus large de salariés et de jeunes de ne plus accepter la politique de la gauche traditionnelle. Il doit nous servir à construire notre organisation et à pousser les contradictions au sein des partis de gauche, il doit être un point d’appui pour les luttes et le mouvement social afin d’offrir une alternative radicale contre le chômage et la précarité. Ces résultats marquent un regain très net de crédibilité pour l’extrême gauche et créent un espace politique marqué par la participation ou non au gouvernement.
2.5- La droite éclatée.
Les partis représentant la bourgeoisie française connaissent une crise majeure. Chacune des composantes de la droite reste loin derrière le PS lors des élections européennes. Ce résultat s’explique en premier lieu par l’abstention qui aura touché le camp conservateur da vantage que l’électorat de gauche. L’érosion de l’influence des droites représente une tendance lourde de la situation en France. De plus la scission du FN a fortement affaibli l’extrême droite.
Le RPR est la principale victime de cette crise. En alliance avec Démocratie libérale il aura fait l’objet du rejet du libéralisme de plus en plus massif qui s’exprime au vu des désastres sociaux qu’il engendre. Les secteurs populaires encore fidèles à l’héritage gaulliste se sont tournés vers Pasqua et son Rassemblement pour la France qui en alliance avec De Villiers a réussi à apparaître sur une ligne “ souverainiste ” - c’est-à-dire national-populiste – défendant l’indépendance nationale contre la construction européenne, le tout mâtiné de références anti-libérales mêlant un discours autoritaire et pseudo-social. L’UDF pro-européenne et fédéraliste a profité de la crise du parti majoritaire à droite pour se distinguer avec un score de plus de 9%. La droite française est donc éclatée en trois familles d’un poids relativement équivalent.
L’extrême droite quant à elle s’est retrouvée dans l’incapacité de poursuivre l’offensive qui lui avait permis de contraindre une partie de la droite à s’allier avec elle lors de l’élection de certains présidents de régions. Devant l’échec du parti de Le Pen à faire exploser totalement la droite classique pour la recomposer à ses conditions, Mégret devait constituer son propre parti. Le résultat fut dévastateur pour les néo-fascistes. Si le FN réussit à passer la barre des 5% au scrutin de juin 99, le MNR de Mégret se retrouve dans une situation très précaire de son point de vue.
Cet éclatement généralisé du camp réactionnaire pourrait à terme donner lieu à une recomposition d’ensemble selon trois pôles. Un premier, national-autoritaire se plaçant comme recours en cas de troubles sociaux et/ou crise dans la construction européenne. Un second désireux de pousser plus avant les feux de la mondialisation et de la déréglementation libérale. Et un dernier, susceptible de former une majorité de rechange en compagnie du PS voire des Verts sur la base de convergences sur la politique d’intégration européenne.
2.6. Les luttes.
Depuis l’arrivée de la gauche plurielle au gouvernement, la situation reste marquée par la poursuite de luttes s’inscrivant dans un cycle ouvert en 1995. Elles mobilisent avant tout contre la politique du gouvernement. C’est le cas en particulier des mouvements de la jeunesse scolarisée remettant en cause la politique d’Allègre, avec deux mouvements lycéens exigeant un déblocage massif de moyens et un mouvement étudiant partiel qui, à l’automne 98, s’opposait directement à la logique libérale des réformes d’Allègre en dénonçant le rapport Attali. Sur le front de l’éducation, l’opposition à Allègre a été renforcée au printemps 98 par le mouvement du 93 mobilisant ensemble profs, parents et lycéens pour des moyens, et au cours de l’années 98-99 par des mobilisations limitées mais régulières des enseignants – avec une participation du SNES – et par une longue mobilisation des pions. Pour l’heure, c’est sur ce front que le gouvernement a été mis le plus en difficulté.
Parmi les salariés, la riposte aux attaques du gouvernement s’est faite essentiellement autour de la question de l’emploi et de la RTT. De nombreuses mobilisations se sont
déroulées à la SNCF et chez les traminots ; elles étaient parfois liées avec les problèmes de sécurité. Face au patronat, l’opposition aux licenciements et les mobilisations autour de la mise en place des 35 ont été le principal cadre de mobilisation avec notamment des luttes dans le commerce et la restauration, à Moulinex ou, bien sûr, chez Michelin.
L’affaire Michelin, sans mettre le gouvernement en difficulté importante, à obligé L. Jospin à reconnaître son impuissance face aux décisions patronales ; cela a aussi permis une mobilisation politique sur le terrain de l’emploi. L’effet Michelin et ses conséquences confirment une nouvelle fois que la question de l’emploi est aujourd’hui la question sociale centrale.
Les mobilisations de chômeurs n’ont pas connu la même ampleur qu’à l’hiver 97-98 mais n’en ont pas moins mobilisé de façon importante à Cologne, confirmant l’existence d’un espace de luttes européen bien qu’il reste encore réduit.
En ce qui concerne la précarité, les jeunes qui sont en première ligne semblent se mobiliser, mais de façon très éclatée. Des grèves ont eu lieu à plusieurs reprises dans des entreprises de sondages comme Ipsos et Louis Harris, dans des entreprises de “ phoning ”. Il y a également eu une lutte importante des agents recenseurs. Ces mobilisations de jeunes en situation précaire “ structurelle ” révèlent le refus d’une partie des jeunes ayant un emploi “ atypique ” de voir cette instabilité se pérenniser.
Fondamentalement, ces luttes s’opposent non seulement directement au patronat mais aussi à la politique de l’emploi du gouvernement.
Enfin, même si la lutte est aujourd’hui à un niveau beaucoup plus réduit, la mobilisation des sans-papiers et de solidarité avec eux continue. Elle confronte directement le gouvernement à ses promesses non-tenues de campagne électorale et l’a mis plusieurs fois en difficulté en provoquant des craquements au sein de la gauche plurielle.
Malgré tout, l’ensemble des mobilisations ont toujours eu des fragilités importantes. Par conséquent aucune véritable victoire n’a été obtenue. Ces faiblesses ont été notamment : des difficultés de structuration (mouv lycéen de 98) ; une étendue géographiquement limitée avec un gros décalage entre les rythmes des différentes villes (mouvements lycéen de 99 et étudiant de 98) ; un caractère sectoriel (luttes de salariés).
Quelles sont les causes de ces faiblesses ? D’abord, le fait que face à la gauche plurielle au pouvoir, les appareils syndicaux classiques hésitent à développer des luttes trop importantes susceptibles de mettre en difficulté le gouvernement. Ensuite, l’accroissement d’un décalage structurel entre Paris et les régions sur le terrain des luttes qui est un frein essentiel à la mise en place de mobilisations véritablement nationales.
Surtout, la situation sur le front des luttes est marquée par une contradiction fondamentale : le gouvernement Jospin est le premier gouvernement depuis longtemps à pouvoir se targuer d’une relative diminution du chômage due en grande partie, non pas à sa politique, mais à une croissance économique plus longue et plus soutenue que ce que nous avions prévu. Cette baisse du chômage qui, nous le savons, se traduit par un développement de l’emploi précaire et de la flexibilisation du marché du travail, amène d’un point de vue global la base sociale du gouvernement à considérer celui-ci d’un œil bienveillant (sauf quand Jospin exprime son impuissance face à la brutalité capitaliste sur les licenciements Michelin, on a alors la manif du 16 octobre).
En m^me temps, la relative amélioration sur le front de l’emploi entraîne un regain de conflictualité sociale, certains secteurs du salariat reprenant confiance en eux (mobilisations sur les 35 heures, pour les salaires…).
Sur le terrain social on traverse donc une période mitigée se caractérisant par l’existence de nombreuses mobilisations mais aussi par leur faiblesse et leur caractère limité. En ce qui concerne la lutte des femmes, la marche mondiale devrait permettre un redémarrage des mobilisations. En revanche, l’affaiblissement des mobilisations anti-fascistes devrait surtout être un déplacement du lieu de mobilisation. La réapparition, souvent violente, de groupuscules d’extrême droite sur les facs nécessitant des réponses alors que sur le plan politique général, la menace du FN apparaît dans l’immédiat moins forte.
Un élément nouveau de la rentrée est l’attitude du PC et la réussite de la manifestation pour l’emploi et contre la précarité du 16 octobre, malgré son positionnement ambigu vis-à-vis du gouvernement. Depuis bien longtemps, aucune manifestation politique de cette ampleur n’avait eu lieu. Une dynamique de lutte sur ces questions est non seulement possible mais constitue également un enjeu essentiel. La banalisation de la précarité dans la jeunesse préfigure une casse généralisée du salariat dans ses formes stables issues de l’après-guerre. Cette évolution peut être considérée comme la réponse du patronat et des gouvernements au chômage.
De plus, dans la lignée du succès d’ATTAC, notamment dans la jeunesse, et des mobilisations de la confédération paysanne, un front – associatif, syndical et politique – contre la mondialisation libérale semble pouvoir se mettre en place avec pour ligne de mire l’Organisation mondiale du commerce (OMC, institution ultra-libérale dominée par les Etats-Unis) et l’attitude du gouvernement dans les négociations en cours.
Enfin, en ce qui concerne les luttes scolaires, la mise en place d’un nouveau cadres de masse d’organisation des lycéens (UlyS), l’activité syndicale liée à la réunification et la poursuite des attaques d’Allègre ouvrent d’importantes possibilités de mobilisation, tant sur les problèmes de moyens que sur le fond de la politique.
3. Analyse de la Jeunesse
La situation politique générale a des résonances particulières dans la jeunesse. La jeunesse est touchée de plein fouet par les attaques menés par le gouvernement : remise en cause du service publique d’éducation, de la précarité, notamment dans les mobilisations (mvt lycéen). Toutefois la conscience de ces attaques est brouillée de plusieurs façons : du strict point de vue jeune, certaines mesures sont perçues de manière progressiste (par exemple les emplois jeunes qui garantissent un emploi stable pendant 5 ans), tandis que certaines offensives gouvernementales sont contrebalancées par des mesures positives qui reste bien entendu insuffisantes (ainsi dans l’éducation, le développement de l’aide sociale). En effet, la jeunesse reste disponible à la mobilisation, elle est faiblement organisée et structurée. Une politique adaptée et ambitieuse peut nous permettre de gagner de nombreux jeunes, qui se posent des questions directement politiques, mais qui ne trouvent pas de cadre pour les exprimer
L’école reste aujourd’hui le lieu majeur d’encadrement de la jeunesse - (chiffres) - . Tous les jeunes passent à un moment ou un autre - et pour un temps plus ou moins long - par l’institution scolaire. D’une part, l’école continue de reproduire les inégalités sociales. Parallèlement, les contrecoups de la crise et des réformes libérales ainsi que le développement de la professionnalisation à tous les niveaux dans l’éducation nationale accroissent encore les fractures profondes à l’intérieur même de la jeunesse scolarisée et a fortiori entre celle-ci et les jeunes tenus à l’écart du système scolaire. De plus la crise sociale qui touche de manière différenciée les différentes franges de la jeunesse induit une dynamique d’affrontement au sein de cette jeunesse. Les casseurs (dont une bonne partie sont lycéens) s’en prend aux manifestants lors des mobilisations lycéennes. Ils sont l’expression la plus sensible de cette crise sociale et politique. C’est au sein de cette institution qu’ils peuvent être touché par la politique. La jeunesse scolarisée est en effet la plus présente dans les mobilisations et, malgré tout, la plus encadrée politiquement par le biais des organisations de masses et/ou des orgas politiques. Cet encadrement reste pourtant très faible :
– 1% d’étudiants syndiqués
– syndicats lycéens qui ressemblent plus à des “coquilles vides” qu’à de réelles organisations de masses
– les organisations politiques de jeunesses quant à elles n’organisent que peu de jeunes soit qu’elles subissent de plein fouet la crise de leur parti adultes (JC), soit qu’elles n’aient pas de réelle implantation nationale (chiche), ou peu d’activités réelles (MJS).
Ce manque de militants se fait cruellement sentir notamment lors des mobilisations lycéennes tant en termes de structuration du mouvement qu’en termes d’élaboration des revendications. Pour autant, cet espace laissé vierge nous offre des possibilités et nous place devant des responsabilités nouvelles. D’autant plus qu’il existe un fort potentiel de radicalité dans la jeunesse. On a vu en effet qu’elle pouvait être à la pointe des mobilisations antifascistes, de soutien aux sans-papiers, sur les questions gay-lesbiennes... sans parler des luttes scolaires qui l’agitent régulièrement. Pourtant, si un nombre conséquent de jeunes se mobilisent régulièrement, ni les organisations de masses, ni les organisations politiques n’ont connu de développement important à la suite de ces mouvements. Le discrédit qui frappe les organisations politiques rejaillit sur les syndicats qui apparaissent aux yeux des jeunes - et à juste titre - comme des appareils politico-syndicaux. A ce titre, la réunification syndicale, qui ne doit pas se solder par une simple fusion des bureaucraties (qui en ont besoin soit pour survivre, soit pour asseoir leur hégémonie), peut jouer un rôle très positif. Il est par ailleurs indispensable de créer l’unité d’action la plus large possible afin de pouvoir lutter efficacement contre les réformes libérales qui entendent soumettre l’éducation à la loi du marché. Ces réformes vont dans le sens d’une résolution des contradictions qui traversent l’enseignement supérieur - et plus généralement l’éducation nationale - à la faveur d’un rapport de forces plus que défavorable pour les étudiants dans le sens d’une adaptation toujours plus grande aux besoins d’une économie capitaliste. L’enjeu est donc de taille, c’est en effet par les attaques directes contre la jeunesse que les gouvernements tentent - et parfois avec succès - de remettre en cause des pans entiers du droit du travail : le SMIC avec le CIP, les statuts de la fonction publique au travers des emplois jeunes, etc.. Les conflits qui traversent actuellement l’université ont notamment pour enjeu la valorisation du travail intellectuel et, avec la casse du cadre national des diplômes, la remise en cause des conventions collectives. Mais les attaques contre la jeunesse ne se limitent pas à l’institution scolaire.
Les jeunes subissent en effet quotidiennement la répression policière que cela soit lors des contrôles d’identités (sur les jeunes immigrés en priorité mais pas seulement), les contrôles des BAC ( Brigades Anti-Criminalité) mais aussi la répression massive en matière de drogues. Toutes ces interventions sont trop souvent marquées par de grandes violences (passage à tabac, insultes, etc..).
Phénomène essentiel, la précarité tend à devenir une caractéristique commune - bien qu’à des degrés divers - de la majorité des jeunes. Ces effets se retrouvent après comme avant la sortie des études avec le développement du travail en parallèle avec la poursuite des études (40 % des étudiants), l’insuffisance des revenus pour les jeunes scolarisés et la généralisation d’une période de plus en plus longue mêlant chômage, stages et formes d’emplois précaires à la sortie du système scolaire. Pour les jeunes se pose en particulier l’accentuation de la dépendance vis-à-vis des parents et se traduit notamment par le départ de plus en plus tardif du domicile parental. L’instabilité et l’insuffisance des revenus s’opposent ainsi aux aspirations légitimes des jeunes à choisir leurs modes de vie et à définir leurs propres projets. Expérimentée par la plus grande part des jeunes, la précarité - du fait de son caractère atomisant- n’a pas permis pour l’instant l’émergence de mobilisations de la jeunesse clairement dirigées contre la précarité. Pourtant, au moins depuis les mobilisations anti- CIP, la question de l’avenir, la peur du chômage et la menace tangible de la précarité tissent la toile de fond des mobilisations de la jeunesse. Le sentiment de moins bien vivre que ses parents sape une des bases sur lesquelles s’appuyait la légitimation du système capitaliste, pour autant, la violence des attaques idéologiques, l’atomisation de la jeunes, le manque de perspectives politiques claires et communes à la jeunesse réduisent les possibilités qu’a cette radicalité latente de s’exprimer à une échelle de masse. Les groupes anarchistes et/ou autonomes, peuvent à un moment donné cristalliser cette radicalité mais sont incapables de lui offrir quelque perspective que ce soit.
A un autre niveau, la campagne européenne des verts, - malgré un programme ouvertement libéral - a pu profiter du manque de repères politiques chez les jeunes pour, avec l’image de la radicalité sociale (sans-papiers, PACS, drogues) et l’anti-libéralisme de façade (dioxine, affiches "libérons nous du libéralisme"), polariser largement les jeunes.
Il existe un espace important dans la jeunesse où nous pouvons développer notre discours et que nous pouvons structurer de façon significative. De plus, la dynamique enclenchée par la LCR - si nous savons nous appuyer dessus, l’accompagner, la renforcer - nous permet de prétendre pouvoir organiser à une échelle largement supérieure à la situation actuelle des JCR-RED. Cela passe par une politique ambitieuse et adaptée aux attentes de la jeunesse. Les luttes scolaires, les questions femmes (les jeunes femmes étant les premières à subir les attaques contre la jeunesse), la répression policière menée par le gouvernement, l’oppression spécifique et les discriminations auxquelles sont confrontées les jeunes d’origine immigrée, les questions d’écologie et de santé publique, etc... peuvent aujourd’hui conduire les jeunes à s’organiser pour résister au libéralisme et remettre en cause le système capitaliste. Nous devons nous emparer de tous ces thèmes et apparaître pour les jeunes comme le point de cristallisation de la résistance au libéralisme et comme un cadre d’élaboration d’une alternative politique crédible à la faillite du système capitaliste.