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Tournant dans la stratégie américaine
dimanche 4 février 2007, par
Les résultats des élections de mi-mandat aux US en novembre dernier ont été commentés par la presse bourgeoise européenne comme historiques. Largement vus comme un référendum sur l’Irak, ces résultats ont signifié aux yeux des impérialistes européens la fin de l’orientation unilatéraliste poursuivie par l’administration Bush, une orientation qui a produit en 2003 le clivage le plus important entre membres de l’OTAN depuis la crise de Suez en 1956. En effet, ce qui a été définitivement démontré par ces élections est que les US sont en crise profonde en Irak, qu’ils se trouvent devant une impasse stratégique. Mais aussi, la démonstration a été faite que le sentiment anti-guerre est désormais majoritaire dans le pays, 46 % des américains souhaitent un retrait immédiat des troupes. Les Démocrates de leur côté ont pu remporter ces élections car ils ont habilement surfé sur la déception de l’opinion publique, tout en n’affirmant à aucun moment avoir un plan de sortie de crise.
Le fantôme du Vietnam revient…
La situation outre-atlantique est donc caractérisée par de profondes divisions sur deux plans : d’un côté, au sein de la classe dirigeante où deux camps se dessinent. Le premier, autour du gouvernement, continue à prôner une ligne « dure », et le second envisage une cooptation des adversaires des US dans la région (à savoir la Syrie et l’Iran) pour obtenir la stabilité en Irak. De l’autre côté, une profonde contradiction existe et ira en s’accentuant entre l’aspiration de l’opinion publique pour une résolution définitive de la crise et les choix envisagés par les milieux dirigeants. L’option du retrait immédiat des troupes n’est à l’agenda d’aucun courant politique de la classe dirigeante américaine et les Démocrates ont clarifié leur position à propos de cette question tout de suite après leur victoire. La situation commence à ressembler symétriquement aux années 1968-1975, lorsque le bourbier vietnamien avait déchiré la société américaine. Le bourbier irakien est la condition qui ouvre des brèches pour tous ceux qui ont intérêt à défier l’impérialisme étasunien, que cela soit des bourgeoisies d’autres pays ou les opprimés à l’intérieur.
La nouvelle stratégie
Pendant deux mois, Bush a remanié son gouvernement pour arriver à un nouvel équilibre au sein du camp républicain qui lui permette de gouverner solidement. En même temps, la mise en place d’une commission bipartisane (la commission Baker-Hamilton) visait à rassembler le plus possible les dirigeants américains et envoyer l’image d’une classe dirigeante soudée relevant les défis de la situation. Pendant ce temps, les néo-conservateurs ont redéfini leur stratégie, dont l’annonce à la mi-janvier était l’événement politique le plus attendu aux US. L’envoi des 21 000 troupes supplémentaires est le point d’orgue de cette stratégie, ce qui ne fait qu’accentuer les désaccords et l’instabilité politique, sachant que les Démocrates sont majoritaires au Sénat et que la mise en place de tout choix gouvernemental doit obtenir leur aval. Les troupes supplémentaires auront comme mission de sécuriser Bagdad et de neutraliser les guérillas sunnites à l’ouest du pays. Derrière, un effort diplomatique est déployé (cf. la tournée de Rice au Moyen-Orient) pour monter un front arabe anti-iranien et pour durcir les sanctions déjà entamées contre l’Iran. L’objectif est de faire reculer l’influence croissante de celui-ci, condition nécessaire pour stabiliser l’ensemble de la région. Entre autres, de nouveaux plans se mettent en place pour écraser les résistances au Liban et en Palestine.
Christakis, [Censier]