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Pour un nouveau mouvement féministe
dimanche 4 février 2007, par
Le Backlash *
Depuis le mouvement des années 70, le féminisme n’a cessé d’être attaqué. Les féministes sont discréditées parce qu’elles râlent contre « de simples blagues ». Le mouvement féministe aurait dévirilisé les hommes, et la portée des acquis de l’époque est limitée (médecins refusant de pratiquer des avortements, pharmacie ou infirmeries scolaires ne délivrant pas la pilule, loi contre les violences non appliquée…).
Et pourtant à l’école, dans les journaux on apprend que les inégalités entre hommes et femmes sont dépassées, c’était qu’un retard de l’histoire, ça n’existe plus que dans les pays sous-développés ou dans les quartiers populaires. Ces illusions n’encouragent pas les femmes à prendre conscience et à se défendre contre les discriminations et les violences qu’elles subissent au quotidien.
Une femme sans homme c’est comme un poisson sans bicyclette…**
Se faire siffler, insulter, se voir refuser un boulot, une promotion, ne pas oser se lancer dans la compétition… le quotidien féminin, nous le vivons chacune de notre côté, alors qu’il faudrait en parler. La non mixité et l’auto-organisation ont été des points d’appui fondamentaux du mouvement féministe : parler librement de ce qu’on vit, de ce qu’on pense sans contrôle (réel ou supposé) d’un homme (mec, père, prof, aîné…). Et surtout décider de la façon dont on va lutter contre cette oppression. Il n’est pas facile de dire qu’on veut s’organiser entre femmes. Ça a tout de suite l’air suspect, et c’est parfois des hommes les mieux intentionnés que viennent ces critiques : dur de voir quelque chose leur échapper… Pourtant il est primordial, que les femmes prennent en charge leur lutte, avec le soutien et la participation de tous ceux qui sont solidaires. Ainsi seulement ce qu’on a gagné dans un mouvement – droits concrets mais aussi confiance dans ses propres forces et dans les autres – a des chances de durer.
Divisées, on ne peut pas gagner !
Le mouvement féministe est aujourd’hui morcelé. Il existe de nombreuses associations ou organisations féministes, mixtes ou non, qui agissent sur différentes questions (violences, avortement, droits syndicaux…). La pluralité d’organisations n’est pas un problème mais la division du mouvement féministe, oui : cela s’est ressenti lors de la loi pour l’exclusion des filles voilées : une partie du mouvement a alors soutenu cette loi ; mais aussi sur la question de la prostitution où les revendications des prostituées diffèrent de celles de la majorité des organisations féministes. De plus, il est rare que toutes les composantes du mouvement se mobilisent sur une même question, pour une même échéance, à l’exception de la manifestation du 8 mars. Cette date est symbolique mais ne suffit pas pour gagner de nouveaux droits, sauver ceux qui sont attaqués, ou faire progresser la conscience féministe de la majorité des femmes.
Lutter pour de nouveaux droits
Voilées, prostituées, trans, travailleuses, chômeuses, étudiantes, lesbiennes, hétéros… il y a tant à gagner : l’avortement et la contraception gratuits et accessibles ; lutte efficace contre les violences faites aux femmes par une pénalisation plus forte, des centres d’accueil gérés par des femmes ; faciliter les études et le travail des femmes par le développement des crèches notamment dans les universités ; offrir des recours contre la discrimination au travail ; intégrer la question féministe dans les programmes scolaires ; abolir la loi d’exclusion des filles voilées ; abolir la Loi de Sécurité Intérieure de Sarko qui a rendu le quotidien des prostituées invivable…
Aucun droit légal n’a de sens sans un rapport de force concret, par la confiance qu’ont les femmes dans leurs propres forces et dans la légitimité de leurs exigences : nous ne voulons pas attendre que la société progresse, se remette psychologiquement de nous voir si fortes : nous voulons gagner l’égalité tout de suite, partout !
Suzanne, [Sorbonne]
*« retour de bâton  » terme utilisé pour parler de la réaction antiféministe aux acquis des années 70
**slogan des années 70 (je kiffe)