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90è anniversaire de la Révolution Russe de 1917

Février 1917  : de la guerre à la Révolution  !

dimanche 4 février 2007, par JCR-RED

En février 1917, en pleine guerre, le régime autocratique russe du Tsar est renversé par des manifestations de masse. Huit mois plus tard, en octobre, la classe ouvrière, s’appuyant sur une mobilisation populaire dans tout le pays, conquiert le pouvoir politique et commence la construction d’une nouvelle société, socialiste. Le XXe siècle bascule. Comme certains l’avaient prévu, et d’autres craint, la guerre mondiale de 1914 accouchait d’une révolution.

Des contradictions sociales qui s’accumulent

En 1917, la Russie est un pays essentiellement paysan. Le servage n’a été aboli qu’en 1861, et la situation des paysans a empiré : 30 000 gros propriétaires possèdent autant de terres que 50 millions de paysans.
Sur 150 millions d’habitants en 1913, il n’y a que 4 millions d’ouvriers. La plupart des capitaux investis sont étrangers (anglais, français). L’industrie est peu développée mais très moderne et concentre les ouvriers dans de très grosses usines : 30 000 ouvriers à Poutilov, l’usine géante de Petrograd. Le prolétariat est donc jeune, concentré et combatif ; il subit une exploitation féroce : très longues journées de travail, salaires de misère, conditions de logement déplorables…

Ainsi, la Russie combine les traits d’un pays rural, arriéré, quasi-féodal et ceux d’une économie capitaliste moderne.
Le régime impérial est complètement discrédité. Les soutiens du tsar sont une infime minorité de la population : nobles, officiers, clergé, tous attachés à leurs privilèges.

La bourgeoisie aspire à une monarchie constitutionnelle, mais elle est tellement effrayée par la montée du prolétariat, qu’elle ne cherche qu’à convaincre le tsar de faire quelques concessions pour éviter l’explosion.
L’Empire russe est aussi miné par la question nationale. Les nations de l’Est et du Sud sont dominées par les Russes : leur langue, leurs coutumes et leur indépendance sont bafouées par l’État. En 1914, plus de la moitié des 15 millions de soldats de l’Empire ne sont pas russes.

De la guerre à la révolution

En 1914, le déclenchement de la guerre porte un coup d’arrêt à une vague de grèves révolutionnaires.

Trois ans plus tard, l’Histoire prend sa revanche : la guerre mondiale fait exploser tous les problèmes, les frustrations et les aspirations accumulées au fil des années. Elle met en relief l’incompétence de l’appareil d’État, paralyse les administrations, désorganise l’économie russe.

Le cynisme du gouvernement et des militaires tsaristes apparaît au grand jour : ce sont 3 millions de soldats, paysans ou ouvriers, qu’on envoie à la mort. Alors que les officiers, tous issus de la noblesse, mènent une guerre qui permet aux grands industriels de faire de juteux bénéfices de guerre. Une guerre dont l’objectif réel, inscrit dans les traités secrets avec la France et l’Angleterre est de conquérir de nouveaux territoires.

En 1917, la population de l’Empire est profondément hostile à la poursuite de cette guerre. Se déclenche alors une crise profonde : crise économique (le régime ne parvient plus à nourrir sa population), crise politico-institutionnelle (l’État despotique perd toute légitimité), crise agraire (la soif de terre de la paysannerie est renforcée par la détresse générale de la vie quotidienne), crise des nationalités…

Renversement du tsar et dualité de pouvoir

Les ouvrières et les ménagères mettent le feu aux poudres à l’occasion de la « Journée internationale des Femmes ». La grève lancée dans le textile s’étend rapidement et spontanément à l’ensemble du prolétariat de Pétrograd, la capitale. En quelques jours, la grève de masse se transforme en insurrection, et les soldats (majoritairement paysans) passent du côté des ouvriers insurgés. Les mots d’ordre sont d’abord revendicatifs (« Du pain ») puis pour la paix, enfin contre le tsar. Le tsar abdique, et se forme alors un nouveau gouvernement.

Dans la foulée de l’insurrection se crée le soviet de Petrograd : conseil ouvrier rassemblant les délégués élus par les travailleurs en grève à l’échelle de la ville, et véritable pouvoir alternatif à celui des classes dirigeantes. À son appel vont se créer des soviets dans tout le pays, à l’image de ceux qui étaient spontanément apparus en 1905 : dans les usines, les quartiers, et même au front (les soldats élisent leurs comités et… leurs officiers). Ces soviets, de plus en plus nombreux et de mieux en mieux centralisés, risquent à tout moment de renverser la bourgeoisie.

Ce qui s’instaure alors, c’est une dualité de pouvoir : d’un côté le pouvoir des travailleurs (par le biais des soviets), de l’autre le pouvoir officiel du Gouvernement Provisoire (bourgeois). Ce dernier est paralysé par la faiblesse de l’État et par sa volonté de poursuivre la guerre : toutes les réformes démocratiques et sociales (une Constitution, des élections, le partage des terres) sont renvoyées à plus tard, après la guerre : cela « affaiblirait le pays face aux Allemands »...

Les différents courants politiques

Cette période de double pouvoir clarifie les attitudes de chaque groupe politique.

• Les Cadets (de KD, constitutionnels-démocrates) : bourgeois-libéraux. Ils constituent le principal parti des classes dominantes. Ce sont eux qui forment le premier gouvernement provisoire. Ils veulent poursuivre la guerre, et cherchent à détruire les soviets.

• Le Parti Socialiste-Révolutionnaire : il s’appuie sur une longue tradition révolutionnaire qui remonte à la moitié du XlXe siècle. C’est le courant dominant dans les soviets en Février : hégémonique dans le mouvement paysan. il a aussi une influence importante dans les grandes entreprises. Faiblement organisé et politiquement confus, il assure entre février et août 1917 la base sociale indispensable au gouvernement de collaboration entre bourgeois et réformistes.

• Les mencheviks : c’est un parti ouvrier opportuniste. Ils s’opposent à la Guerre Mondiale en 1914, mais la soutiennent après la Révolution de Février, quand ils sont au gouvernement. Grâce à leur grande influence dans les soviets en Février, ils freinent la poussée ouvrière pour maintenir le pouvoir entre les mains de la bourgeoisie, trop faible pour le garder seule.

• Les bolcheviks : ils deviennent le parti révolutionnaire clef en 1913-1914 en dirigeant une grève générale à Pétrograd. La consolidation. l’implantation et l’élargissement du parti se fait en même temps que d’intenses débats internes, notamment sous l’influence de Lénine. Minoritaire dans les soviets en Février, c’est le seul parti radicalement opposé à la guerre.

Le pouvoir à la bourgeoisie ou aux travailleurs ?

Début avril 1917 se tient la première Conférence des soviets, dominée par les courants réformistes. Ils accordent leur soutien au gouvernement bourgeois (dont les réformistes feront partie un mois plus tard), tentent de freiner la poussée des masses, et appuient la poursuite de l’effort militaire.

Avant l’arrivée de Lénine (exilé), la direction du parti bolchévik soutient le gouvernement et n’a pas de politique autonome. Avec ses « Thèses d’Avril », Lénine arrive à renverser la vapeur : même s’ils sont minoritaires dans les Soviets, les bolcheviks doivent patiemment expliquer aux masses que ce gouvernement bourgeois ne fera pas la paix et ne leur donnera pas la terre. Il faut exiger que les Soviets prennent le pouvoir. Sur cette ligne, les bolcheviks deviennent petit à petit majoritaires dans les soviets. En avril, ils sont 16 000 à Pétrograd, en juillet 180 000 dans tout le pays.

Fin avril, le gouvernement tente de relancer sa politique de guerre. Ce qui provoque de grandes manifestations et un solide mouvement de grève pour des revendications économiques. Au premier congrès des comités d’usines de Pétrograd, les bolcheviks gagnent déjà la majorité grâce à leur soutien aux mots d’ordre de « journée de travail de 8 heures « et de contrôle ouvrier sur les usines fermées par les patrons, alors que les réformistes y sont opposés.

Mais la Révolution de Février n’a été que le premier épisode de la Révolution Russe. Il faudra donc attendre le RED d’Octobre pour lire la suite…

Haïm, [Nanterre]

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