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Moyen orient : la stratégie impériale en échec
samedi 10 mars 2007, par
Influencé par le cercle des néoconservateurs
qui ont cherché à faire de l’islam
le nouvel ennemi des États-Unis
après la chute de l’URSS, le président américain
a lancé dans la foulée de la guerre en
Afghanistan sa stratégie du « Grand Moyen-
Orient », véritable entreprise de redéfinition
de la zone dans laquelle se sont inscrits,
de l’aveu même de Washington, les conflits
en Irak et au Liban. Bush poursuit avec
ce plan « deux grands objectifs : mener la
« normalisation » de l’ensemble de la région,
et surtout des pays qui n’acceptent pas le
consensus proaméricain comme la Syrie et
l’Iran (...) et préparer les positions de son
pays dans la nouvelle configuration énergétique
à l’échelle des dix, vingt ou trente
prochaines années. »
Une série d’échecs dans la région
Présentée comme le moyen d’imposer
la démocratie et l’économie de marché
dans tous les pays de la zone, la stratégie
du Grand Moyen-Orient a jusqu’à présent
abouti à des résultats absolument
inverses. D’abord parce que les États-Unis
ont mené une politique de soutien aux
dictatures arabes (Égypte, Maroc) pour
qu’elles relaient leur « guerre contre le
terrorisme ». Ensuite, parce que l’exacerbation
des tensions dans la région, et
particulièrement le soutien sans condition
à Israël, a « profité avant tout aux forces
les plus conservatrices » qui ont failli s’imposer
dans tous les pays de la région, de
l’Algérie à l’Égypte. Au Liban, le Hezbollah
est sorti renforcé du conflit de cet été alors
qu’Israël avait conçu cette offensive pour
diviser les Libanais en les retournant contre
ce même Hezbollah. Aux États-Unis, la
politique extérieure de George Bush est
de moins en moins populaire, comme en
témoignent les récentes mobilisations du
mouvement antiguerre.
Tous ces échecs, sans oublier bien sûr le
bourbier irakien, n’empêchent pas le président
américain de continuer à menacer
l’Iran et la Syrie. Il ne s’agit pas de soutenir
les régimes de ces pays, mais d’empêcher
une nouvelle ingérence et agression
armée.
Le pétrole au centre des préoccupations
En 2003, les objectifs américains en Irak
étaient doubles. D’une part, les États-Unis
voulaient prendre le contrôle du pétrole
irakien, ce qui leur aurait notamment permis
d’affaiblir l’OPEP par un accroissement
massif de la production irakienne. D’autre
part, ils voulaient asseoir leur présence
au coeur du Moyen-Orient. En la matière,
l’Irak devait servir de base opérationnelle
pour l’impérialisme américain, d’autant
plus que la présence militaire américaine
en Arabie Saoudite était devenue une
cause d’instabilité qui menaçait l’existence
même de la monarchie. Pour essayer de
stabiliser le régime saoudien, les États-
Unis ont dû accepter la fermeture des
bases américaines dans le royaume.
Depuis la crise pétrolière de 1973, le
Pentagone a échafaudé divers scénarios
de « sécurisation » des champs pétroliers
Saoudiens et autres. La situation en Irak
révèle la vanité de tels plans. En effet, l’exploitation
du pétrole suppose un réseau si
complexe d’infrastructures en tout genre
qu’il est impossible aux forces américaines
d’assurer leur protection intégrale.
Résistance en Irak… Et ailleurs
La situation économique et sécuritaire
est encore plus désastreuse. La vie quotidienne
des Irakiens a empiré. Face à une
telle débâcle, les soutiens à l’occupation
de l’Irak s’effritent - aussi bien aux États-
Unis que chez ses alliés. L’Italie et le
Royaume-Uni se sont publiquement engagés
à réduire leurs contingents militaires
en Irak. La guerre coûte aux seuls États-
Unis 5 milliards de dollars par mois. Les
pertes s’alourdissent alors que la résistance
irakienne devient de plus en plus
efficace.
L’Irak mobilise des troupes qui, du
point de vue de l’impérialisme américain,
pourraient s’avérer nécessaires ailleurs
(Venezuela, Iran, Corée...). Comme jadis
au Sud Vietnam, les États-Unis tentent de
construire une force locale qui leur permette
d’épargner leurs propres soldats. Ce
qu’envisagent les États-Unis, ce n’est pas
la création d’une armée irakienne pleinement
autonome, mais plutôt d’une force de
type coloniale, chargée d’effectuer « la sale
besogne » - c’est-à-dire de mourir sous les
tirs de la résistance. En somme, une force
suffisamment puissante pour endiguer la
résistance et maintenir un semblant d’ordre,
et suffisamment faible pour justifier la
présence permanente de bases militaires
américaines.
Depuis l’assassinat de l’affairiste libanais
Rafik Hariri, une campagne d’intimidation
et de déstabilisation de la Syrie est menée,
sous couvert de l’ONU, par les Etats-Unis
et la France. La France tient ici le rôle
de comparse. Il s’agit, en définitive, de
poursuivre la « débaasification » hors des
frontières d’Irak, de démoraliser et d’affaiblir
la frange nationaliste et laïque de la
résistance irakienne, et de poursuivre la
division et l’assujettissement du Moyen-
Orient. La Syrie représente pour les États-
Unis une fuite en avant de la guerre en
Irak, comme le fut le Cambodge pendant
la guerre du Vietnam.
Alex, [Marseille]