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La famille : un cadre d’oppression de la jeunsse.
samedi 10 mars 2007, par
Les jeunes Européens considèrent
aujourd’hui la
famille comme de première
importance dans leurs vies.
Pourtant, la famille est loin
d’être un cadre idéal : qui ne s’est jamais
senti opprimé par sa famille ? Elle reste le
premier cadre de violence contre les femmes,
les enfants, les vieillards. Il est possible
et nécessaire de la changer. Elle n’a d’ailleurs
pas toujours existé comme ça, mais a évolué
en fonction des périodes historiques et du
système économique en place.
Rôle et origine de la famille
La famille ne s’est pas toujours limitée à
un groupe restreint : père, mère et enfants.
Dans les premières sociétés, on peut supposer
que c’était le groupe, ou la tribu, la
cellule de base de la société : la production
de chaque individu (chasse, récolte,
construction d’outils...) était gérée collectivement,
afin d’en faire profiter l’ensemble
du groupe. Mais à partir de l’invention de
l’agriculture, l’efficacité de cette nouvelle
technique fait apparaître un surproduit,
que certaines personnes du groupe s’approprient.
C’est l’apparition de la propriété
privée, qu’il faut transmettre à ses enfants.
Il est donc nécessaire de contrôler sa descendance.
La famille monogamique joue
ce rôle : elle permet de limiter la sexualité
des époux, particulièrement celle de la
femme, à l’intérieur du couple.
« La famille monogamique est fondée
sur la domination de l’homme, avec le
but exprès de procréer des enfants d’une
paternité incontestée, et cette paternité
est exigée parce que ces enfants entreront
un jour en possession de la fortune
paternelle, en qualité d’héritiers directs. »
(Engels, L’origine de la famille, de la propriété
privée et de l’État)
Cette famille n’est pas fondée sur les sentiments,
l’amour réciproque, ou l’attirance
sexuelle, mais sur l’intérêt économique :
on se marie à l’intérieur d’une même classe
sociale pour augmenter son patrimoine.
Par exemple, les seigneurs, sous le régime
féodal, toléraient parfaitement que leur
femme reçoive publiquement des preuves
d’amour d’un autre, à condition que cette
relation reste entièrement platonique.
C’est la naissance de bâtards (issus de la
femme) qu’il faut éviter, puisqu’ils diviseraient
le patrimoine. Le rôle fondamental
est de préserver la propriété privée.
La famille apparaît donc d’emblée
comme un cadre d’oppression pour la
femme. Elle se voit refuser toute liberté
sexuelle : elle seule risque des sanctions
si elle est convaincue d’adultère. Sa place
dans la société et la production change.
Alors qu’elle participait activement à l’ensemble
de la production (même quand
elle s’occupait du ménage, il s’agissait
d’un tâche reconnue par la société), elle
se trouve reléguée à la maison pour être
mieux contrôlée. Ses tâches ne sont plus
reconnues socialement, et elle se trouve
complètement dépendante de l’homme.
La famille sous le capitalisme
Le passage du féodalisme au capitalisme
bouleverse la famille. La famille bourgeoise
capitaliste doit non seulement conserver le
capital mais le faire fructifier. La femme a
un rôle plus important qu’avant dans cette
conservation : sa gestion du ménage et des
relations mondaines de la famille n’est pas
indifférente. Les époux doivent donc être
aussi unis que possible pour augmenter
leur capital. Ce besoin d’entente engendre
une nouvelle idéologie de la famille. Elle
doit être fondée sur l’amour et la confiance
réciproques. La réalité de la famille
bourgeoise correspond rarement à cela : il
y a beaucoup de mariages d’intérêt et de
violences contre les femmes. Mais l’idéologie
« officielle » (toujours mise en avant
et valorisée aujourd’hui par les médias, les
films grand public...) est celle du coup de
foudre et de l’amour éternel.
La famille prolétarienne est elle aussi
bouleversée : le capitalisme ouvre le travail
à la femme, bien qu’il soit difficile et
parfois impossible à celle-ci de concilier
des obligations familiales (dont elle a
seule la charge) et le travail. Il donne
une possibilité aux individus qui étaient
opprimés à l’intérieur de la famille (homo,
femmes, jeunes...) d’échapper à l’oppression
que fait peser sur eux le cadre familial.
Comme la famille prolétarienne ne
sert pas – comme la famille bourgeoise
– à conserver un capital, elle semble ne
plus avoir de fondement économique. De
plus, ces conditions de vie et de travail
difficiles, le peu de temps libre engendrent
des violences, et permettent rarement à
l’amour de durer. Pourtant c’est justement
la difficulté de la vie et la destruction
des cadres traditionnels de solidarité (une
communauté religieuse, d’un village, sous
l’autorité d’un seigneur...) qui rendent plus
nécessaire que jamais la cellule familiale
: parents, enfants, femme, mari, frères et
soeurs sont ceux avec qui l’on affronte le
monde, la concurrence... Cela explique
l’importance qu’a aujourd’hui la famille
pour la majorité des gens.
Comment la changer ?
Pourtant la famille est le principal lieu de
violence contre les femmes : une femme
meurt tous les quatre jours
sous les coups de son conjoint,
la majorité des viols et
des violences physiques a
lieu dans le cadre familial...
À Détroit, cinq meurtres sont
commis tous les jours dont
quatre par des membres de la
famille ou des proches. 80%
des tâches ménagères sont
effectuées par les femmes.
Pour beaucoup de jeunes
gays et lesbiennes, vivre sa
sexualité ouvertement visà-
vis de sa famille est difficile
voir impossible. Encore
aujourd’hui, c’est un cadre où
les hommes et surtout le père occupent la
place principale. L’éducation des enfants
est faite de manière hétéro-normative :
on enseigne aux enfants leur rôle futur
dans la société, par les jouets, l’imitation
du parent du même sexe, des encouragements
inégalement distribués... Avec un
contrôle bien plus fort sur la sexualité des
filles que sur celle des garçons.
Puisque la famille telle qu’on la connaît
est liée au système capitaliste, c’est seulement
en changeant de société qu’il sera
possible de faire disparaître les oppressions
qu’elle engendre. En effet, dans une
société où chacun-e aura les moyens de
vivre de façon indépendante, rien ne contraindra
un jeune, une femme à rester
avec quelqu’un qu’il-elle n’aime pas. De
plus dans une société organisée collectivement,
les tâches ménagères, l’éducation
des enfants, travaux aussi respectables
que d’autres, seront gérés par l’ensemble
de la collectivité. Ainsi, la division des
tâches et, de façon générale, la différenciation
entre les genres, n’auraient plus
vraiment de sens. Lors de la révolution
russe, en 1917, les relations amoureuses,
familiales ont évolué très rapidement. De
nombreux droits (divorce, avortement) ont
alors été gagnés pour la première fois, bien
que le régime stalinien soit revenu dessus
quelques années plus tard.
Il est difficile d’imaginer ce que sera concrètement
une telle société. En revanche,
la lutte est déjà engagée pour l’indépendance
: du droit au travail des femmes, au
droit à l’avortement, et aujourd’hui à l’indépendance
financière pour les jeunes.
Lucie, [Jussieu] et
Suzanne, [Sorbonne]