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Le syndicalisme : notre engagement syndical
mercredi 2 mai 2007, par
I. Les raisons fondamentales de notre engagement syndical
Une question stratégique
Notre projet révolutionnaire repose sur l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes et une bataille contre la bourgeoisie. Cela a une double implication concernant la nécessité d’unifier notre camp social. Nous devons unifier notre camp social parce que la société que nous voulons mettre en place implique une forte cohésion de la classe ouvrière, afin que celle-ci puisse entraîner les autres classes dans l’organisation d’une nouvelle société, afin que la période de transition entre le capitalisme et le socialisme soit la moins désordonnée possible, que la production et la société se réorganisent au mieux et au plus vite. Nous devons aussi unifier notre camp social car c’est le seul moyen de battre la classe adverse, la bourgeoisie, au moment des affrontements révolutionnaires, et de limiter les combats armés au minimum.
Lors des grandes batailles politiques ou sociales, notre camp s’homogénéise, s’unifie. Le travail de masse, en particulier syndical, permet de travailler à l’unification de notre camp social en dehors des périodes de mobilisations.
L’organisation dans des structures de type syndical permet à notre camp social de prendre conscience de sa force : lorsque le taux de syndicalisation et de militants syndicaux est élevé, les travailleurs sont moins isolés, ils peuvent faire jouer des solidarités dans de nombreux aspects quotidiens, au travail mais aussi pour des solidarités encore plus élémentaires, d’entraide.
L’organisation donne aussi des moyens de réaction largement supérieurs aux travailleurs pour défendre leurs intérêts : lorsque des batailles doivent être menées pour défendre leur statut, leur salaire, leur dignité dans leur travail, l’organisation élémentaire permet au travailleur de ne pas se laisser faire.
Enfin, le syndicalisme est aussi intimement lié, au quotidien, avec des discussions entre collègue sur la nécessité de s’organiser, de structurer nos réactions, de ne pas s’enfermer dans des stratégies individuelles. Cela a des répercutions jusque dans les mobilisations face aux courants anarchistes ou autonomes, qui dévalorisent l’organisation collective, la discipline, le vote, les discussions structurées, etc.
Un outil pour modifier les rapports de forces
Défendre ses droits
L’outil syndical permet de défendre les droits des travailleurs au quotidien. Cela fait partie des batailles auxquelles nous participons. En effet, il nous paraît juste de défendre ses droits au quotidien car, si nous poussons que l’émancipation de l’humanité viendra d’une révolution sociale, nous sommes tout de même favorables à des améliorations immédiates.
De plus, ces batailles ont deux avantages. Le premier est que cela permet de limiter la détérioration de nos conditions de vie : lorsque les conditions de vie des travailleurs sont trop mauvaises, résoudre ces problèmes passe au premier plan par rapport à la défense d’intérêts collectifs, et cela encourage les préjugés racistes.
Le deuxième est que, lorsque les travailleurs gagnent des batailles sociales, même très locales, cela donne confiance dans leur propre force, cela aide à convaincre que l’engagement collectif vaut la peine, que la lutte, la grève sont payantes, ce qui est loin d’être évident lorsque l’on enchaîne défaites sur défaites ou, pire, lorsqu’on ne mène aucune bataille collective.
Constituer des points d’appui pour être en capacités de lutter
Dans les grandes entreprises, les travailleurs ont pu gagner des avantages pour eux-mêmes et pour l’ensemble des salariés : le droit syndical, les salariés protégés, les journées d’information syndical sont des atouts. Les fonctionnaires ont gagné la sécurité de l’emploi (même si on est en train de la perdre dans de nombreuses boîtes, où le statuts de fonctionnaire est remplacé petit à petit par des contrat de droit privé).
Les temps de pause, les congés sont des moments où les salariés peuvent prendre le temps de réfléchir, de sortir du quotidien.
Tout cela n’a pas été accordé par la bourgeoisie pour nous faire plaisir, cela a été imposé par des luttes syndicales et politiques des travailleurs.
Des « embryons de démocratie prolétarienne au sein du capitalisme » (Trotsky)
La classe ouvrière ne peut pas gagner de place dirigeante dans le système capitaliste, ses positions sont toujours instables. Si elle cherche à contourner le problème en cherchant des places dans l’appareil d’Etat, elle dénature ses objectifs et se met au service de la bourgeoisie.
Mais, pour autant, dans la guerre qu’est la lutte des classes, le prolétariat peut gagner des positions, des points d’appui. Elle peut constituer des bases arrières, comme par exemple les entreprises où elle est puissante, où elle gagne des droits et une expérience dans la lutte.
Les organisations ouvrières (associations, syndicats et organisations politiques) constituent aussi des « embryons de démocratie prolétarienne au sein du capitalisme » car elles permettent aux travailleurs d’apprendre à vivre, à faire fonctionner les choses par eux-mêmes, sans les patrons. Cela permet de donner une crédibilité au pouvoir prolétarien, de répondre à l’illusion répandue que la société ne peut fonctionner sans patrons, sans ingénieurs, sans spécialistes.
II. Les raisons liées à la place des révolutionnaires
Les syndicats sont réformistes par nature
Il existe une contradiction dans le combat quotidien des révolutionnaires : nous nous battons pour l’unité de notre classe et nous poser la question du pouvoir, alors que cette question divise fatalement. En effet, le clivage réforme/révolution divise notre camp social, la nécessité de prendre le pouvoir n’est pas partagée par tous, du moins hors des périodes révolutionnaires. Les syndicats sont réformistes par nature car, s’ils veulent unifier les travailleurs, ils ne peuvent pas être révolutionnaires. De plus, l’aspect quotidien de leur lutte, la revendication immédiate, réduit, qu’on le veuille ou non, leur possibilité de mettre en place une théorie révolutionnaire partagée par la majorité des militants et adhérents.
Les anarchises et les syndicalistes révolutionnaires ne se donnent pas les moyens de résoudre ce problème. Pour eux, le syndicat est à la fois la forme d’organisation des travailleurs en dehors des périodes révolutionnaires et la forme du pouvoir des travailleurs lors de et après la révolution. Cela les conduit à ne pas résoudre la question de la prise du pouvoir, comme l’expérience de l’Espagne en 1936 le démontre : dans cette période, ils ont organisé une production autogérée dans des entreprises en concurrence les unes avec les autres et n’ont pas trouvé le moyen de contester le pouvoir bourgeois républicain. De plus, pour la période post-révolutionnaire, leur conception ne permet pas de séparer syndicats et Etat ouvrier (l’Etat est la structure qui organise la société, notamment par le biais de l’administration, de la justice, de la police, de l’armée…). Celle-ci est pourtant nécessaire à la fois pour qu’un Etat ouvrier existe et puisse organiser la transition vers le communisme et pour que les travailleurs puisse se protéger, syndicalement, contre les dérives de tout Etat (voir la discussion entre Lénine et Trotsky sur la « militarisation des syndicats »).
Est-il contradictoire d’être révolutionnaire et de militer dans une organisation réformiste ?
Aucun syndicat ne peut être révolutionnaire. À partir du moment où l’on comprend la nécessité de militer syndicalement, il faut accepter ce fait. Pour autant, cela ne veut pas dire que l’on devient nous-mêmes réformistes. Il s’agit de comprendre à quoi sert le syndicat, outil réformiste indispensable aux travailleurs.
Le syndicat est la forme d’organisation première pour les travailleurs entre les mobilisations, celle qui permet aux travailleurs non révolutionnaires de garder un lien entre eux, de continuer à défendre leurs intérêts. Il constitue aussi une médiation entre l’avant-garde révolutionnaire et les larges masses (telles que les définit Ernest Mandel dans Trois textes sur l’organisation du prolétariat).
1) Pour celle-ci, le syndicat permet de se lier au niveau de conscience des larges masses : il permet, par des discussions et des luttes quotidiennes, de connaître les préoccupations concrètes des masses, leurs possibilités d’action (en terme de confiance, de capacités financières pour une grève, de combativité…), leurs convictions politiques (concernant des batailles concrètes comme les grands choix de société, les différentes questions politiques).
2) Le syndicat constitue une première étape pour entraîner l’ensemble de notre camp social : Dans les luttes comme avant les luttes, nous pouvons tester nos arguments dans le syndicat avant de les tester à une échelle plus large. Par exemple, pendant le mouvement contre le CPE, commencer à batailler dans l’UNEF sur la question du blocage ou de l’élargissement des revendications permettait de tester nos arguments et ce que peuvent répondre des étudiants moyennement combatifs. Nous pouvons aussi commencer à entraîner plus largement que les révolutionnaires, en entraînant des militants qui ne sont pas révolutionnaires voire qui sont nettement réformistes, ainsi que leur milieu, ce qui permet d’élargir le champ d’action par rapport au milieu, limité, des seuls révolutionnaires.
3) Enfin, les révolutionnaires ont une responsabilité à contribuer à la structuration quotidienne de la classe ouvrière. Nous devons nous poser le problème de comment organiser largement le prolétariat en dehors des périodes révolutionnaires. Ce dernier élément implique que cela ne peut pas se faire dans une organisation révolutionnaire. Mais nous ne pouvons pas laisser la tâche que le prolétariat s’organise largement aux réformistes, les révolutionnaires doivent être autant capables de structurer la classe que les réformistes. Il n’y a aucune raison de leur laisser ce privilège.
On entend beaucoup de choses sur l’indépendance syndicale. Pour nous, il ne s’agit pas que les militants des syndicats n’ont pas le droit de discuter de politique ou de militer politiquement. Il ne s’agit pas d’une position morale. L’indépendance syndicale consiste à respecter les rythmes politiques et les objectifs de chaque structure. Le syndicat a pour rôle d’unifier un camp social pour se battre pour des objectifs communs en défense de ses intérêts. L’organisation politique vise à préciser et défendre un projet stratégique. Nous respectons les décisions des organisations de masse, nous nous battons contre leur subordination à une organisation politique parce que nous pensons qu’il est nécessaire de respecter les rythmes de débat démocratique des structures de masse.
III. La situation des syndicats et l’intervention des révolutionnaires
Cinq questions structurent notre vision de l’intervention des révolutionnaires dans les syndicats.
1) Les syndicats et l’Etat, les syndicats et le réformisme.
L’intégration des syndicats à l’appareil d’Etat est plus moins profonde selon les organisations et les périodes, mais elle est inévitable pour tout syndicat un minimum représentatif : tout syndicat qui a une audience de masse acquière des positions dans les conseils d’entreprises (ou d’université…), des permanents (ne serait-ce que pour protéger ses militants de la répression), de l’argent qui vient de l’Etat. Ce lien à l’appareil d’Etat implique forcément le développement de conceptions réformistes et de fonctionnements bureaucratiques (voir Rosa Luxembourg, Grève de masse, parti et syndicat et Réforme sociale ou révolution).
2) Face à la bureaucratie
La bataille contre la bureaucratie n’est pas un débat d’idées entre des militants en désaccord. La bureaucratie est problème de rapport au système, c’est une question sociale. Les bureaucrates ne sont pas mauvais par nature ou par conviction, mais leur place dans une structure intégrée à l’appareil d’Etat les force à des pratiques antidémocratiques et des conceptions réformistes. Nous devons déduire de ce problème social la nécessité pour la révolutionnaire d’un séparation nette entre eux et nous, en terme de pratiques militantes, de formulation d’orientations syndicale. Aucune alliance durable (ce qui n’interdit pas des accords ponctuels) n’est possible sous peine de nous intégrer à notre tour.
3) La nécessité de différencier directions réformistes et bureaucratiques des militants
Les militants de base, même dirigés par des bureaucrates et solidaires avec eux, sont des travailleurs normaux. Vis-à-vis d’eux, nous devons faire notre possible pour argumenter sur le fond, de ne pas passer pour des fous ou des gauchistes. Nous devons éviter de donner des prétextes aux bureaucrates pour activer des solidarités sentimentales, sectaires, sans fond contre nous. Il est parfois nécessaire de mettre en place des affrontements forts avec les directions réformistes, voire des affrontements physiques, mais il faut mesurer les conséquences que cela a en terme d’isolement des militants combatifs.
4) Un syndicat n’est pas un parti
Un syndicat est une coalition d’individus, ou de structures locales, sur le seul objectif de défendre des intérêts communs. Nous devons refuser toute forme de centralisme dans les syndicats : même lorsque les débats sont démocratiques, il ne peut être demandé, dans un syndicat, que tous les adhérents et toutes les structures appliquent les décisions. Ce serait la meilleure façon pour que les structures explosent sur la base de divergences secondaire par apport à la nécessité de défendre les intérêts de classe communs. Lorsque des décisions sont prises, les structures et les militants demeurent libres de leur actes propres vis-à-vis du reste de l’organisation.
5) Un syndicat regroupe une population « avancée »
Les syndiqués regroupent (plus ou moins) les « travailleurs avancés », ceux qui ont déjà conscience de la nécessité de s’organiser. Nous combattons donc la conception réformiste qui consiste à considérer que les syndicats doivent coller au niveau de conscience des masses non organisées. Les syndicats doivent s’approcher au plus proche de ce niveau de conscience, mais leur rôle n’est pas d’être passifs, il doivent jouer un rôle de direction vis-à-vis des masses, en proposant des méthodes pour qu’elles se mettent en mouvement.
IV. Quelle orientation concrète ?
1) L’activité quotidienne
Parce que nous sommes convaincus de la nécessité du cadre syndical pour lui-même, nous participons à l’activité quotidienne de base. De plus, cela permet de gagner une légitimité, il n’y a aucune raison de laisser ce travail et cet espace aux réformistes, nous devons prouver que les révolutionnaires sont capables de résoudre les problèmes quotidiens des travailleurs.
Nous participons donc aux permanences, aux tables d’information, aux campagnes électorales, aux campagnes de pétitions, à la résolution des problèmes quotidiens, à la lecture et l’analyse des réformes, ainsi qu’au travail dans les institutions (conseils, rendez-vous avec les administrations…).
2) Le travail d’avant-garde
Nous essayons d’être un pas en avant et de tirer en avant l’ensemble du syndicat. Cela passe par deux biais. Le premier est la conviction : nous essayons de convaincre sur nos positions en discutant, en écrivant des textes, etc. Le deuxième est l’action : nous mettons en place notre orientation en tant qu’individus ou lorsque nous convainquons une structure, afin de faire des preuves par l’exemple. Cela ne se fait pas dans tous les cas : il faut que cette action serve réellement à entraîner plus largement, pas à nous isoler.
3) Discuter politique
Lorsque nous militons syndicalement, nous restons des militants politiques. Nous ne nous interdisons pas de discuter de nos convictions politiques, même si cela ne doit pas se faire au détriment du travail syndical : pour être crédibles lorsqu’on propose une orientation syndicale, il faut parfois savoir se faire discrets sur l’intervention politique, même s’il est parfois possible, lorsqu’on a acquis une certaine légitimité, de proposer des orientations syndicales même en étant connus comme militants syndicaux.