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Vaincre le fascisme
mardi 8 mai 2007, par
Il y a cinq ans, Le Pen arrivait au second tour de l’élection présidentielle. La jeunesse se mobilisait pendant
quinze jours pour affirmer son aversion pour l’extrême droite. Aux cris de « F comme fasciste, N comme
Nazi  », elle manifestait quotidiennement. Aujourd’hui, il n’est pas exclu qu’un tel scénario se reproduise.
Encore plus qu’avant, la droite et dans une grande mesure la gauche reprennent les thématiques chères au
FN. Pour que plus jamais le fascisme ne gagne du terrain, il est nécessaire de définir ce qu’est ce système,
qui sont ses représentants aujourd’hui en France et comment lutter contre.
« Le prolétariat allemand se relèvera, le
stalinisme jamais ! »
Cette sentence de Trotsky, prononcée peu
de temps après l’accession de Hitler au
pouvoir en janvier 1933, souligne que la
victoire du NSDAP est avant tout la défaite
de la direction du mouvement ouvrier allemand,
tant des sociaux-démocrates (ce qui
était prévisible) que du parti communiste et
de l’Internationale Communiste. Ce dernier,
en étant incapable d’analyser l’évolution
des conditions objectives, paralysé par son
appareil, avait mené le prolétariat le plus
puissant du monde à la plus grave défaite
de son histoire, à coups de dérives tantôt
sectaires et « ultra-gauche », tantôt droitières.
Cette défaite n’était pas inéluctable : les
analyses de Trotsky et de l’opposition de
gauche, tout au long de la montée du NSDAP
de 1930 à 1933, montrent qu’il était possible
de saper ce qui constituait la base sociale
du nazisme, à savoir la petite-bourgoisie
déclassée par la crise. Il aurait fallu pour cela
mener une politique de front uni du mouvement
ouvrier, qui aurait permis d’entraîner
des pans entiers de la petite-bourgeoise :
au lieu de cela, la politique stalinienne de la
« troisième période d’erreurs » de l’I.C., en
visant principalement le « social-fascisme »,
avait désarmé et démoralisé une grande
partie de l’avant-garde ouvrière, jetant ainsi
dans les bras d’Hitler la petite bourgeoisie,
et avec elle une partie du prolétariat.
Les années 30 au ralenti ?
La crise structurelle du capitalisme amorcée
dans les années 70 pose les bases
d’une situation qui semble proche de celle
que connaissaient les pays impérialistes au
début de la crise des années 30 : la situation
sociale est marquée par le chômage de
masse, la précarisation de la classe ouvrière
et des classes moyennes, ce qui entraîne
une montée du racisme renforcée par les
tensions inter-impérialistes et par les guerres
actuelles, justifiées idéologiquement par le
prétendu « choc des civilisations ». Dans ce
contexte de polarisation sociale et politique
ont ressurgi des partis d’extrême droite qui
ont su profiter de l’incapacité des directions
du mouvement ouvrier à enrayer la crise.
Electoralement, un parti comme le FN en
France est depuis longtemps le premier
parti ouvrier, et profite de la radicalisation
d’une partie de la bourgeoisie représentée
par Sarkozy, qui souhaite accélérer l’offensive
libérale, en employant des prétextes idéologiques
(racisme, « valeur travail ») qui ne
font que légitimer les « idées » de l’extrême
droite. Le Pen a raison de dire que « les gens
préfèrent toujours l’original à la copie » : il le
sait, lui qui n’a jamais été aussi haut dans les
sondages qu’aujourd’hui.
Si la crise actuelle est loin d’être aussi développée
que celle des années 30, la remontée
des luttes de ces dernières années et la
polarisation politique montrent si besoin
était que les confrontations de classe ne
feront que s’accentuer et se radicaliser dans
les années à venir. Pour l’instant, les capacités
de répression de l’Etat bourgeois sont
suffisantes pour contenir les mouvements
sociaux renaissants : celui-ci n’a pas besoin
de confier à un mouvement de masse réactionnaire
le soin d’écraser un mouvement
ouvrier devenu dangereux pour le maintien
de sa domination. De plus, la crise n’est
pas suffisamment approfondie pour donner
une base sociale large au mouvement fasciste
que souhaite construire le FN : si les
SA ont pu compter en 1932 jusqu’à 300 000
membres dans leurs rangs, c’est aussi parce
que l’Allemagne de l’époque comptait près
de 40% de chômeurs, en plus du fait que la
bourgeoisie ne pouvait plus compter seulement
sur elle-même et sur l’Etat pour contrer
un mouvement ouvrier puissant.
Si notre tache dans la période
actuelle est avant tout de construire les luttes
et de reconstruire le mouvement ouvrier
et ses organisations, nous devons être conscients
qu’idéologiquement l’extrême-droite
a pris de l’avance. La défiance d’une partie
de plus en plus importante de la population
vis-à-vis de la bourgeoisie et de ses
représentants politiques (la « crise de la
représentation politique ») profite pour l’instant
à la réaction. Il s’agit pour nous de
redonner espoir à une partie de notre camp
qui se tourne vers le désespoir de la contrerévolution.
Pour cela, nous devons pointer
la véritable nature réactionnaire d’un parti
comme le FN aux yeux des travailleurs et
de la jeunesse. Cela est d’autant plus vrai
en période électorale : partout où l’extrêmedroite
passe, nous devons dénoncer ses
« idées », dans la rue, dans nos lycées, nos
facs, nos entreprises, en entraînant le plus
largement possible autour de nous. Et faire
prendre conscience que la seule véritable
alternative à la montée de l’extrême-droite
est le bouleversement d’un ordre social et
politique qui porte le fascisme en son sein.
Romain, [Censier]
Quelques lectures :
– « Comment vaincre le fascisme (Ecrits sur l’Allemagne
: 1930-1933) Â », Trotsky
– « La peste brune  » et « Fascisme et grand Capital  »,
Daniel Guérin
– « Les origines du totalitarisme  », Hannah Arendt
– « Bêtes et méchants  », SCALP
– Et plein d’autres…