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La Guerre d’Algérie : l’école d’une lutte
mardi 8 mai 2007, par
Après la Seconde Guerre
Mondiale, les pays colonisés,
qui ont servi sous
le drapeau français,
intensifient la lutte pour
l’indépendance : dès les années 1930, des
peuples combattent contre l’occupant français
comme dans le Rif. La victoire de Diên
Biên Phu le 7 mai 1954 redonne espoir aux
nationalistes. La lutte algérienne s’inscrit
dans ce contexte de combat pour la libération
des peuples.
Le début de la guerre
La création du FLN (Front de Libération
Nationale) est anticipée par la création
du CRUA (Comité Révolutionnaire d’Unité
et d’Action) le 23 mars 1954, scission de
l’Organisation Spéciale, seul organe des
nationalistes algériens jusque-là. Le CRUA
réunit d’abord neuf membres dont Ahmed
Ben Bella. En octobre 1954, ils créent le
Front de Libération Nationale qui décide
de lancer la lutte armée au 1er novembre.
La Toussaint rouge marque le début de la
guerre et, pour le gouvernement, le début
d’une répression énorme : en quelques
jours, des dizaines de militants algériens
sont arrêtées et emprisonnées sans procès.
Le ministre de l’intérieur, François
Mitterrand, prône le recours à la force.
L’état d’urgence est décrété en Algérie
à partir de janvier 1955. En mai, plus de
100 000 militaires français sont présents.
La France continue à envoyer de plus en
plus de militaires.
Du côté français
Le peuple français ne comprend pas ce
qui se passe. Sortant de plusieurs années
de guerre, de morts et d’horreurs, il veut
continuer à vivre dans cette belle époque
que sont les Trente Glorieuses. Croyant ce
qui est dit à la télé, il est convaincu que ce
qui se passe en Algérie n’est que du trouble
à l’ordre public : en 1955, seulement
5% des Français s’intéressent à ce qui se
passe en Algérie.
Les choses changent quand les réservistes
sont rappelés : ce sont leurs enfants qu’on
envoie combattre. Les premières manifestations
des appelés du contingent s’organisent,
comme en septembre 1955. Peu à
peu, les journaux parlent des « événements
en Algérie » et se font même les porte-voix
du FLN comme le Monde qui publie la
déclaration
du FLN proposant
un
cessez-le-feu
en février
1956.
Un gouvernement
de
gauche prend
le pouvoir
après la dissolution
de
l’Assemblée
début 1955. Ce gouvernement de Front
Républicain est élu sur une base de paix
en Algérie. Il ne tiendra pas ses promesses,
car le 12 mars 1956, les pouvoirs spéciaux
sont accordés à Guy Mollet, Président
du Conseil : les effectifs de l’armée en
Algérie sont portés à 400 000 hommes.
Le 22 octobre 1956, les autorités françaises
détournent un avion civil marocain
transportant des dirigeants du FLN. Cela
déclenche un tollé dans l’opinion internationale,
mais personne ne bouge face à
l’emprisonnement de ces dirigeants.
Une grève générale massivement suivie
est organisée en Algérie le 1er novembre,
date anniversaire. Les Algériens de France
se mettent aussi en grève en janvier 1957
afin d’informer la population française
et internationale : ils sont réprimés avec
l’arrestation de dirigeants de la Fédération
de France du FLN.
D’un gouvernement à l’autre
Après ces quelques exactions, Mollet
démissionne. Le nouveau gouvernement
ne change pas de politique : des dirigeants
algériens sont assassinés, mais surtout
l’UGEMA (Union Générale des Etudiants
Musulmans de France) est dissoute en
janvier 1958.
La bourgeoisie française fait appel à
de Gaulle, afin de régler le conflit. Les
« ultras » partisans de l’Algérie française
investissent le gouvernement général d’Alger
et proclament le comité de salut public
dirigé par le général Massu. L’armée débarque
en Corse et menace de prendre le pouvoir
à Paris sauf si De Gaulle le récupère.
La population commence sérieusement à
se solidariser avec le peuple algérien : des
centaines de
personnes,
militantes
politiques,
associatives, intellectuelles
s’organisent
pour aider
le FLN.
De Gaulle,
Président
du Conseil depuis le 1er juin 1958, propose
une « paix des braves » le 23 octobre, sans
garantie d’indépendance. Le FLN refuse
cet accord. De Gaulle, devenu Président de
la République, commence à parler en septembre
1959 d’une possible autodétermination
du peuple algérien. Les partisans
de l’Algérie française, déçus, organisent
une offensive en déclenchant « la semaine
des barricades » à Alger du 24 janvier au
1er février 1960.
Mais l’opposition à la guerre a gagné
l’opinion publique : des manifestations
sont organisées comme celle du 27 octobre
1960 et les intellectuels et personnalités
publiques signent le Manifeste des 121,
en soutien à l’indépendance de l’Algérie.
De Gaulle organise un référendum sur
l’autodétermination de l’Algérie le 8 janvier
1961, ratifié par une énorme majorité. C’est
le commencement des réelles négociations
entre le FLN et le gouvernement français,
qui aboutiront, le 19 mars 1962, aux
accords d’Evian et à la libération des cinq
dirigeants du FLN incarcérés en France. Ils
sont ratifiés par référendum en avril 1962.
Cependant, la politique de De Gaulle
n’a pas arrêté la répression : le 17 octobre
1961, des dizaines de milliers d’Algériens
manifestent pacifiquement contre l’état
d’urgence qui a été décrété contre eux à
Paris (interdiction de circuler de 20h30
à 5h30, fermeture à 19h des débits de
boissons tenus et/ou fréquentés par des
Algériens). Maurice Papon, préfet de Paris,
décide d’envoyer la police : des dizaines
de morts, des centaines de blessés, des
dizaines de corps jetés dans la Seine et
plus de 10 000 arrestations. Ils seront tous
conduits au très symbolique stade du
Vélodrome d’hiver…
Autre cas de répression le 8 février 1962,
alors que les organisations du mouvement
ouvrier appellent à une manifestation à
Paris contre l’OAS (Organisation Armée
Secrète), milice fascisante pro-Algérie
française. La police intervient. Bilan : 8
morts et plus de 100 blessés au métro
Charonne.
La gauche française et la
lutte d’indépendance
Alors que la coalition du Front
Républicain a été élue sur un programme
de paix et que le PCF, aussi partisan d’une
résolution pacifique, dispose d’une grande
place au Parlement, on aurait pu croire
que le conflit se réglerait avec la gauche au
pouvoir… Mais la gauche « traditionnelle »
a oublié son engagement électorale : Guy
Mollet, dirigeant de la SFIO et Président
du Conseil s’engage très vite dans la voix
répressive en Algérie. « Pacifier » l’Algérie
se fait par la force. Il obtient les pouvoir
spéciaux avec le soutien du PCF. C’est
la gauche qui mène la politique la plus
répressive en Algérie comme en France,
c’est elle qui envoie le plus de contingents
alors qu’elle manifestait en 1955 contre leur
envoi ! Le PCF reste docile et vote les pleins
pouvoirs.
Cette attitude
du va lui coûter
beaucoup
de militants :
la base ne
comprend pas
pourquoi il ne
soutient pas la
résistance d’un
peuple opprimé
par l’impérialisme
français alors que c’est la 8éme
condition d’adhésion au Komintern ! Des
militants de la base vont s’en détacher,
comprenant à travers la question algérienne
les méfaits de la bureaucratie stalinienne
; c’est le cas d’Alain Krivine, aujourd’hui
porte-parole de la LCR qui fut à l’UEC
(Union des Etudiants Communistes) et
qui rencontre une délégation du FLN en
voyage à Moscou. Elle lui raconte la politique
du PCF vis-à-vis de la lutte. Il quittera
l’UEC par la suite.
Certains militants se posent la question
de continuer à être membre de ces partis
et décident de créer une nouvelle organisation
: la Nouvelle Gauche qui donnera
naissance au PSU (Parti Socialiste unifié)
en avril 1960.
L’extrême gauche et la question
L’extrême gauche est divisée : certains
courants pensent que ce serait soutenir
une bourgeoisie contre une autre (c’est le
cas de la Fédération Anarchiste), d’autres
pensent que c’est une question secondaire
à l’implantation dans la classe ouvrière
(par exemple Voix ouvrière, « ancêtre » de
LO), d’autres encore sont trop faibles pour
un soutien effectif.
Des courants ont très vite compris que la
guerre aurait un énorme impact en France
et ont joué un rôle important voire déterminant.
Pour eux, la question se situe au
niveau de la direction que prendrait le mouvement
: fallait-il soutenir le FLN ? Il y
deux choix possibles : soutenir le MNA de
Messali Hadj, dirigeant reconnu, ou soutenir
le FLN que personne ne connaît.
Le PCI (Parti Communiste
Internationaliste), scission dite « lambertiste
» de la 4éme Internationale, reconnaît
le MNA comme un parti « bolcheviqueleniniste
» et lui accorde tout son soutien.
Deux autres courants un peu conséquents,
la Fédération Communiste Libertaire et
l’autre PCI, lié à la 4éme Internationale
(ancêtre de la LCR), décident de ne soutenir
aucune organisation ne voulant pas
« décider à place du peuple algérien ». Ils
privilégient pourtant chacun une organisation
et le PCI reconnaîtra très vite que le
FLN a pris la direction du mouvement.
La FCL, très faible numériquement, a
apporté un soutien énorme à la lutte, mais
n’a pas pu survivre à la guerre et surtout
à la répression contre ses militants français.
Le PCI, lui, a su populariser quand
c’était nécessaire la répression dont il
était victime. Avoir reconnu le FLN comme
direction de la lutte a joué en sa faveur,
mais il a aussi compris que le soutien aux
Algériens était essentiel. Il a tout mis en
oeuvre pour aider les militants algériens
en France. Les militants du PCI ont caché
des militants FLN, mais ils leur ont aussi
apporté une aide matérielle avec des faux
papiers, des imprimantes et même une
usine d’armement à la frontière marocaine…
Tout en étant entriste dans le PCF,
ce qui n’aide pas !
De la révolution anticoloniale à la lutte pour le socialisme
Des militants comme Michel Raptis, dirigeant
de la 4éme Internationale, ont été
d’une aide considérable pour la révolution
anticoloniale en Algérie. Mais une illusion
a caractérisé leur position. Croyant que
la guerre d’Algérie serait le début de la
Révolution mondiale, que de cette guerre
découleraient un État socialiste en Algérie
et que la Révolution serait le fruit de la
lutte des peuples opprimés, ils en ont
oublié le rôle décisif de la classe ouvrière
européenne. De même, le FLN, malgré son
discours « socialisant », n’était en aucun
cas une organisation ouvrière ou partisane
de la révolution socialiste. Ce n’est pas pour
autant qu’il ne fallait pas soutenir la lutte
d’un peuple contre l’impérialisme français,
ce qui reste toujours valable aujourd’hui.
Cette lutte a été une école de formation
pour bon nombre de militants, elle a aussi
permis à l’extrême gauche de se renforcer,
de prouver la réalité de son discours et de
devenir ce qu’elle est aujourd’hui : un réel
outil pour changer le monde !
Bretonne du Maroc, [Nanterre]