Accueil > RED > 2006 > RED 74 - novembre 2006 > Kultur > Indigènes de Rachid Bouchareb
Indigènes de Rachid Bouchareb
vendredi 22 décembre 2006, par
À première vue, ça peut faire peur. Que peut donner un film de guerre, sur les Africains combattant pour la France durant la seconde guerre mondiale ?
Le film en effet ne sort pas des schémas classiques : cela pourrait presque être un film patriotique américain à la gloire du drapeau... Sauf que, lorsque, les patriotes en question sont des Maghrébins colonisés, qui défendent un pays qui les opprime, la contradiction de la situation génère un discours politique.
On peut débattre sur la véracité des évènements, comme les conditions de recrutement qui n’étaient pas aussi sympathiques que le film le montre, mais ce n’est pas l’intérêt d’Indigènes. Son but est, à travers la demande d’un devoir de mémoire pour ces soldats oubliés, de dénoncer l’oppression raciale d’un système qui résonne très fortement avec l’actualité.
Ceci se révèle avec les 4 personnages principaux, chacun symbolise une volonté différente de reconnaissance et d’intégration, qui seront toutes anéanties. Et Rachid Bouchareb évite habilement les obstacles en accusant non pas un racisme colonialiste de la société française, mais un racisme institutionnel d’exploitation des populations africaines (grâce à l’ambiguïté du personnage du sergent pied-noir Martinez).
Abdelkader cherche dans l’armée française une reconnaissance sociale, par la montée dans la hiérarchie, qui sera brimée par l’institution militaire qui ne lui laisse, aucune possibilité d’évolution.
Messaoud croit dans l’amour comme une force supérieure à la barrière de la couleur de peau, mais c’est la censure du courrier qui refuse de le laisser communiquer avec la femme qu’il a rencontrée.
Saïd voit dans l’amitié avec un blanc, un moyen de se faire sa place, mais le rang social/hiérarchique que doit tenir Martinez l’en empêche.
Quant à Yassir, il cherche juste à se faire de l’argent pour vivre dignement. Les obstacles humains : préjugés, racisme, peurs, indifférence, sont progressivement balayés par l’horreur de la guerre, ces hommes se retrouvent tous unis, quelle que soit leur couleur de peau, « les balles ne font pas la différence », ce n’est donc pas ça qui crée la ségrégation, mais c’est l’institution, qui entretient des rapports d’exploitation. Nos 4 héros ne se battent pas tant pour sauver la France ou lutter contre le nazisme que pour réclamer « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Le film se révèle alors beaucoup plus comme une parabole de la situation actuelle que comme un appel au devoir de mémoire.
Adrien [Censier]