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Actualité et limites de la pensée du Che
mercredi 16 mai 2007, par
Notre organisation politique se revendique des idées de Che Guevara. D’abord, parce qu’il pensait que seule la révolution pourrait permettre d’en finir avec le misère, la souffrance et l’exploitation. Aujourd’hui encore, comment ne pas penser que, pour s’en sortir, au Nord comme au Sud, il faudra prendre le pouvoir par la force à cette minorité qui fait souffrir une majorité de la population chaque jour. Cette minorité vit dans le luxe grâce à la misère et au chômage des autres, et s’enrichit sur le dos de millions de personnes qui crèvent la faim... cette minorité, le Che pensait que seul un bouleversement total permettrait d’en stopper le règne. Aujourd’hui encore, ce règne continue, ce qui prouve la pertinence et l’actualité de la pensée du Che.
Un communiste révolutionnaire
De plus, en n’”adhérant” pas au programme de Moscou, le Che laisse l’image d’un communiste révolutionnaire authentique qui dans les années 60 a su réhabiliter la perspective d’une société socialiste, démocratique, autogestionnaire, débarrassée de l’ombre du stalinisme.
Le Che par son propre exemple et par ses idées, a su pointer du doigt plusieurs fardeaux que le mouvement communiste portait depuis les années 30, comme le poids de la bureaucratie ou l’abandon d’un projet révolutionnaire authentiquement internationaliste. De ce point de vue également, le Che a su ouvrir une brèche dans le carcan du stalinisme.
Cependant le bilan de sa propre expérience montre sur ces deux aspects, par exemple, les limites des propositions qu’il formulait pour répondre à ce type de problèmes.
Les limites de sa conception guérilleriste de la révolution
L’extension de la révolution est une des préoccupations majeures du Che. Sa propre vie en est l’exemple. Pour lui, le sort de la révolution d’un pays est lié à celui de la révolution mondiale. Un peuple ne peut s’émanciper totalement si un autre peuple reste opprimé dans un autre pays. Les difficultés rencontrés par Cuba depuis sa révolution lui donnent raison.
Le Che conçoit l’extension de la révolution à l’image de la révolution elle-même : sur le mode guérilleriste. Pour lui, un noyau de guérilleros doit commencer l’affrontement militaire contre l’armée et recruter au fur et à mesure que monte son prestige jusqu’à la victoire finale. Sa théorie repose sur une vision très militariste de ce noyau de guérilla, formé selon un code de vie et une morale spécifiques. Selon lui, “l’homme nouveau” doit naître dans les montagnes chez les guérilleros.
Le Che, par extension, a développé la théorie des “foyers “ de guérilla qui doivent enflammer l’Amérique latine, à l’image de ce qui s’était passé lors de la révolution cubaine.
Nous ne sommes pas opposés par principe à cette conception de la révolution. Les JCR, et le courant mondial auquel nous sommes attachés, la quatrième internationale, avons soutenu parfois activement de nombreuses guérillas. Mais nous pensons que cette thèse est limitée, et quoiqu’il en soit nettement insuffisante pour l’ériger comme théorie générale qui permette à un processus révolutionnaire d’aboutir.
Nous sommes pour militer activement en direction et au sein des masses, en partant de leur niveau de conscience et de combativité réel pour chercher à les élever à un tel point où ce seront les masses, elles-mêmes, qui décideront de s’armer et de prendre le pouvoir face à le répression des forces de l’état.
Cela suppose de travailler politiquement dans les usines, les quartiers, les villages pour proposer à tous des solutions aux maux de la société par des revendications et des méthodes de lutte. Dans ces luttes, la nécessité de s’organiser, de lutter tous ensemble, de changer de société deviendra plus palpable... ainsi que le courage et l’utilité de s’armer et se défendre.
Pour nous, le danger principal d’un noyau de guérilla, qui de la montagne doit être le point d’appui principal à l’extension de la révolution, est le risque d’isolement du restant de la société : les travailleurs des villes, les jeunes... et de substitution aux luttes des masses elles-mêmes. Pour nous, l’idée selon laquelle “l’émancipation des masses sera l’œuvre des masses elles-mêmes” constitue l’élement central de toute stratégie révolutionnaire. De ce point de vue, certains mouvement de Guerilla ou de lutte armée ne sont que de tragiques caricatures de la dérive que peut constituer une théorie de la lutte armée menée par un noyau de révolutionnaires déterminés. Voilà pourquoi les révolutionnaires doivent participer à la construction , avec les masses, des outils de lutte (associations, syndicats, partis,...). Pour notre part, nous pensons que c’est la construction d’un parti révolutionnaire qui ait une une audience de masse, implanté chez les paysans comme chez les ouvriers, les femmes, les jeunes, les immigrés, qui est susceptible de lier le mouvement desmasses elles-mêmes aux objectifs de la révolution.
La révolution cubaine a abouti car les villes se sont soulevées lors de grèves générales. Mais en Bolivie en 1967, ce fut un échec, car le groupe de guérilla du Che (une vingtaine d’hommes) s’est retrouvé isolé dans une zone rurale vide, loin des grands centres industriels. La liaison, notamment en l’absence d’un parti révolutionnaire en lien avec les structures d’auto-organisation des masses, n’a pas pu s’établir.
Les limites de son “programme“ anti-bureaucratique.
Le Che était “spontanément” contre la bureaucratie. Lorsqu’il est au gouvernement révolutionnaire cubain, le Che écrit et milite contre toutes formes de privilèges pour ceux qui ont des postes de responsabilité dans le parti, l’état ou les entreprises.
Le Che croit en la responsabilité individuelle des dirigeants (son exemple est de ce point de vue irréprochable) pour éviter le genre de dérives qui aboutissent à la monopolisation du pouvoir politique dans les mains de quelques uns.
Malheureusement, vouloir placer “les meilleurs éléments révolutionnaires, les plus dévoués, les plus honnêtes” à ces postes ne constitue pas une garantie en soit. Même les “meilleurs” peuvent se faire corrompre, surtout dans une situation de pénurie.
Pour nous, il s’agit d’instituer des garanties politiques, pas individuelles, c’est-à-dire un contrôle démocratique de tous les instants et à tous les niveaux sur les instances de direction :
– instituer l’élection régulière de responsables révocables à tout moment devant les masses.
– établir une réelle organisation populaire permanente par des comités, des conseils indépendants, de quartier, de village, d’usine, d’établisssements publics.
– assurer les libertés démocratiques : droit d’expression (orale et écrite), de s’associer, de se syndiquer et de s’organiser politiquement.
Même en matière économique, les “meilleurs” pour prendre des décisions ne sont pas forcément ceux qu’on croit.
A Cuba, des “spécialistes” ont pris des décisions sur l’agriculture (spécialisation dans la canne à sucre, culture de masse...) sans que les paysans ne soient consultés. Résultat : épuisement des sols, démotivation des paysans, défiance envers les autorités... Du point de vue du développement, la seule garantie est la participation démocratique des masses aux choix politiques et économiques.