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Interview de Jack Ferguson, Co-Organisateur national du SSY (Jeunesse Socialistes Ecossaises)

vendredi 22 décembre 2006, par JCR-RED

Qu’est-ce que le SSY ? Pourquoi voulez-vous une Ecosse indépendante ?

Le SSY est une organisation de jeunesse autonome qui est en solidarité avec le SSP (le parti socialiste [1] écossais). Nous sommes une organisation de militants, et vous êtes un membre si vous participez à nos activités et à nos actions. Nous faisons campagne non seulement pour une série de revendications immédiates pour essayer d’améliorer la vie de la classe ouvrière, mais aussi pour comprendre comment fonctionne le capitalisme et pourquoi il doit être détruit et remplacé par le socialisme. Nous avions travaillé dur pour développer de nouvelles méthodes de formation pour élargir la compréhension des idées socialistes, aidé, notamment, par les expériences d’éducation populaire et les mouvements de masse en Amérique latine.

Nous avons également un groupe non-mixte, auto-organisé au sein du SSY où les camarades Femmes se réunissent entre-elles et décident leurs propres campagnes Ceci a pour but d’essayer d’établir un environnement d’accueil pour de jeunes femmes où elles peuvent discuter des thèmes qui les concernent spécifiquement et contribuer à construire une politique socialiste féministe.

Nous faisons campagne pour une Ecosse socialiste indépendante en tant qu’étape vers un monde socialiste. Même si nous pensons que l’indépendance ne mènerait pas nécessairement au socialisme, nous croyons néanmoins que ce serait une avancée démocratique pour le peuple Ecossais. L’Ecosse a été prise dans l’Union [2] il y a 300 ans contre la volonté des écossais (comme l’ont montré les pétitions, les manifestations et les émeutes qu’il y a eu alors). La seule raison d’être de cette Union était de permettre la collaboration entre les classes régnantes écossaises et anglaises en construisant un empire global brutal et sanglant. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne continue à être l’un des principaux états impériaux du monde, avec de nombreux militaires actuellement déployés en Afghanistan et en Irak, avec des armes nucléaires, une industrie d’armement importante et une industrie financière qui profite de l’exploitation des pays en voie de développement. L’Ecosse fait partie des dernières monarchies en Europe, où la classe dirigeante a virtuellement un pouvoir dictatorial qu’elle peut exercer au nom de la « couronne ».

Nous soutenons l’établissement d’une république écossaise comme tous les socialistes devraient soutenir les revendications démocratiques qui diminue la puissance de la classe régnante. Mais nous ne voulons pas ériger des murs et des frontières, nous voulons construire une Ecosse ouverte et tolérante qui accueille des personnes du monde entier pour venir vivre et travailler ici.

Nous pensons que la vraie indépendance de l’Ecosse peut seulement venir de la politique socialiste. Comme le célèbre James Connolly [3] le dit à propos de l’Irlande : « si vous enlevez l’armée anglaise demain et levez le drapeau vert au-dessus du château de Dublin, à moins que vous ayez commencé l’organisation de la République socialiste vos efforts seraient en vain. L’Angleterre vous dirigerait toujours. Elle vous dirigerait par ses capitalistes, par ses propriétaires, par ses financiers, par l’ensemble des institutions commerciales et individualistes qu’elle a plantés dans ce pays et a arrosé avec les larmes de nos mères et le sang de nos martyres. »

Nous voulons construire un monde basé sur la coopération et la solidarité plutôt que la concurrence et l’exploitation. Nous croyons que ceci peut seulement fonctionner à une échelle mondiale, et que le démantèlement de l’état britannique impérialiste est une étape de ce long chemin. Nous voulons une Ecosse sans armes nucléaires, nous voulons qu’aucun jeune écossais ne soit envoyé se faire tuer dans les guerres impérialistes pour le capitalisme international.

Quel genre de relation vous avez avec le SSP (membre à la DN, réunion régulière entre les deux organisations...) ?

Nous sommes avant tout une organisation autonome. Nous avons nos propres directions nationales, nous élisons nos propres bureaux, et décidons nos campagnes et actions. Vous pouvez être un membre du SSY sans être au SSP. Le SSY est un environnement accueillant pour les jeunes qui n’ont pas forcément fait de la politique auparavant. L’atmosphère est plus détendu et plus facile, et il n’y a pas vraiment d’obligations lors de l’adhésion. L’adhésion est basée sur la participation.

Ceci dit, nous travaillons étroitement avec le SSP. Au niveau le plus concret, le SSP nous finance pour que nous ayons un permanent et nous fourni un bureau dans ses locaux. Nous participons aux activités de SSP et vendons le journal « Scottish Socialist Voice [4] ». Nous avons un délégué au Conseil national du SSP, réunion bimensuelle où sont prises les décisions. Nous encourageons activement des membres de SSY à s’impliquer dans le SSP, et nous encourageons nos membres à s’impliquer dans les sections locales du SSP autant que possible.

Nous voulons faire la même campagne que vous sur « ce que votre patron ne veut pas que vous sachiez ». Quel écho a eu cette campagne ? Comment les jeunes travailleurs ont réagi ? Y a t’il eu des luttes (manifs, grèves...) ?

Actuellement, notre campagne principale est pour un salaire minimum de £8 par heure pour tous les travailleurs [5] . Ce chiffre est basée sur le seuil européen de décence, soit les 2/3 des des revenus masculins moyens. En Ecosse il y a une un nombre effroyable de travailleurs pauvres. Bref, nous sommes passé « du chômage de masse » sous Thatcher aux « salaires d’esclaves » sous le New Labour .

Nous voyons cette campagne comme un outil pour discuter et encourager c les jeunes travailleurs à s’organiser. En particulier dans les boulots précaires, sans sécurité, temporaires, avec un fort taux de turn-over. Nous voulons développer les idées du travail collectif avec ses camarades de travail, au sein d’une génération qui n’a aucune histoire et aucune compréhension du syndicalisme. Le mouvement syndical dans ce pays a été attaqué très efficacement et neutralisé après l’échec de la grève des mineurs de 1984 et la répression qui a suivie par le gouvernement de Thatcher [6]. La conséquence est ces personnes qui ont grandi après 1984 travaillent principalement dans le secteur des services, comme les hôtels, les bars, les restaurants ou les centres d’appel, et sont surexploités par les employeurs qui savent qu’ils ne connaissent pas leurs droits et qui en profitent.

Si on nous fait remarquer que le gouvernement n’accordera jamais un salaire minimum si élevé, cela nous permet d’argumenter que la seule manière dont les travailleurs peuvent améliorer nos vies c’est par l’unité et l’organisation pour changer la société pour nous-mêmes.

C’est pour cela que nous avons produit les cartes de poches appelées « ce que votre patron ne veut pas que vous sachiez ! » ce qui permet que les jeunes travailleurs connaissent leurs droits, le salaire minimum, les temps de pause, les congés maladie, le droit à la sécurité sociale... Elles donnent également le sites web et les numéros de téléphone pour nous joindre, ainsi que d’autres sources et des coordonnées du mouvement syndical. Nous allons dans des lieux de passage, comme les centres de shopping, les bars pour distribuer ces cartes. Nous avons aussi ces cartes lors de nos interventions dans les rues ou sur els universités.

L’écho de ces cartes a été extrêmement positif, et elles sont accueillies comme outil utile partout où nous allons. L’élément central est que ces cartes ne sont pas que de la propagande, mais quelque chose qui est véritablement utile pour un jeune travailleur. Elles sont d’autant plus utile lorsqu’on rencontre des jeunes qui nous disent : « je n’y connais rien / je ne suis pas intéressé par la politique » parce qu’ils ont une perception de la politique uniquement comme d’un gouvernement , comme quelque chose qui ne leur est pas important. Quand ils réalisent que notre politique est sur une base de classe, pour l’amélioration de leurs vies, ça retient leur attention.

Les syndicats écossais se sont ghettoisé, en se concentrant sur les secteurs publics, dus à la difficulté de syndiquer les précaires du secteur privé. Par conséquent, les grandes luttes récentes ont été autour de thèmes tel que le salaire des sapeurs-pompiers, l’emploi de sages-femmes par l’état ou les retraites des ouvriers du secteur public. Mais les luttes sont faibles dans les secteurs qui emploient des jeunes. Cependant, cela ne signifie pas que les jeunes ne sont pas révoltés par l’exploitation qu’ils subissent au travail, et ce qui arrive le plus souvent c’est une résistance souterraine au travail et des confrontations à échelle réduite avec l’employeur.
Depuis que nous diffusons ces cartes, nous avons vu ce type de réactions. Ces cartes encouragent des jeunes à nous contacter si elles ont des problèmes au travail, et les gens nous ont déjà contacté pour avoir de l’aide et des conseils sur des questions comme les congés-maladie et les licenciements injustes. La prochaine étape de notre campagne est d’obtenir une plus grande participation des syndicats et d’inciter plus de jeunes à s’organiser.

La prochaine étape que nous avons projetée est un type d’action plus directe, appelée « l’employeur le plus merdique du mois ». L’idées est que les gens élisent un employeur qui les a traitées particulièrement mal, et nous irons autour de leur usine et nous leur donnerons une récompense pour être le plus mauvais employeur. Nous essayerons d’avoir l’attention des médias pour qu’ils aient honte et soient embarrassé d’être un employeur de merde. Le premier nominé est l’employeur d’un centre d’appel qui essaye de faire croire à ses salariés qu’ils ne travaillent pas pour lui mais sont leurs propres employeur et donc qu’il n’a pas à leur payer le salaire minimum. Le pire est que comme ils sont leur propre employeur, ils ont à payer leur zone de travail dans la compagnie, non seulement ils ont des salaires très bas,mais en plus ils doivent payer le privilège de travailler. Cet employeur est également très racistes...

Quelles sont vos autres campagnes maintenant ?

Notre principale autre campagne a été lancée par le groupe non-mixte du SSY. Le gouvernement écossais s’est associé à l’église catholique pour mettre en place un cours d’éducation sexuelle dans les écoles catholiques nommé « un appel d’Amour ». Fondamentalement c’est une initiative des USA pour enseigner que l’abstinence est la seule approche correcte du sexe, et apprend aux jeunes à ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage

Pour contrecarrer ceci, le groupe des femmes produisent des brochures qui fournissent des informations réelles sur la sexualité. Déjà il y a des cartes, semblables aux cartes sur les droits des salariés, qui permettent aux jeunes femmes de connaître leurs droits concernant la contraception, l’avortement et les conseils médicaux confidentiels.

Cette campagne, même si elle vient de commencer, a déjà attiré l’attention des médias de droite, qui nous ont attaqués en disant que nous voulions imposer « de fausse normes sexuelles » aux jeunes. Mais certains groupes d’extrème-droite anti-avortement ont ciblé certaines militantes en leur envoyant à leur domicile des photos de fœtus avortés.

De plus, nous menons de l’activité sur de nombreux thèmes, en particulier contre la guerre et l’occupation de l’Irak. Nous participons activement aux manifestations et rassemblement anti-guerre et nous essayons également de faire des liens directs avec les syndicalistes et la classe ouvrière en Irak. Le SSY était le pionnier en organisant des grèves anti-guerre dans les écoles écossaises. Nous nons intéressons également aux centres de recrutement de l’armée et des incursions de recruteurs de l’armée dans la classe ouvrière. Nous essayons d’encourager la jeunesse de classe ouvrière à ne pas joindre l’armée britannique et à ne pas être envoyé mourir pour des guerres impérialistes.

Nous avons également une grande activité sur les sans-papiers et les réfugiés, en militant contre les détentions et les « raids de l’aube » violents où des pelotons de militaires font des rafles d’immigrés tôt le matin, ou contre la déportation d’immigré dans des centres de rétentions où ils peuvent être torturés ou tués. Nous avons des camarades qui sont des sans-papiers, qui ont fui la persécution. Récemment des membres de SSY ont participé à une manifestation au siège social du centre d’immigration de Brand Street. Nous nous sommes enchaînés aux portes et nous avons empêché des officiers de partir pour effectuer leur « raid de l’aube », avant cela, nous avons été impliqués en bloquant des portes et des escaliers pour empêcher la police de défoncer les portes et d’arreter des familles de sans-papiers.

Propos recueillis par Bernardo, [Jussieu]


[1Le terme « socialiste » est utilisé dans son sens initial. Les sociaux-démocrates anglais utilisant le terme de « travaillistes » (labour) pour se définir. En France, on utiliserait plus le terme de « communiste », voire de « communiste révolutionnaire. »

[2Il s’agit des traités d’Union (Acts of Union ) de 1707 entre le parlement d’Ecosse et le parlement d’Angleterre qui a conduit à la formation d’un seul parlement de Grande-Bretagne. Ce traité entérinait la création d’un seul royaume, de Grande-Bretagne et la disparition des royaumes d’Ecosse et d’Angleterre. Le Pays de Galles avait été conquit par l’Angleterre en 1284 et annexé à celle-ci entre 1532 et 1542.
En 1800, le traité d’Union (Act of Union) verra la fusion du royaume de Grande-Bretagne et du royaume d’Angleterre pour former le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, avec un seul parlement, en Angleterre.

[3James Connolly, 1868-1916, militant révolutionnaire irlandais. Lire à son sujet James Connolly et le mouvement révolutionnaire irlandais, Roger Faligot, éd. Terre de Brumes, 1997. Le drapeau vert fait référence à l’Irlande Indépendante.

[4Le Scottish Socialist Voice (la Voix Socialiste Ecossaise) est l’hebdomadaire du SSP.

[5£8 fait à peu près 11,9 €. Le taux horaire minimum est à £5,05 (7,5 €) et £4,25 pour les 18-21 ans (6,33 €). Le taux horaire (brut) du SMIC est à 8,27 € en France, sauf pour certains jeunes où le SMIC est à 6,61 €.

[6Cette grève contre la fermeture de la majorité des mines à durée 1 an, du 12 mars 1984 au 3 mars 1985. Elle s’est terminée par la défaite des mineurs et de leur syndicat. Cette défaite pèse encore sur la conscience des travailleurs de Grande-Bretagne.

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