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1er janvier 2005
Les enjeux des élections en Irak
Par Gilbert Achcar
mercredi 16 mai 2007, par
L’hypocrisie de l’administration Bush est sans limites : lorsque George W.
Bush et ses amis présentent les prochaines élections en Irak comme un succès
de la mission civilisatrice dont ils sont censés être investis afin
d’apporter la démocratie à des musulmans arriérés, ils font comme un patron
qui se vanterait d’avoir augmenté les salaires dans son entreprise par souci
d’améliorer le niveau de vie des travailleurs, alors que l’augmentation lui
a été imposée par la grève.
En réalité, la démocratie n’a jamais été qu’un prétexte utilisé par
l’administration Bush pour tenter de justifier la prise de contrôle de cette
région stratégique cruciale qui s’étend du Golfe arabo-persique à l’Asie
centrale, un prétexte subsidiaire après ceux d’Al-Qaida ou des “ armes de
destruction massive ”. La plupart des vecteurs de l’influence US dans cette
région sont des régimes despotiques, du royaume saoudien, l’allié le plus
ancien de Washington et le plus antidémocratique de tous les États du monde,
jusqu’aux alliés les plus récents que sont les États policiers de
républiques mafieuses post-soviétiques comme l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan
ou l’Ouzbékistan. Sans oublier des partisans de la démocratie aussi fervents
que les généraux Moubarak d’Égypte et Mousharraf du Pakistan.
Washington n’est pour des élections que lorsque celles-ci sont susceptibles
d’être remportées par ses partisans. Lorsque Arafat, dont la légitimité
était mise en cause par Bush et par Sharon, suggéra la tenue d’élections
dans les territoires palestiniens, sa proposition fut catégoriquement
rejetée parce qu’il était clair qu’il aurait obtenu une majorité écrasante,
le peuple palestinien étant disposé à voter pour lui par défi à Israël et
aux États-Unis. Ce n’est qu’après sa mort qu’ils acceptèrent la tenue
d’élections, non sans s’être auparavant ingérés grossièrement dans le
processus, forçant un autre candidat à se retirer, harcelant d’autres
candidats, et menant ouvertement campagne pour leur préféré - comme le fit
Blair qui rendit visite à Abou Mazen pour ce même but.
Des élections ont certes eu lieu en Afghanistan, mais uniquement parce qu’il
n’y avait pas d’enjeu réel : les Talibans et les autres forces
anti-américaines étaient empêchés d’y participer et aucun chef de guerre
afghan ne se serait risqué à contrarier sérieusement les États-Unis dans le
seul but d’en devenir le représentant à Kaboul. Les seigneurs de guerre
afghans savent bien que le contrôle qu’ils exercent sur leurs fiefs est bien
plus réel et sans entrave que le contrôle par Karzai de la capitale, le seul
lieu où son pouvoir par procuration a une certaine réalité. Les chefs de
guerre l’ont accepté comme “ président ” une seconde fois par
l’intermédiaire d’une farce électorale comme ils l’avaient accepté une
première fois lors des tractations qui ont précédé la chute de Kaboul -
alors qu’il ne représentait presque rien en termes de base sociale ou de
puissance militaire, ses seules “ références ” étant sa collaboration avec
la CIA. Karzai fut accepté justement parce qu’il ne représentait pas une
menace réelle pour le pouvoir des seigneurs de guerre.
En Irak, il n’y a pas de situation équivalente. L’occupation états-unienne a
été d’emblée confrontée au vide du pouvoir que l’invasion avait créé,
aggravé par le démantèlement par Bremer, inspiré par les néoconservateurs,
de ce qui subsistait de l’appareil d’État baassiste. En dehors de la région
kurde, de facto autonome, dans le Nord, il n’y avait pas de seigneurs de
guerre disposant de quelque pouvoir réel en Irak. Washington a ainsi dû
faire face au “ paradoxe de la démocratie ” (Huntington), créé par le fait
que les Arabes irakiens, dans leur écrasante majorité, étaient - et sont
encore plus aujourd’hui - hostiles au contrôle états-unien de leur pays et
que, par conséquent, tout gouvernement réellement représentatif,
démocratiquement élu, cherchera à se débarrasser de l’occupation.
Ce “ paradoxe ” en contenait un autre : les États-Unis, qui avaient occupé
l’Irak par altruisme en vue d’apporter aux musulmans arriérés les avantages
de la démocratie, dont ils sont les porte-drapeaux officiels, essayèrent de
repousser au plus tard possible les élections et de les remplacer par des
autorités désignées et une Constitution concoctée par eux-mêmes. C’est ce
que le proconsul Bremer tenta d’imposer en juin 2003, quelques semaines
seulement après l’invasion. Il dut faire face à l’opposition de nul autre
que le plus traditionaliste des membres de la hiérarchie chi’ite, le grand
ayatollah Ali al-Husseini al-Sistani. La confrontation entre les deux hommes
alla crescendo jusqu’à ce que l’ayatollah appelât à des manifestations pour
imposer des élections démocratiques à l’occupant : en janvier 2004, des
foules immenses envahirent les rues de plusieurs villes irakiennes, en
particuliers dans les zones chi’ites, avec des centaines de milliers de
personnes scandant “ Oui aux élections, Non à la désignation ! ”
Certes, l’ayatollah avait certainement ses propres motivations, qui ne
relevaient nullement d’un attachement plus “ pur ” - ou plus “ jeffersonien
” (comme on aime dire à Washington) - à la démocratie que celui de Bush et
Bremer. Son calcul était simple : les chi’ites forment la grande majorité de
la population irakienne, les deux tiers environ, mais ils ont toujours été
asservis par diverses sortes de pouvoirs despotiques. La mise en place d’un
mécanisme électoral leur permettrait de décider légitimement du destin du
pays. Le processus électoral est la meilleure voie permettant aux chi’ites
d’exercer leurs droits majoritaires et de vérifier en même temps les
rapports de force en leur sein - puisqu’il n’y a pas de mouvement politique
chi’ite plus ou moins unifié comparable à ce qui a existé en Iran sous la
direction de Khomeini. Sistani - qui n’a jamais adhéré à la doctrine de
Khomeini dite velayat e-faqih (“ le pouvoir du docteur de la Loi islamique
”, une formule désignant le pouvoir pyramidal du quasi-clergé chi’ite) -
veillerait néanmoins à ce que les lois et les règlements du pays soient
conformes aux règles islamiques (la Charia, ses propres fatwas très
rigoristes, etc.). Sur cette question également, Sistani est intransigeant.
Par crainte de devoir affronter une insurrection massive en faveur de la
démocratie et contre les Etats-Unis, qui aurait anéanti le dernier prétexte
de l’occupation, Bremer dut faire marche arrière. Par suite d’une médiation
de l’ONU visant à sauver la face de l’occupant, Bremer et ses patrons de
Washington acceptèrent à contrecœur la tenue des élections avant la fin de
janvier 2005. (L’envoyé spécial de Kofi Annan fut nul autre que Lakhdar
Brahimi, qui en tant que membre du gouvernement militaire avait soutenu
l’interruption du processus électoral algérien en 1992, lorsque le Front
islamique du salut risquait de remporter la majorité des sièges.)
L’administration Bush obtint ainsi un répit de plusieurs mois pour chercher
une solution au dilemme.
Si les élections avaient été organisées au cours des premiers mois qui
suivirent l’invasion, elles auraient eu lieu d’une manière beaucoup plus
paisible, plus unanime et donc plus légitime. Washington aurait été
confronté à un gouvernement dont la légitimité aurait été indiscutable, qui
lui aurait demandé de retirer ses troupes d’Irak. C’est pour empêcher cela
que Bremer avait argué de l’absence de listes électorales et du temps
nécessaire pour en établir. Sistani lui répondit que les listes et cartes de
rationnement, établies sous le contrôle de l’ONU, étaient parfaitement
appropriées pour un usage électoral. Les forces d’occupation ont fini par
l’admettre, mais avec une année de retard, au cours de laquelle la situation
en Irak s’est détériorée jusqu’à aboutir à l’état tragique actuel.
Dans un sens, c’est l’occupation états-unienne qui a produit cette
détérioration. Il est difficile d’établir si cela a été délibéré ou non,
mais le scénario le plus plausible est que, une fois de plus, les apprentis
sorciers de Washington font face à un résultat qu’ils ne cherchaient pas de
manière consciente. En acceptant les élections, Washington dut réviser
complètement sa politique irakienne : une attaque brutale fut menée contre
les forces rebelles les plus en vue dans le pays - l’alliance des
intégristes, des nationalistes et des baassistes dans la ville sunnite de
Falloujah, ainsi que le mouvement intégriste chi’ite de Moqtada al-Sadr -
afin de renforcer le contrôle du pays. L’ami des néoconservateurs, Chalabi,
fut remplacé par le collaborateur de la CIA Allaoui en tant que principal
homme lige des États-Unis en Irak et un grotesque “ transfert de
souveraineté ” fut organisé en catimini le 28 juin 2003. Allaoui a tenté de
jouer au dur, en proclamant l’état d’urgence, rétablissant la peine de mort,
etc. et, surtout, en couvrant de façon très transparente les assauts
continus des forces d’occupation états-uniennes.
La tentative d’écraser le mouvement de Moqtada al-Sadr culmina dans la ville
chi’ite de Nadjaf. Sistani, après avoir laissé le jeune al-Sadr s’enferrer
dans une situation où il était au bord d’une écrasante et sanglante défaite,
intervint pour arrêter les États-Unis, confirmant ainsi son leadership
absolu sur la communauté chi’ite. Le deuxième assaut contre Fallujah,
immédiatement après les élections présidentielles américaines, semblait
absurde. L’occupant ne pouvait avoir aucune illusion - à ce moment-là - sur
sa capacité d’arrêter la violence dans le pays en recourant à de tels moyens
violents. Il y a donc de sérieuses raisons de penser que le but réellement
poursuivi était précisément d’aggraver le chaos en Irak pour diminuer ainsi
la légitimité du résultat des élections du 30 janvier 2005.
La duplicité de Washington ne saurait être plus flagrante : d’une part, Bush
et ses hommes liges officiels irakiens proclament leur ferme engagement pour
la tenue des élections à la date fixée ; d’autre part, le “ parti ”
d’Allaoui rejoint la coalition des groupes sunnites liées aux wahhabites
saoudiens qui demande l’ajournement des élections. Le “ président ” irakien
sunnite se fait l’écho des alliés des Etats-Unis dans la région, tels que
les monarchies saoudienne et jordanienne qui mettent en garde contre une
conspiration iranienne visant à mettre la main sur l’Irak pour établir un “
croissant chi’ite ” qui s’étendrait du Liban jusqu’à l’Iran, une nouvelle
version de “ l’axe du mal ” plus effrayante encore que l’originale inventée
par Bush. Le mouvement des Frères musulmans, lié aux wahhabites saoudiens et
dont la principale composante est sa branche égyptienne, dénonce les
élections parce qu’elles se tiendront sous l’occupation. Sa branche
irakienne, le Parti islamique, après avoir enregistré sa liste de candidats,
annonce son retrait et rejoint le “ Conseil des ulémas musulmans ” sunnite
qui dénonce à l’avance le résultat des élections.
C’est un fait que l’explosion de la violence, stimulée par les agressions
mêmes de l’occupant états-unien, a considérablement compromis la probabilité
d’une participation électorale importante dans les zones où le mélange des
forces intégristes, nationalistes et baassistes est actif. Par conséquent,
quelles qu’aient pu être leurs intentions, le retrait des forces sunnites du
processus électoral ne fait que reconnaître le fait que la majeure partie de
leur électorat potentiel restera probablement à la maison, prudemment, le
jour des élections. Non que la population sunnite soit politiquement
convaincue de la nécessité de “ boycotter ” ces élections : les sondages
réalisés plus tôt avaient montré qu’elle était prête à participer
massivement, comme les autres citoyens irakiens, au premier scrutin
pluraliste après des décennies de despotisme dans leurs pays. Mais elle a
été effrayée par les menaces mortelles des divers groupes de “ résistance ”
voulant empêcher les élections.
Ce que l’on nomme “ résistance irakienne ” est un conglomérat de forces
hétérogènes, dont bon nombre sont purement locales. Dans leur majorité, ce
sont des personnes révoltées contre l’occupation brutale de leur pays, qui
luttent contre l’occupant et contre ses auxiliaires irakiens armés. Un autre
secteur des forces engagées dans les actions violentes en Irak est composé
de fanatiques ultra-réactionnaires, essentiellement des intégristes
islamiques, qui ne font pas de distinction entre civils, y compris irakiens,
et militaires, et qui ont recours à des actes horribles, comme la
décapitation de travailleurs immigrés asiatiques et l’enlèvement et/ou
l’assassinat de toutes sortes de personnes qui ne sont nullement hostiles ou
nuisibles à la cause nationale irakienne. Ces actes sont mis en exergue par
Washington pour contrecarrer l’effet des attaques légitimes contre les
troupes d’occupation : il est ainsi plus facile de présenter “ l’ennemi ”
comme l’incarnation du mal.
Cela montre pourquoi, par ailleurs, dans les pays occidentaux, où le
mouvement anti-guerre reste à construire urgemment, tout soutien à la “
résistance irakienne ” prise comme un tout est tout à fait contre-productif
autant qu’il est profondément erroné (pour autant qu’il soit pavé de bonnes
intentions politiques). Il faut faire une distinction claire et nette entre
les actes contre l’occupation qui sont légitimes, et les actes de soi-disant
groupes “ résistants ” qu’il faut dénoncer. Un exemple évident est le groupe
dirigé par Zarqaoui et ses attentats confessionnels contre les chi’ites.
Cela dit, il est clair que la stratégie la plus fructueuse jusqu’à
maintenant dans la lutte contre l’occupation a été celle de Sistani. Les
tentatives pour empêcher les élections et les priver à l’avance de
légitimité ne peuvent que jouer en faveur de l’occupation états-unienne.
Ceux qui sont les plus actifs dans l’effort d’empêcher les élections ne le
sont pas vraiment parce que ces dernières auront lieu sous l’occupation.
Après tout, l’histoire de la décolonisation est pleine d’exemples
d’élections ou de consultations tenues sous l’occupation et qui ont
néanmoins été des étapes majeures vers l’indépendance et vers le retrait des
troupes étrangères. Durant de longues années, les Palestiniens ont lutté
pour le droit de tenir des élections sous l’occupation israélienne. Cet
argument cache mal la crainte des élections de la part de forces qui savent
qu’elles sont condamnées à être minoritaires, sinon complètement
marginalisés, dans des élections libres. (C’est également vrai pour Allaoui,
dont le manque total de popularité devrait apparaître dans toute élection
non truquée ; mais il est obligé d’agir selon son mandat et ne peut
ouvertement exprimer ses aspirations.)
Il faut ajouter à cela l’argument de Zarqaoui, récemment approuvé par Ben
Laden : ces élections sont impies parce qu’elles sont tenues sous la loi “
positive ”, c’est-à-dire instauré par l’homme, alors que les seules
élections “ légitimes ” sont celles qui se font sous le règne de la Charia.
Le caractère réactionnaire de cet argument se passe de commentaire. Mais il
faut remarquer qu’il y a là un terrain commun entre Ben Laden et Sistani :
tous les deux croient que la Charia doit être la principale, sinon l’unique,
source de la législation.
La différence est que, outre qu’il est beaucoup plus fanatique, Ben Laden
croit qu’il parviendra à la victoire au moyen de la violence terroriste,
alors que Sistani - qui a mis en garde l’ONU et d’autres contre toute
consécration des règlements introduits par l’occupant (comme, par exemple,
en s’y référant dans une résolution de l’ONU) - veut s’assurer du contrôle
du pouvoir d’abord par les élections, afin que le parlement élabore une
constitution et des lois à son goût.
L’attitude réelle de la population chi’ite et son point de vue sur les
élections ont été bien décrits par Anthony Shadid, du Washington Post, dans
un reportage sur le principal quartier chi’ite de Bagdad : “ La prise du
pouvoir chi’ite n’est qu’une facette de la campagne cléricale, et elle est
généralement exprimée dans un langage codé. Les appels à un électorat
fatigué et désillusionné par les carnages de la guerre sont plus fréquents.
(...) A un bout de la route des calicots promettent une nouvelle ère de
stabilité grâce au vote. A l’autre, ils présentent l’élection comme la voie
la plus sûre pour mettre fin à l’occupation, devenue de plus en plus
impopulaire. “Frères Irakiens, le futur de l’Irak est dans vos mains. Les
élections sont la voie idéale pour expulser les occupants de l’Irak”,
proclame une banderole blanche. “Frères Irakiens, votre bulletin électoral
est plus efficace qu’une balle dans la bataille”, peut -on lire sur une
autre. ” (1)
Etablie sous les auspices de Sistani, la “ Coalition irakienne unifiée ”
intègre le plus large éventail des forces chi’ites, depuis Chalabi (une
véritable “ girouette ”, décidément) jusqu’à al-Sadr (qui tente de protéger
ses arrières : après avoir placé ses partisans sur la liste unifiée, il
déclare qu’il ne veut pas personnellement “ entrer dans le jeu politique ”).
Cette liste accorde la prééminence au “ Conseil suprême de la révolution
islamique en Irak ”, pro-iranien. A son crédit il faut mentionner qu’elle a
pris la peine d’intégrer des candidats sunnites, Kurdes et Turkmènes, y
compris des dirigeants tribaux, pour ne pas apparaître comme confessionnelle
– bien qu’elle soit qualifiée ainsi par les médias. Cette liste recevra
certainement la grande majorité des voix si les élections ont lieu le 30
janvier. Cela mènera à un parlement et à un gouvernement au sein duquel les
forces intégristes chi’ites, plus ou moins proches de l’Iran, seront
hégémoniques. Un point central de son programme, qui annonce vouloir
confirmer “ l’identité islamique ” de l’Irak, est de négocier avec les
autorités de l’occupation la date du retrait de leurs troupes du pays.
Que fera Washington après les élections du 30 janvier ? Il est difficile de
le prévoir. L’administration Bush a un objectif stratégique clair :
s’assurer le contrôle de l’Irak à long terme. Mais Washington ne sait pas
comment réaliser ce but ou comment le concilier avec le résultat prévisible
des élections, qu’un haut fonctionnaire anonyme, résidant dans la zone verte
de Bagdad, a qualifié de “ jungle d’ambiguïté ” (2). Un scénario possible,
qui a été considérablement facilité par l’attitude des forces de
l’occupation, est celui qui a la faveur de nombreux néoconservateurs depuis
l’effondrement de leurs illusions sur la possibilité de garantir “
démocratiquement ” le contrôle de l’Irak : une division du pays, de facto
sinon de jure, selon des lignes confessionnelles et ethniques (c’est le
scénario favori par Israël depuis le début).
Pour garder le contrôle du pays, Washington pourrait bien recourir à la
vieille recette impériale éprouvée “ diviser pour régner ”, en prenant le
risque d’enfoncer l’Irak dans l’enfer dévastateur d’une guerre civile, à la
fois confessionnelle (chi’ites contre sunnites) et ethnique (Arabes contre
Kurdes). La manière dont l’occupant a laissé se détériorer la situation
entre les Kurdes et les Arabes au nord du pays, sans tenter réellement de
négocier un compromis qui pourrait satisfaire tout le monde, comme la
manière dont il a traité la question des élections en alimentant les
tensions entre chi’ites et sunnites, est révélatrice, de ce point de vue.
Ce grave danger continuera à planer au-dessus du peuple irakien à moins que
la situation ne force Washington à changer d’objectif et à chercher à
quitter l’Irak à court terme, en limitant les dégâts pour les intérêts des
États-Unis. Pour atteindre une telle situation, une combinaison entre la
pression du peuple irakien et de celle du mouvement anti-guerre à l’étranger
– en premier lieu aux États-Unis mêmes - est indispensable. Cela signifie
que la tâche la plus urgente hors de l’Irak est de compléter les élections
du 30 janvier et les actions légitimes de résistance à l’occupation des
États-Unis et de leurs alliés en Irak, en construisant aussi largement et
efficacement que possible la mobilisation pour la journée mondiale de
manifestations contre la guerre du 19 mars 2005.