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« LA FRANCE D’APRES  » ?

mercredi 16 mai 2007, par JCR-RED

L’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République constitue un tournant majeur de la situation politique française. Le 6 mai 2007 marque une rupture dans l’histoire électorale française. La victoire de Sarkozy clôt le cycle ouvert avec la conquête de l’Elysée par François Mitterrand le 10 mai 1981. Pour la première fois depuis une trentaine d’années, le camp sortant est renforcée à l’issue d’une élection qui remet en jeu le pouvoir central (scrutin présidentiel ou législatif, à l’exception de ceux qui ont suivi la compétition élyséenne). La France a changé de couleur politique en 1981, 1986, 1988, 1993, 1997 et 2002. Un coup à gauche, un coup à droite et ainsi de suite. La seule exception étant l’élection présidentielle de 1995 où Chirac avait succédé à Balladur, mais rappelons-nous que la posture sociale de Chirac lui avait servi pour apparaître comme une relève à la « pensée unique ».

UNE NOUVELLE DROITE

Il y a donc de la continuité mais, surtout, une rupture. La droite se maintient au pouvoir, mais elle a gagné sur une orientation plus à droite que jamais. C’est, d’un certain point de vue, une rupture dans l’histoire des droites françaises, avec le gaullisme, la démocratie chrétienne, le giscardisme, la droite radicale : bref, avec toutes les droites qui ont assuré, la domination de la bourgeoisie française mais qui n’osaient pas remettre en cause un certain « équilibre » entre les classes et certaines traditions social-étatistes issues de l’après-guerre et de compromis avec le mouvement ouvrier. L’objectif de Sarkozy, c’est visiblement d’en finir avec ces « singularités françaises ». Son programme ultra-libéral et autoritaire a été décliné en long et en large. Les thématiques autour de la valeur travail, de la liberté d’entreprise et les juxtapositions de l’immigration et de l’identité nationale ont vertébré un programme de contre-réforme libérale globale. La droite se dit maintenant décomplexée. « Il faut en finir avec l’idéologie de Mai 68 », nous assène Sarkozy. Plus subtil mais plus inquiétant, Jean d’Ormesson nous explique tranquillement qu’une période historique se termine, celle de « l’après Vichy », de « l’après Pétain ». La droite s’était tellement roulée dans la fange de la collaboration nazie de 1940 à 1944, qu’elle n’avait plus osé défendre ses vraies valeurs confondues dans le « travail, famille, patrie » du Maréchal. Elle aurait hésité à se revendiquer de son programme, de ses références. Bref, la droite se serait presque excusée d’être de droite. Avec Sarkozy, tout cela est maintenant terminé. La droite doit être « de droite » : les inégalités légitimées, le profit glorifié, l’autorité patronale consolidée, la pression sur les salariés et les chômeurs renforcée. Il faut exploser le code du travail, désarticuler les rapports sociaux, remettre en cause les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Sarkozy a pu jouer à brouiller les cartes en faisant référence à Jaurès et Blum mais, pour la première fois depuis l’après guerre, nous avons un candidat de droite qui gagne une élection majeure sur la base d’un programme de combat au service du capitalisme, aussi net et clair. Le glissement politique et idéologique de la campagne est confirmé par les résultats électoraux. Et ce d’autant que Sarkozy aura fait jouer un rôle à la fois classique et nouveau à l’extrême droite : non pas une solution dictatoriale aux problèmes de la bourgeoisie, mais en siphonnant une bonne partie de l’électorat de Le Pen ; la lente constitution d’un bloc suffisamment fort pour tenir le choc dans les confrontations sociales et politiques à venir. Il y a un réservoir de forces à l’extrême droite que Sarkozy a récupérées pour sa politique. Là aussi, la situation ouverte par les élections municipales de 1983 qui avaient vu une première poussée du Front National semble se clore avec l’effondrement du vote pour ce parti. Il n’y aura pas eu d’alliances avec le Front National, mais Sarkozy aura réussi la mise en œuvre d’un programme commun implicite avec le parti de Le Pen. Et pourquoi pas, demain, à créer les conditions d’une véritable alliance avec un Front national « délepénisé », intégrable dans la vie politique française et dirigé... par Marine Le Pen, un parti, comme l’Alliance Nationale de Fini, en Italie ! Appuyé sur les institutions de la Véme République et le rôle clé de la présidentielle, Sarkozy a su conquérir l’appareil de l’UMP. Il se servira de ces institutions pour concentrer le maximum de pouvoirs et appliquer ses contre réformes. Renouant avec certaines postures bonapartistes, il se réfère en même temps à « la France des petits propriétaires et à celle des usines », aux thèses de la droite néo-conservatrice américaine et à l’image de Jaurès et Blum. Mais n’est pas Bonaparte qui veut. Il s’agit plus d’un « look » que d’une réalité. Il n’a ni l’étoffe ni le rapport de forces. C’est le sens de toute l’agitation autour de l’ « ouverture à gauche » du gouvernement. Il va apparaître, en « se hissant au-dessus des camps », cherchant à provoquer, diviser, isoler certains secteurs du mouvement social ; mais il va chercher aussi la collaboration d’autres secteurs, en particulier certaines directions syndicales pour faire passer ses mesures par la négociation comme au travers des propositions des quatre conférences de la rentrée. Mais, dans tous les cas, ce sera pour appliquer sa politique. Sarkozy, c’est l’affrontement qui se prépare, de nouvelles tensions et contradictions, pas une stabilisation de la vie politique nationale.

POURQUOI CETTE VICTOIRE DE SARKOZY ?

La victoire de Sarkozy ne peut s’expliquer sans la mettre en relation avec les grandes tendances de l’économie et de la politique mondiale. Ce n’est pas la traduction mécanique immédiate de processus socio-économiques, il y a des dynamiques propres liées à l’histoire des luttes de classes en France mais le choix de « l’option Sarkozy » par une partie importante des classes dominantes du pays est liée à des nécessités structurelles.

1. Nous sommes dans une nouvelle phase de la mondialisation capitaliste, marquée par une concurrence acharnée entre l’Amérique, l’Asie et l’Europe. Cette concurrence se fait dans une nouvelle configuration de l’économie mondiale marquée par une tendance à l’unification d’un marché et d’une force de travail à l’échelle mondiale. Bien sûr, les salaires des ouvriers de l’Europe de l’Ouest ne seront pas ceux de la Chine ou de l’Inde, mais l’aiguisement de la concurrence inter-capitaliste exerce une formidable pression sur les conditions de vie et de travail de millions de salariés des pays d’Europe, conditions tirées vers le bas. Et, c’est là le fond de toutes les politiques d’abaissement du coût du travail, de déréglementation des rapports sociaux ou de dislocation des systèmes de protection sociale. Il faut casser les « modèles sociaux européens », remettre en cause des acquis chèrement arrachés au capitalisme dans les années 50 et 60. Nous l’avons dit, il n’y a pas de traduction mécanique entre la nécessité de ces choix socio-économiques et l’accession au pouvoir de Sarkozy. Dans d’autres pays d’Europe, ce sont les partis sociaux-démocrates ou des coalitions de centre gauche ou de centre droit qui font le sale boulot… avec, en général, un zest d’accompagnement social. En Italie, sous la direction de Romano Prodi, c’est une coalition de centre gauche soutenue par des secteurs de la démocratie chrétienne, du mouvement socialiste et de Refondation communiste d’Italie qui est aux commandes. En Allemagne, c’est une grande coalition CDU - SPD (démocratie chrétienne et social-démocratie) qui gère les affaires. Mais, en France, dans les conditions politiques de 2007, à cause même de l’acuité des luttes de classes, il faut une « droite dure » pour appliquer la potion libérale... car des luttes et des résistances il y en a eu ces dernières années et la victoire de Sarkozy ne pourra les annuler si facilement. Il existe dans ce pays une accumulation d’expérience de luttes, de formes d’action et même d’expérience politiques qui continue à peser sur la scène politique.

2. Se pose alors une autre question : pourquoi malgré les luttes du CPE, le NON au référendum de juin 2005, les grèves contre les réformes Fillon sur les retraites, et même les victoires de la gauche aux élections régionales et européennes de 2004, la droite sarkozienne remporte l’élection présidentielle et la gauche n’arrive pas à profiter de toutes ces poussées sociales et électorales ? Il y a, nous l’avons vu, l’environnement international. Mais, il y a aussi une responsabilité de la gauche traditionnelle... Prétendant répondre à la hauteur de la situation, elle a tenté de recycler le discours néo-libéral de l’offensive capitaliste internationale en un discours « de gauche » et « moderniste » visant à permettre l’application « en douceur » des politiques libérales. L’évolution de ses programmes depuis 1983 a accouché d’un programme franchement social-libéral illustré par le Oui à la constitution et le projet socialiste de 2006. La plupart de ses « élites » politiques, syndicales, intellectuelles ont intégré le discours sur la mondialisation libérale comme horizon indépassable et abandonné les « vieilles lunes » social-démocrates du compromis possible entre le capital et le travail. De plus, moulée dans les institutions de la contre-réforme libérale, notamment dans le cadre des institutions européennes, elle a accentué sa fusion avec les sommets de l’Etat et des secteurs du capital industriel et financier, ce qui a changé sa composition sociale, modifié profondément ses contours et affecte actuellement sa nature à un point qui demandera une analyse approfondie. Des liens politiques et historiques subsistent encore avec le mouvement socialiste. Des rapports spécifiques à la fois historiques et idéologiques (y compris mystificateurs) avec les classes populaires et le peuple de gauche continuent à les différencier des partis bourgeois classiques, mais leur politique de plus en plus subordonnée au capitalisme libéral d’aujourd’hui brouille de plus en plus les frontières entre la gauche et la droite aux yeux même du « peuple de gauche » qu’il est censé représenter. Après avoir usé et abusé de ses satellites communistes et verts pour donner le change ou une teinte « sociétale-sociale » à ses politiques de gestion de l’ordre libéral, elle les a éreintés. Ainsi les formules de « gauche plurielle » ou « d’union de la gauche » ne sont plus d’actualité… faute de combattants. Du coup les politiques d’alliances avec le centre et la droite retrouvent une certaine fonctionnalité d’autant qu’il ne reste sur le plan de l’arithmétique électorale que le parti du centre. Ce qui compte c’est le Centre... les autres formations de gauche n’étant plus considérées, aujourd’hui, que comme forces d’appoint dans le projet de cette nouvelle coalition du centre. Cette mutation social-libérale de la social-démocratie peut aller plus loin. Elle avait déjà été évoquée autour de la recherche d’une « troisième voie » inspirée des réflexions d’Antony Giddens dans les colloques de la fin des années 90 réunissant Clinton, Blair, D’Alema, et Jospin. Ces débats ouvraient la voie à tous les projets politiques inspirés de la transformation des PS en « parti démocrate » ou grand parti progressiste qui romprait ce qui reste d’attaches avec le mouvement ouvrier pour s’ouvrir à tous les courants et sensibilités de la gauche et du centre qui acceptaient l’horizon du capitalisme libéral. De ce point de vue, on peut parler de « processus d’italianisation » de la vie politique française avec deux pôles : l’un à droite, avec Sarkozy, rassemblant dans une alliance implicite la droite et l’extrême droite… en attendant un processus d’auto-transformation du FN français en parti du type Alliance Nationale italienne sous la direction de Fini. L’autre pôle à gauche serait, dans un nouveau dialogue entre la gauche et le centre, la gauche libérale de Ségolène Royal et Strauss Kahn. Même s’ils se disputent le leadership du PS, ces deux-là sont en fait sur une même ligne de rénovation de la social-démocratie vers le centre - et le centre de Bayrou, un peu comme la coalition de « l’Olivier » en Italie, coalition qui réunit le nouveau parti démocrate de Prodi, les progressistes et Refondation communiste d’Italie. Ce n’est aujourd’hui qu’une tendance en cours et pas un processus achevé ; beaucoup d’inconnues doivent nous conduire à des pronostics réservés dont les tensions « à gauche » dans le PS qui se manifestent et y sont l’écho des résistances sociales persistantes. Sans doute faudrait-il une défaite de celles-ci pour que la mutation sociale libérale se parachève.

3. Troisième raison qui explique cette situation, c’est qu’au delà des contradictions, des polarisations politiques et sociales, il faut enregistrer une certaine dégradation des rapports de forces politiques et sociaux. D’abord sur le plan politique électoral, le rapport de forces droite / gauche 53/47 % traduit incontestablement un glissement, à droite, du champ politique, surtout affirmé au 1er tour de l’élection présidentielle : poussée du pôle droite / extrême droite Sarkozy / Le Pen, émergence du centre de Bayrou, affaiblissement de la gauche qui, toutes composantes confondues, ne dépasse pas les 36%... C’est un des niveaux les plus bas pour la gauche depuis 1969. Cette tendance doit être néanmoins nuancée sur la base des résultats du 2ème tour de l’élection présidentielle qui confirme la défaite de la gauche mais n’indique pas une percée de la droite sur de nouveaux territoires. La gauche résiste permettant à Ségolène Royal de réunir près de 17 millions d’électeurs et le différentiel du rapport droite / gauche ne dépasse pas les deux millions de votes. Notons aussi que Sarkozy n’aura recueilli que 42% des suffrages des électeurs inscrits. Les élections sont souvent le reflet déformé des rapports de forces sociaux réels. C’est encore le cas. Les niveaux de combativité, de luttes et d’explosivité sociale sont souvent considérés comme une des « exceptions françaises » et il est incontestable que le niveau d’activité du mouvement de masse reste impressionnant dans ce pays. Il faut, en particulier, souligner l’extraordinaire réactivité de la jeunesse. Même, dans cette défaite politique, de nouveaux « bourgeons » de la mobilisation sociale sont apparus, en particulier la jeunesse des banlieues. Les classes dominantes n’ont pu et ne pourront en finir avec un mouvement social aux « traditions de foucades et de révolution »… Mais la force propulsive des luttes qui depuis la révolte anti-libérale de 1995 scandent la vie du pays n’a pas été suffisamment forte pour bloquer puis inverser les tendances lourdes de la situation. Les mutations du capitalisme, les processus de fragmentation, d’individualisation et de précarisation de la force de travail sont, à cette étape, plus forts, que les luttes qui, vague après vague, se cassent sur les digues du front de mer. Ces luttes ne croisent pas des crises politiques, institutionnelles, étatiques suffisamment aigues pour donner une nouvelle vigueur à un projet de transformation sociale. Les défaites du siècle passé et les effets désagrégateurs du stalinisme et de la social-démocratie pèsent encore sur la conscience de millions de salariés et de jeunes et s’ajoutent aux effets de dislocations de la conscience de classe, des solidarités et des identités que les mutations économiques ont produites dans le salariat. Les décalages et désynchronisations entre les luttes, la combativité, les mouvements anti-systémiques et les processus de formation d’une conscience anti-capitaliste et, encore plus, d’une conscience socialiste révolutionnaire jouent sur les rapports de forces globaux. Il n’y a pas eu, encore à cette étape, de courants, mouvements ou partis « luttes de classes » correspondant au niveau de luttes existant dans le pays. Malgré des contradictions internes fortes, le coût social de la politique libérale, le capitalisme garde des marges de manœuvres pour restructurer le monde à sa façon. Et si le mouvement ouvrier, les travailleurs et leurs organisations, continuent à subir les dégâts de la politique des directions de la gauche libérale et du mouvement syndical ayant accepté la logique libérale, la bourgeoisie applique ses solutions, y compris les plus dures lorsqu’il faut mater un mouvement social récalcitrant.

QUELLES PERSPECTIVES ?

La nouvelle situation politique met à l’ordre du jour deux exigences, celle de l’unité pour résister aux plans du sarkozysme et la construction d’un nouveau parti des travailleurs.

1. L’unité d’abord. Elle est capitale. Nombre d’observateurs ont souvent comparé Sarkozy à Thatcher. Il y a des différences liées à l’histoire spécifique des droites de chaque pays, mais on peut penser qu’il y a une similitude stratégique entre la dynamique du « thatcherisme » et du « sarkozysme ». Les deux ont accédé au pouvoir à la suite d’une nette victoire électorale. Mais leur victoire électorale, par elle-même, ne peut résoudre les problèmes posés par la contre-réforme libérale dans chacun des pays. Pour appliquer le programme ultra-libéral, il faut transformer la victoire électorale en victoire sur le terrain de la lutte de classes. Il faut rechercher la confrontation sociale sur une ou deux questions clé et chercher à infliger une défaite majeure au monde du travail et au mouvement syndical. Comme l’a indiqué André Slama, un de ses thuriféraires, dans le Figaro du 7 mai, le lendemain de la victoire électorale, « il va falloir injecter de la conflictualité sociale ». Le choix de Sarkozy par la bourgeoisie, c’est le choix de l’affrontement, c’est le choix de l’aiguisement de la lutte de classes. Il faut maintenant relever le défi, préparer et se préparer aux combats annoncés. Dans cette perspective, la phase préparatoire est décisive, le choix des terrains d’affrontement, le rassemblement, l’accumulation de nouvelles énergies à travers de luttes de masses partielles ; bref il faut prendre la mesure des enjeux à venir. Ce sera difficile ; Sarkozy a les cartes en main, mais il peut aussi présumer de ses forces. Les victoires électorales ne sont pas automatiquement des victoires sociales... Les résistances au libéralisme qui existent dans ce pays sont toujours aussi vives et le nouveau pouvoir peut aussi se casser les dents face à la ténacité sociale qui est une des marques de fabrique du pays. Il faut pour cela la mobilisation, la massivité et l’unité de l’ensemble des forces de la gauche sociale et politique du pays. Ce qui ne sera possible qu’en s’appuyant sur les forces de résistances de la gauche sociale pour la faire peser sur la gauche politique et syndicale traditionnelle.

b) La seconde exigence, c’est la construction d’un nouveau parti, un parti anti-capitaliste.

La direction du Parti socialiste ne fait plus mystère, Royal et Strauss Kahn en tête de vouloir « rénover la social-démocratie » dans une adaptation plus systématique au libéralisme et dans la recherche d’une alliance avec le centre. Il y a encore beaucoup d’inconnues dans la construction d’un nouveau projet de transformation du PS. « Nouveau parti social-démocrate », « Parti Démocrate » à l’américaine. Toute une série de formules vont maintenant foisonner dans la discussion.Déjà des voix s’élèvent dans cette direction. Hollande lance un appel pour un nouveau parti progressiste. J . Dray déclare que « le PS du congrès d’Epinay est obsolète ». D’autres appellent directement à la construction d’un nouveau « parti démocrate » Nous évoquions la situation italienne, c’est le choix qu’on fait les réformistes, socialistes, et centristes italiens. La situation française permettra t-elle d’aller jusqu’au bout de ce projet, la question est maintenant posée. Mais ce qui est sûr, c’est que la direction de tout ce mouvement est arrêtée, c’est : « à droite toute », et ce , bien sûr sous couvert de modernité !! Dans une telle situation, peuvent apparaître des formules intermédiaires qui traduisent une certaines résistance à ce mouvement vers la droite…mais l’expérience nous montre que ces « réformistes de gauche » ne peuvent aller jusqu’au bout dans la rupture avec le social libéralisme.. Ils restent prisonniers de l’horizon social libéral et institutionnel dominant. Ainsi les dirigeant du Links Partei en Allemagne ont jugé que Schroeder allait trop loin dans l’intégration social libérale,et ont constitué un nouveau parti avec Oscar Lafontaine et Gregor Gysy du PDS est-allemand, mais c’est pour continuer à gouverner avec la SPD dans les Land comme à Berlin ! Dans la gauche radicale, la discussion s’est aussi développée : un projet conséquent de construction/ reconstruction du mouvement ouvrier, d’une gauche anti-libérale ou anti-capitaliste est-il ou non compatible avec des alliances, un soutien parlementaire ou une participation gouvernementale à des coalition avec le social-libéralisme et le centre gauche. Ce débat a déjà divisé la gauche en Italie ou au Brésil. Cette question était à la base de divisions de la gauche anti-libérale à l’élection présidentielle. La dynamique de la campagne et de l’après campagne ont confirmé ces divergences stratégiques. Le PCF a ouvert des négociations avec la direction du PS pour ces législatives. L’inconsistance de Bové s’est révélée dans ses appels à un gouvernement avec Hulot, et plus sérieusement dans son ralliement à la politique de Royal, acceptant même une mission sur la souveraineté alimentaire !!! Ces évolutions globales, social-libéralisation de la social-démocratie, incapacité du PCF, Verts, alternatifs à se vivre comme une force vraiment indépendante du parti socialiste débouchent aujourd’hui sur une situation où les formules d’unité de la gauche anti-libérale incluant la direction du PCF et le courant Bové sont « caduques », dépassées par la situation de ces dernières semaines. A noter aussi une « accélération « du déclin du PCF. Avec moins de 2 % à la présidentielle, le PCF va maintenant connaître des tendances à l’éclatement, d’une part sous la pression de courants sensibles aux appels de Hollande pour un nouveau parti -c’est la signification des interventions répétées de Gayssot- et de l’autre des courants qui voudront réaffirmer l’identité « PCF », une identité qui n’ a plus grand sens historique. Toutes ces évolutions mettent à l’ordre du jour la construction d’une nouvelle force qui renoue avec les meilleures traditions du mouvement socialiste et communiste, qui défende un programme anti-capitaliste, et affirme son indépendance stratégique vis-à-vis du réformisme ancien ou moderne : un nouveau « parti ouvrier » qui tire les enseignements des principales expériences de ces dernières années. En effet, dans les conditions politiques de la France de 2007, sur la base de l’évolution social-libérale du PS et de l’effondrement du parti post-stalinien, il ne peut s’agir de construire un parti mi-chèvre - mi-choux, qui essaie de mêler « radicalité » et subordination à la social-démocratie ou au centre gauche, un parti qui essaie de rendre compatible la lutte et le cadre fixé par la gauche social-libérale dominante. Notre objectif n’est pas non plus de constituer une force de pression sur le PS, pour le pousser à « aller plus à gauche ». Il est de gagner des militants socialistes ou communistes à une perspective indépendante. De ce point de vue, le succès de la campagne d’OB est un point d’appui décisif pour créer les conditions d’avancée vers ce nouveau parti. Les axes de campagne d’OB constituent d’ores et déjà la charpente du programme de cette nouvelle force : au centre la question sociale - dans ses multiples dimensions : féministe, écologiste, droits de la jeunesse, remise en cause de la logique capitaliste- et la démocratie - défense de tous les droits démocratiques, rupture avec la Vème République, élection d’une constituante, contrôle de la population, pouvoir à des assemblées élues dans les communes et les entreprises-. Sa méthode : la lutte contre le système capitaliste, la logique du profit, sa substitution par la satisfaction des besoins sociaux, des incursions dans le droit de propriété pour généraliser l’appropriation publique et sociale des principaux secteurs de l’économie. Sa perspective : la répartition des richesses, l’égalité sociale, le socialisme. Sa stratégie : l’unité, l’indépendance de classe, la démocratie socialiste et le pouvoir des travailleurs. Un tel parti s’adresse à tous ceux qui veulent construire ou reconstruire une nouvelle force politique vraiment à gauche. Ce parti ne tranchera pas toutes les questions tactiques et stratégiques. Une série de débats resteront ouverts, mais cette nouvelle force politique sera fortement arrimée à la lutte de classes ; elle aura clarifié sur la base de l’expérience politique certaines des questions stratégiques clé, notamment le rôle central de l’auto-émancipation et de l’autogestion de la population dans la transformation sociale, le rapport aux institutions subordonné à l’activité du mouvement social, l’indépendance vis-à-vis de l’Etat et de ses institutions centrales en exprimant clairement le refus de tout « ministérialisme » au travers le soutien ou la participation à des gouvernements de gestion de l’Etat et de l’économie capitaliste. A tous ces projets de gestion du système , nous opposons la rupture avec le capitalisme et la constitution d’un gouvernement des travailleurs. Enfin, ce parti doit fonctionner sur les principes d’une démocratie centralisée qui combine efficacité dans l’action et droit d’expression des divers points de vue, avec droit de tendance, un parti qui veille au contrôle des directions élues par les militants, à la rotation des dirigeants à tous les niveaux, un parti qui donne à chacune et chacun toute sa place dans le combat commun.

Les bases constitutives de ce parti découlent de tout notre combat politique : la défense d’un programme anti-capitaliste, la stricte indépendance vis-à-vis du PS, et la démocratie ; un cadre politique organisé national et démocratique, tissant des liens internationaux avec la gauche anticapitaliste internationale.

Toute la question qui nous est maintenant posée est de discuter comment construire ce nouveau parti. Un parti ouvert, rassemblant tous les militants, courants, expériences qui se reconnaissent dans une telle démarche. C’est dans cet état d’esprit que nous devons engager dans les semaines et les mois qui viennent le dialogue avec les forces qui sont prêtes à agir avec la LCR dans cette direction, en commençant par les secteurs de la jeunesse et du monde du travail les plus avancés dans le combat anticapitaliste. Nous proposerons aussi cette discussion aux courants issus de la crise du PS et du PCF, aux militants anti-libéraux, à tous les révolutionnaires. Cette force ne sera pas le produit de construction aléatoire, combinant appareils - petits ou grands - personnalités autoproclamées ou regroupements aux contours et règles de fonctionnement floues. Elle est le produit des meilleures expériences de la lutte de classes de ces dernières années : elle s’adresse à tous ceux et à toutes celles qui veulent construire, avec nous, ce nouveau parti anticapitaliste. La LCR est le principal instrument dans la construction de ce nouveau parti. Des centaines de jeunes et de travailleurs viennent de faire le pas pour la rejoindre, celle-ci doit aussi se transformer pour répondre à la nouvelle situation. Mais nous pensons que dans cette nouvelle situation politique où la gauche française va connaître des bouleversements politiques majeurs, nous pouvons et devons faire mieux, tenter d’organiser des milliers de nouveaux militants, aller au-delà de la LCR, avancer vers une force plus implantée, plus large, plus ouverte qui rassemble et permette une nouvelle avancée dans la construction d’une force au service des exploités et des opprimés.

François Sabado

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