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Immigration et capitalisme

Fraction l’Etincelle de Lutte ouvrière

mardi 12 juin 2007, par JCR-RED

Immigration et capitalisme

L’immigration, sujet de démagogie favori des politiciens de l’extrême droite à la gauche, est à nouveau sur le devant de la scène. Comme d’habitude, ce sont les Le Pen et de Villiers qui donnent le plus de voix sur le sujet, en multipliant les déclarations ouvertement racistes. A tel point que le dernier livre de de Villiers, « les mosquées de roissy », prêterait à sourire… La droite dite « républicaine » n’est bien sûr pas en reste. Les récentes déclarations de Sarkozy (« la France, aimez la ou quittez là »), reprennent d’ailleurs ouvertement les slogans de villier, qui avait lui-même trouvé l’inspiration chez le Pen. La gauche, qui fait beaucoup de bruit sur les paroles volontairement provocantes du ministre de l’intérieur, n’en reste pas moins très discrète, pour ce qui concerne le PS, sur le fond. Quand un Laurent Fabius lance sa promesse –qu’il ne tiendra d’ailleurs pas, tout son passé politique le prouve- de régularisation des sans-papiers, DSK réagit immédiatement en précisant que le PS ne s’est jamais prononcé pour des régularisations massives… Quand Nicolas Sarkozy a présenté son projet de loi sur l’immigration, de nombreuses pointures du PS l’ont accusé de plagiat… premier réflexe, avant le CPE. Mais quelqu’un comme Malek Boutih, ancien de SOS racisme, qui a réfléchi longuement au sujet puisqu’il est secrétaire aux questions d’intégration au sein du PS, continue de dire à qui veut bien lui tendre un micro, qu’il est pour les quotas de travailleurs immigrés.

Bref, l’immigration, toujours abordée comme un problème, est un fond de commerce rentable pour se faire élire aux plus hautes fonctions de la république. Mais ce n’est pas que ça. D’abord ces effets de manche politiciens ont des conséquences humaines très lourdes : sur les conditions de vie des travailleurs immigrés en premier lieu, victimes de l’arbitraire policier et patronal, mais aussi sur l’esprit des travailleurs natifs, embrumé par le poison du racisme. Ensuite, La migration des populations des pays pauvres vers les pays riches est une conséquence du système qui accumule richesse d’un côté, misère de l’autre. La bourgeoise des pays développés s’en sert, comme elle l’a toujours fait depuis le début de la révolution industrielle, en l’adaptant sans cesse aux besoins changeants du capitalisme.

Sarkozy a présenté officiellement son projet sur l’immigration le 9 février, une réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).

Le fil conducteur de ce texte c’est de passer d’une immigration qui serait soi-disant subie à une immigration choisie. Qu’est-ce que ça signifie concrètement ?

Droits de l’homme

D’abord, la loi prévoit de nombreuses mesures qui s’attaquent aux droits humains, notamment à la vie familiale.

La loi ajoute la condition de séjour régulier pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », et la condition « d’intégration républicaine dans la société française » pour le renouvellement de cette carte. Outre le gros clin d’œil démagogique aux électeurs les plus racistes (pour avoir le droit de rester, que ces étrangers nous prouvent qu’ils ne sont pas des voyous, des terroristes, des fous de Dieu, des parents démissionnaires et que sait-on encore...), il y a la volonté de poser une condition qui dépendra du jugement, arbitraire, des autorités.

L’accès à la carte de résident ne sera possible qu’au terme de trois années de mariage, au lieu de deux actuellement. La délivrance de la carte de résident n’est plus de « plein droit » pour le conjoint de ressortissant français, mais conditionnée, encore une fois, par « l’intégration républicaine dans la société française », non seulement du demandeur, mais aussi... du conjoint, et de ses enfants mineurs résidant en France ! Mais à cet arbitraire complet s’ajoute une autre clause : le projet crée un cas de retrait de la carte de résident... s’il y a rupture de la vie commune dans les quatre années suivant la célébration du mariage ! Autant dire que la situation de la femme en prendra un coup… expliquer…

Le droit au regroupement familial est en grande partie démantelé, tant s’accumulent les nouvelles restrictions.

Allongement de la durée de séjour régulier exigée pour le demandeur (18 mois au lieu d’un an). Durcissement des conditions de ressources Durcissement des conditions de logement

L’étranger prétendant faire vivre avec lui sa famille devra décidément échapper aussi bien à la crise de l’emploi qu’à celle du logement, en tout cas selon les critères de l’Administration...

De même, la nouvelle loi supprime la délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour l’étranger résidant en France de façon habituelle depuis au moins dix ans, et la carte de résident pour celui qui réside régulièrement depuis dix ans. Les sans-papiers sont ainsi condamnés à le rester à perpétuité.

Ces articles : en fait très démagos… l’immigré serait une charge pour la société française, si on vise les mariages et le regroupement familial, c’est pour aller dans le sens des préjugés du genre « le bruit et l’odeur » de Chirac…

La vérité sur l’immigration en France

150 000. C’est le nombre d’immigrés qui entrent chaque année en France. À comparer avec les 450 000 en Espagne et 650 000 en Allemagne. La France est loin d’être un pays d’immigration massive.

2,4. C’est le nombre d’enfants par femme immigrée. Un chiffre qui ne correspond pas au cliché sur les familles nombreuses, d’autant qu’il baisse rapidement.

25%. C’est le taux de chômage des immigrés originaires du Maghreb ou d’Afrique noire. Soit 2,5 fois plus que dans le reste de la population.

5,3%. C’est le pourcentage d’immigrés en CDD dans le privé, soit 1,5 fois plus que dans le reste de la population.

8,5%. C’est le pourcentage d’immigrés qui subissent le temps partiel imposé. Presque 2 fois plus que dans le reste de la population.

27%. C’est le pourcentage de pauvres parmi les immigrés originaires du Maghreb ou d’Afrique noire. Soit 4,5 fois plus que dans le reste de la population.

Plus touchés par le chômage, plus précaires, plus pauvres, les immigrés sont relativement plus nombreux à bénéficier de prestations sociales comme l’APL ou les allocations familiales. Mais les immigrés vont moins souvent voir le médecin. Et, parce que beaucoup rentrent au pays, parce que leur espérance de vie est plus faible, ils bénéficient beaucoup moins de la retraite.

Finalement, après « redistribution », c’est-à-dire versement des cotisations pour les plus démunis, paiement des impôts pour les plus aisés, l’écart des revenus disponibles entre immigrés et non-immigrés reste de 20 %.

Les raisons de ces écarts

Même à niveau d’études égal, l’écart entre les salaires des immigrés et des Français est en moyenne de 10 %. Une discrimination qui subsiste d’ailleurs pour la « deuxième génération ». Scandaleux et inacceptable, bien sûr. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Si l’on compare les revenus des ouvriers immigrés aux revenus des autres ouvriers, l’écart n’est plus que de 3 %. C’est donc avant tout leur condition sociale qui explique le sort qui leur est réservé : 78 % des immigrés sont ouvriers ou employés, contre 54 % des natifs.

… expliquer…Tout ça pour dire que les immigrés ne viennent pas manger le pain des français, au contraire, ils contribuent plus qu’à leur tour à le produire. Les mesures de la loi sarkozy que je viens de décrire sont démagogiques, le gouvernement est prêt à briser des couples et des familles pour entretenir le racisme et gagner des voix aux élections. Mais le projet ne se limite pas à ça. Il comporte bien d’autres mesures qui permettent aux patrons de renforcer leur exploitation des travailleurs du monde entier. Ce n’est pas seulement le projet d’un démagogue, c’est la politique des capitalistes.

On en vient donc à la deuxième batterie de mesures que la loi comporte…
Pillage des pays pauvres

La loi établit le principe des quotas : le gouvernement aura à dresser chaque année des objectifs quantitatifs précis de visas à délivrer à titre professionnel, en fonction des besoins des entreprises.

La loi crée la carte de séjour « compétences et talents », valable trois ans et renouvelable, délivrée « à l’étranger susceptible de participer, du fait de ses capacités et talents, de façon significative et durable au développement de l’économie française ou au rayonnement de la France dans le monde ou au développement du pays dont il a la nationalité. »

À l’Administration donc de définir, plus ou moins arbitrairement, ce qu’est le bon étranger qualifié ou brillant, au bon potentiel... Le titulaire d’une telle carte aurait droit à un régime de faveur : il pourrait solliciter très vite le regroupement familial et les conditions relatives au logement et aux ressources, si contraignantes pour la plupart des immigrés, ne lui seront pas opposables. Mais attention, chercheur, ingénieur, ou jeune étudiant, il aura intérêt à confirmer ses talents : la carte est valable trois ans.

Il s’agit de pomper les cerveaux des pays sous-développés.

Et ça ça rentre dans un cadre très général : quelle est la cause de la misère extrême dans laquelle sont plongés la majorité des pays du monde, misère qui pousse bien des jeunes gens à émigrer ? Ce n’est pas leur inaptitude au développement, mais c’est le pillage par les bourgeois occidentaux qu’ils subissent depuis les débuts du capitalisme. C’est quoi ce pillage ? C’est le colonialisme, le néo-colonialisme, les mécanismes de la dette et du commerce mondial, l’exploitation des ressources naturelles. Et tout ça entraîne bien sûr une grande instabilité : le soutien des multinationales et des gouvernements occidentaux à des dictatures, soutien à des factions armées qui déclenchent des guerres incessantes…

Et c’est sans vergogne que les mêmes qui ont créé et entretiennent pour leur profit cette situation, les mêmes érigent de véritables murs à leurs frontières pour décourager un grand nombre de candidats à l’émigration. Murs, barbelés, miradors qui font des pays occidentaux de véritables forteresses, et qui font des dizaines de milliers de morts tous les ans.

Europe forteresse…

…Rançonnés par les passeurs ou l’armée, contraints à de longues marches dans le désert - l’errance entre Algérie et Maroc dure parfois plusieurs années -, puis à l’attente interminable dans les forêts à quelques kilomètres des grillages, nombreux sont les migrants qui ne survivent pas au parcours. Les naufrages d’embarcations de fortune, au large des Canaries, dans le détroit de Gibraltar ou le long des côtes de Lampedusa (au large de la Tunisie), ajoutent leur lot de victimes, faisant de la mer un véritable cimetière.

C’est Ceuta et Melilla, au Maroc : points de passage pour l’entrée sur le sol européen. L’assaut a été mené en octobre conjointement par les forces espagnoles et marocaines, tirant sur tous ceux qui essayaient de franchir les barbelés. Au bilan officiel, au moins dix morts par balle, des dizaines de blessés graves, et plusieurs centaines de déportés abandonnés, sans eau ni vivres, dans le désert du Sahara.

C’est l’assaut donné il y a quelques mois contre des réfugiés soudanais au Caire, en Égypte. Ils étaient 3 500 à camper depuis trois mois devant le siège du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés, dépendant de l’ONU) pour réclamer leur transfert vers les pays occidentaux. La dispersion du campement de fortune par les policiers égyptiens a fait officiellemnt 27 morts et une cinquantaine de blessés mais, selon les organisations humanitaires, ce chiffre serait très largement sous-évalué.

Ce sont les centres de rétention pour les sans-papiers en France, épinglés par le commissaires européen aux droits de l’homme : brimades à répétitions, de conditions sanitaires exécrables, d’absence totale d’aide juridique. Ce sont en Ialie les centres « d’identification », c’est-à-dire de détention provisoire, interdits de visite aux organisations humanitaires et aux journalistes.

C’est le centre de rétention de l’ile de Lampedusa, au large de la Tunisie, qui tient plutôt du véritable camp de concentration. humiliations, brimades et actes racistes infligés par les gardiens. Les conditions sanitaires de ce centre - prévu pour 190 personnes mais régulièrement surpeuplé, puisque l’île a reçu quelque 15 000 boat people depuis un an - sont catastrophiques.

Et c’est la même chose aux Etats-Unis… Mexique : La dernière mesure répressive en date, la loi HR 4437, qui a heureusement soulevé des protestations… expliquer…, a été adoptée à la Chambre des représentants du Congrès à la fin de l’année dernière. Toute personne vivant ou travaillant aux États-Unis sans autorisation légale est considérée comme criminelle et encourt non seulement l’expulsion du territoire mais aussi des peines d’emprisonnement. Le fait d’apporter de l’aide à un travailleur sans papier, y compris une aide médicale ou humanitaire comme simplement de fournir de l’eau et de la nourriture à quiconque franchit la frontière illégalement, est aussi considéré comme un crime. La Chambre a également adopté une loi enjoignant le gouvernement de construire une clôture le long de la frontière avec le Mexique, d’engager sur 5 ans 10 000 gardes de plus pour surveiller cette frontière et d’envoyer polices locales et celles des états mener la chasse aux immigrés clandestins… chasse qui existe déjà…

Le problème des gouvernements des pays riches n’est pas d’arrêter l’immigration, ce qu’ils savent de toute façon impossible. Le « livre vert » de la Commission européenne écrit explicitement que, d’ici 2030, l’Europe devra faire appel à plus de 20 millions d’immigrés. Si les règles se durcissent ainsi partout dans le cadre européen, elles sont en même temps suffisamment souples pour laisser aux États nationaux le plus grand contrôle sur les vannes de l’immigration, selon l’évolution des besoins en main-d’œuvre bon marché.
Car en fait, cette notion d’Europe forteresse est un peu trompeuse. Si ces mesures restrictives rendent plus difficiles, et même très risqué, l’accès des migrants au marché du travail européen et américain, elles ne l’empêchent pas. Quand bien même ce serait réellement leur but, ces Etats ne le pourraient pas. Des politiques du même type ont été mené depuis que le capitalisme est capitalisme. Les migrations de population sont, aujourd’hui comme hier, une conséquence permanente et obligatoire du système capitaliste.

Parce que cette société repose sur l’inégalité entre les pays riches et les pays pauvres, qu’elle concentre les richesses dans un petit nombre de mains, dans un petit nombre de pays, les régions riches continuent de jouer leur rôle d’attraction.

Mais surtout, la constitution d’une réserve d’hommes et de femmes pauvres et sans droits, où la bourgeoisie peut puiser – ou pas- en fonction des besoins de sa production, à qui elle peut imposer ses conditions de travail et de salaires draconiennes, pour les imposer ensuite à l’ensemble des travailleurs, cette véritable armée de réserve est une condition nécessaire au fonctionnement de son système d’exploitation.

C’est pour ça qu’aucune des politiques anti-immigrés n’a pour but de stopper l’immigration, contrairement à ce que les gouvernements laissent croire pour flatter et entretenir les préjugés réactionnaires. En revanche, ces politiques contribuent à créer le climat d’hostilité et d’insécurité dont la bourgeoisie a besoin pour imposer sa loi aux travailleurs originaires des pays pauvres – souvent au mépris de leur vie.

Dans les pays riches et industriels : mettre les travailleurs en concurrence à l’échelle du monde…

La loi Sarkozy, d’ailleurs, s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Puisque les patrons français ont aussi besoin d’une main d’œuvre peu qualifiée, taillable et corvéable à merci, on crée d’autres cartes de séjour professionnelles, temporaires, et qui ne permettront pas à leurs possesseurs de faire venir leur famille auprès d’eux, puisque la période de validité du titre est limitée...

La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » comportera une validité égale à un an renouvelable si le contrat de travail n’a pas été rompu durant cette période ! Le travailleur immigré « à titre temporaire » a donc beau résider et travailler légalement, il est tout aussi dépouillé de tout véritable droit face à son employeur, tout aussi soumis à son arbitraire le plus complet que n’importe quel sans-papiers. Viré par son patron, il devient rapidement illégal et expulsable.

Les travailleurs clandestins sont devenus aujourd’hui indispensables à certains secteurs comme le bâtiment, l’agriculture ou la restauration. La menace d’une dénonciation à la préfecture, l’absence de la protection minimale offerte par le droit du travail permettent souvent aux patrons de les exploiter à outrance. Les salaires sont bas, les conditions élémentaires de sécurité ne sont pas respectées, et il arrive souvent que, à la fin d’un chantier, les ouvriers ne soient tout simplement pas payés. C’est pour entretenir la peur que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, remplissent les charters. Pas réellement pour expulser tous les clandestins, leur exploitation est bien trop lucrative.

L’Espagne, qui a de gros besoins en main d’œuvre agricole, se livre de temps à autre à des campagnes de régularisation partielle de sans-papiers. La dernière remonte au printemps 2005. Le gouvernement socialiste de Zapatero avait alors annoncé la régularisation de 700 000 clandestins. Mais les candidats devaient effectuer un véritable parcours du combattant, et notamment justifier d’un contrat de travail de six mois fourni par leur patron. Lors des quinze premiers jours de l’opération, on a donc assisté à 58 000 licenciements de sans-papiers, soit plus que le nombre de candidats durant la même période. Finalement la moitié environ du nombre estimé de clandestins n’ont pas été régularisés (et se retrouvent de ce fait dans une situation de plus grande précarité qu’avant l’opération).

En fait, l’ouvrier sans –papier est un peu le travailleur idéal pour un patron. Avec l’inconvénient que l’embaucher est illégal… Inconvénient très relatif cependant, vu la fréquence des contrôles et les peines encourues par les employeurs, mais sûrement pesant quand même. ce troisième volet de la loi sarkozy est conçu pour « légaliser » cette forme la plus extrême de la précarité.

La fragilité du jeune émigré, qui a fait le sacrifice de quitter son pays pour échapper à la misère et nourrir sa famille, qui arrive en France parfois dans l’illégalité après un voyage qu’il a payé très cher et où il a risqué sa vie, cette fragilité alimentée par les mesures répressives que nous avons décrites plus haut est une aubaine pour les patrons. Des patrons qui ne souhaitent pas du tout se passer de la main d’œuvre immigrée, mais qui au contraire y voient une réserve où puiser, ou pas, une variable d’ajustement, surtout si cette catégorie de travailleurs est rejetée par les autres. Les démagogues à leur service mentent quand ils prétendent vouloir les uns l’immigration zéro, les autres une immigration d’élite. Parce que leur rôle, pour ceux chez qui ce n’est pas seulement de la bêtise crasse, c’est d’alimenter els préjugés racistes. Leur rôle est d’entretenir un climat d’hostilité et d’insécurité contre le travailleur immigré, pour que la bourgeoisie lui impose sa loi.

Et loin d’être un phénomène marginal dans l’histoire, c’est au contraire toute l’histoire du capitalisme que d’opérer un double mouvement dans la population : rapprocher les travailleurs géographiquement, et par leurs conditions de travail et de vie, mais en dressant entre eux tout un tas de barrières morales artificielles afin de les mettre en concurrence à l’échelle d’une région puis d’un pays, et aujourd’hui du monde.

Immigration et capitalisme

… la notion même de nationalité n’apparaît qu’avec la généralisation du capitalisme…

En France, l’entrée, le séjour et l’établissement professionnel des étrangers n’ont pendant longtemps été soumis ni à contrôle a priori ni à autorisation. La notion même d’étranger dans le sens moderne du terme n’existait pas jusqu’à la révolution française. Le terme désignait, plus vaguement ceux qui venaient d’une autre région. Et elle n’entra dans les têtes, et dans les mœurs, qu’avec la troisième république, et l’invention du nationalisme, à partir de 1870. La notion de nationalité française ne fut définie qu’entre 1888 et 1893. La première forme de carte nationale d’identité ne fut instaurée qu’en 1921, et encore partiellement. Jusque là, c’est toute la population qui était sans-papiers.

En fait, c’est le développement du capitalisme, en entraînant le rassemblement de grandes concentrations de main d’œuvre dans un petit nombre de pays, qui engendre dès l’origine, des migrations massives de population. A l’intérieur des pays où la jeune bourgeoisie avait pris le pouvoir économique, la première vague de migration fut celle qui draina des masses toujours plus importantes de paysans des campagnes vers les villes. Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, le développement industriel dans quelques pays est devenu tel que l’exode rural national s’avéra insuffisant et créa les conditions d’une immigration internationale. Contrairement au trafic d’esclaves, les déplacements de populations à l’époque du capitalisme sont devenus « libres » : les migrants n’étaient pas enchaînés, ils ne subissaient pas les coups de fouet. La faim et la misère de leur régions d’origine suffit à les pousser à émigrer.

Dans tous les cas, venant de régions ou de pays moins développés, les travailleurs nouvellement immigrés découvraient pour la plupart le travail en usine, sur des chantiers ou dans les mines. Sans tradition ouvrière, inorganisés, ils étaient soumis aux appétits des patrons et, dans le cas des travailleurs immigrés venant d’autres pays, à l’arbitraire des autorités du pays d’accueil. En les contraignant à des bas salaires et des conditions de travail et de vie pénibles et insalubres, les patrons créaient ainsi les conditions d’une concurrence accrue entre travailleurs, tirant vers le bas les salaires et conditions de travail.

Dès les débuts du mouvement ouvrier

En fait, le capitalisme a toujours mis les travailleurs en concurrence les uns avec les autres, l’appel aux travailleurs immigrés n’étant qu’un des aspects, de ce qu’est le « marché du travail » à l’échelle du monde. Concurrence qui a posé et pose toujours des problèmes aux organisations ouvrières. En Angleterre, le plus vieux des pays industriels, c’est dès le début des années 1830 que les travailleurs des fabriques s’organisent en Unions pour se défendre collectivement face au patronat. Engels en 1844 : « Ce qui donne à ces associations et aux grèves qu’elles organisent leur véritable importance, c’est qu’elles sont une première tentative des ouvriers pour abolir la concurrence. Elles supposent cette idée très forte et très juste que la domination de la bourgeoisie n’est fondée que sur la concurrence des ouvriers entre eux, c’est-à-dire sur la possibilité d’opposer entre elles différentes catégories d’ouvriers. » Engels rajoute que la « concurrence entre travailleurs est l’arme la plus acérée de la bourgeoisie dans sa lutte contre le prolétariat » Dans son combat contre cette concurrence, le mouvement ouvrier anglais a été très tôt confronté au problème de l’immigration, à ce moment là, irlandaise… le 5eme ou le quart des ouvriers étaient irlandais..… Les salaires et les conditions de travail étaient tirés à al baisse par la présence nombreuse de cette main d’œuvre pauvre. Bien des ouvriers anglais montraient une franche hostilité à l’égard des irlandais, les accusant d’accepter n’importe que job ou de travailler pour rien. Mais les militants ouvriers des unions, eux, ont appliqué le principe décrit par Engels : les ouvriers sont forts lorsqu’ils luttent collectivement, lorsqu’ils abolissent la concurrence entre eux. Et très vite sont nées les premières manifestations d’un sentiment de solidarité, non seulement entre travailleurs anglais et irlandais, mais entre travailleurs de tous els pays, par delà les frontières…. Associations des travailleurs de Londres… chartisme qui dénonce la colonisation, et dont plusieurs dirigeants sont irlandais… A l’origine du fameux « les travailleurs n’ont pas de patrie » du manifeste communiste en 1848…

Cette lutte permanente pour abolir la concurrence entre ouvriers, menée par les militants révolutionnaires, aboutit à une idée fondamentale : il faut construire une organisation des « classes ouvrières de l’univers ». En 1864, quelques dizaines de militants dont Karl Marx, fondent l’AIT. Il s’agissait « de développer chez les ouvriers des différents pays non seulement le sentiment, mais le fait de leur fraternité, et de les unir pour former l’armée de l’émancipation. »

Par exemple, l’internationale, en prenant de l’ampleur, a mis fin à l’un des procédés favoris des patrons : importer massivement de la main d’œuvre étrangère pour briser les grève. Dès que l’internationale était informée d’une grève qui se préparait, elle prévenait ses membres qui apprennent et font savoir que le lieu de la lutte est un terrain défendu. Ainsi, les fabricants ne pouvaient plus compter que sur leurs propres ouvriers, ce qui aidait beaucoup les grévistes… expliquer : local, limité dans me temps, exemple de solidarité internationale, pas de limitation de l’immigration…

A la fin du 19eme siècle, le capitalisme commence à s’emballer. La concurrence acharnée que se livrent les grands bourgeois, les crises périodiques de leur système provoquent la ruine de nombreuses petites entreprises, et la formation de trusts de plus en plus grands. La soif de profit de ces quasi-monopoles, leur force de frappe économique, les poussent à chercher des ressources des marchés, et des pauvres à exploiter hors de leurs frontières nationales, et même bien plus loin que l’Europe. C’est la première mondialisation de l’économie, le début de l’impérialisme.

Durant toute cette période, l’arrivée massive de migrants pauvres venus de pays de plus en plus lointains sur le marché du travail européen a servi d’arme à la bourgeoisie à une échelle bien plus grande qu’à l’époque de Marx. Désormais, l’armée de réserve dans laquelle elle pouvait puiser s’étendait à l’échelle du monde. Aux revendications d’augmentation des salaires de leurs ouvriers, les patrons n’opposaient pas encore comme aujourd’hui la menace d’une délocalisation, mais celle de l’immigration de travailleurs étrangers, plus pauvres, prêts à accepter des salaires plus bas.

Un intellectuel lié aux milieux patronaux écrivait déjà en 1883 : « Aux désirs intempérants et aux prétentions excessives de nos ouvrier, il y a un avertissement qu’on doit leur opposer : prenez garde aux asiatiques, ces rivaux qui ont pour idéal du bonheur une écuelle de riz »… ça vous rappelle rien ?

… et déjà le mouvement ouvrier se divise face à l’immigration citer rapidos p.25-26…1903 au BSI : « nous ne pouvons pas admettre que le travail de nègres ou de chinois vienne menacer le travail d’ouvriers d’une culture supérieure. »…
En fait, le mouvement ouvrier avant la première guerre mondiale a beaucoup de mal à prendre le tournant de la mondialisation impérialistes. Sa stratégie est flottante face à l’immigration des pays lointains, mais aussi face à la vague de colonisation, face à la menace de la première guerre mondiale.

Le mouvement ouvrier contre l’immigration

Sans rentrer dans les détails, à l’exception du mouvement communiste né de la révolution russe, qui a mené une politique juste en direction des travailleurs immigrés et des travailleurs des colonies le temps qu’il n’était pas corrompu par le stalinisme, les chefs du mouvement ouvrier n’ont jamais remis en application les principes de Marx et d’Engels, les principes de la première internationales.

Les premiers quotas, les premiers renvois : une loi socialistes

Ce sont d’ailleurs les socialistes français, en 1931 qui déposent le premier projet d’encadrement étatique-donc par la bourgeoisie- de l’immigration : « Article premier. À dater de la promulgation de la présente loi et jusqu’à une date qui sera fixée par décret, l’entrée en France des travailleurs étrangers est interdite. Art 2. Nul ne pourra embaucher de travailleurs étrangers si la proportion de travailleurs étrangers employés dans son entreprise excède 10 %. ». Interdiction de l’immigration donc, et quotas ! Et le projet de loi poursuivait en prévoyant des possibilités de dérogation en fonction des besoins des entreprises, le refoulement des ouvriers étrangers débauchés ou sans papiers et, pour faire un peu contrepoids, quelques mesures de protection pour les travailleurs étrangers déjà en France... et non renvoyés.

C’est au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale que s’affirme véritablement une politique de contrôle de l’immigration par l’État.
L’ordonnance du 2 novembre 1945 d’une part reprend des aspects du contrôle policier des étrangers prévu par des décrets-lois de 1938 et, d’autre part, crée l’Office national d’immigration à qui est confié en principe le monopole de l’introduction en France de main-d’œuvre étrangè¬re : le droit d’entrée et de séjour est subordonné à la production préalable d’un contrat de travail, l’employeur devant offrir de son côté des garanties en matière d’emploi et de logement.

En pratique, l’Administration délivre les cartes de séjour et de travail à de nombreux travailleurs étrangers, entrés comme touristes ou clandestinement et qui, dans les conditions de l’époque, trouvent aisément sur place à s’embaucher... mais sans bénéficier alors des quelques garanties que l’Oni mettait à la charge de l’emplo¬yeur ! Cet aspect pèse également sur les travailleurs originaires d’Algérie qui, Français sur le papier, ne relèvent pas de l’Oni et sont « libres » de venir s’entasser dans des bidonvilles, autour des cités industrielles de la métropole. En parallèle, l’État fait appel à ce qu’il n’appelle plus la « main-d’œu¬vre coloniale » : en 1963 est créé le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations intéressant les DOM) qui, jusqu’à sa disparition en 1981, organisera le départ vers la métropole de plusieurs dizaines de milliers d’Antillais et de Réunionnais, sur la base d’un volontariat contraint par le chômage local et avec, à l’arrivée, surtout des emplois subalternes, notamment dans la fonction publique (PTT, hôpitaux, administration...), fermés aux travailleurs étrangers.

C’est avec le retour du chômage que l’État redécouvre, contre les immigrés, la rigueur de la loi : en 1972, les circulaires dites Marcellin et Fontanet - respectivement ministres de l’Intérieur et du Travail - interdisent la régularisation des travailleurs entrés en France sans contrat de travail. Si des grèves de la faim de ceux qu’on n’appelle pas encore « sans-papiers » imposent des régularisations à l’été 1973, le virage est néanmoins pris.
Dès 1974, le gouvernement, sous la présidence de Giscard d’Estaing, décrète l’arrêt d’une immigration économique dont le patronat n’a plus autant besoin. La diminution de la population étrangère, est contrainte par le non-renouvellement d’autorisations de travail entraînant la perte du droit de résider en France. S’y ajoute un volet policier avec la loi Bonnet de janvier 1980 qui modifie substantiellement, pour la première fois, l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour permettre la détention puis l’expulsion de ceux dont le titre de séjour n’est pas renouvelé.

… Saut dans le temps, pour voir où ça en est aujourd’hui…

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ne change pas une logique qui vise déjà à opposer les « bons » immigrés - dont le patronat a besoin - aux candidats jugés indésirables. Même la loi du 17 juillet 1984 qui, en créant un titre unique de séjour et de travail pour 10 ans, automatiquement renouvelable, dissocié pour la première fois de l’occupation d’un emploi le droit pour tous les étrangers de résider en France, s’inscrit dans cette logique : aux uns, on parle d’« intégration » ; aux autres on oppose la fermeture des frontières.

Même le Parti communiste, qui avait pourtant été celui qui a le plus agi pour mettre en avant les intérêts communs des travailleurs français et immigrés, a finalement usé d’une démagogie certaine frisant la xénophobie. Après la crise du milieu des années 1970, sa propagande s’axait alors autour du slogan « Produisons français »... En 1979, le PCF prenait position pour l’arrêt de l’immigration. Ce fut aussi, en décembre 1980, l’affaire des « bulldozers de Vitry », où le maire PCF fit raser un foyer de travailleurs immigrés implanté sur sa commune. Il se justifia en invoquant la présence en surnombre, avec les problèmes que cela pose, de travailleurs immigrés sur les seules municipalités dirigées par le PCF...

Quelques années plus tard, au slogan du Parti communiste « produisons français » le Front National n’eut plus qu’à ajouter : « avec des Français »... Au début des années 1990, à la fête de L’Humanité, une pétition affirmait que « l’immigration était devenue un vrai problème » et qu’il ne fallait « pas fermer les yeux quand des immigrés sont dans le coup (d’affaires de) drogue, violence ou délinquance ».

Depuis, l’orientation générale des gouvernements de gauche comme de droite est restée la même, résumée par les propos du Premier ministre Rocard en 1990 : « Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde. Le temps de l’accueil de main d’œuvre étrangère (...) est donc désormais révolu. »
Ainsi l’idée des « charters », inaugurée par Pasqua en octobre 1986 avec l’expulsion collective de 101 Maliens, sera publiquement reprise par Édith Cresson, alors Premier ministre socialiste... bien avant que Sarkozy ne la remette au goût du jour en mai 2003.

De même pour les lois Pasqua-Debré de 1996-1997 qui transforment en « sans-papiers » des dizaines de milliers d’étrangers, parfois présents en France depuis de longues années et que les textes antérieurs autorisaient à y rester : de retour au gouvernement, la gauche refusera de les abroger et se contentera de régularisations au cas par cas, dans le cadre de la circulaire Chevènement de juin 1997.

Immigration et mouvement ouvrier

Ce n’est pas de la charité que de combattre pour des droits égaux pour les français et les immigrés. Au contraire. Défendre les droits des travailleurs immigrés, c’est se battre pour améliorer la situation d’une des composantes de la classe ouvrière, qui plus est de sa fraction la plus exploitée. C’est donc renforcer la CO dans son ensemble face au patronat. L’idée, aussi fausse que rétrograde, que l’on pourrait préserver nos conditions d’existence par une politique protectionniste à l’égard des autres travailleurs a fait la preuve de son inefficacité (comme j’ai tenté de le montrer).

C’est la conscience d’appartenir à une même classe sociale, ayant les même intérets fondamentaux, collectivement opposée aux exploiteurs qui seule permet d’engager les luttes qui améliorent le sort des peuples. Le pari de la bourgeoisie – favoriser l’immigration pour disposer d’une main d’œuvre pas chère, la réprimer pour maintenir ces travailleurs sous pression – sera paradoxalement la plus grande chance pour la classe ouvrière : en rapprochant ainsi les travailleurs de tous les pays, les patrons facilitent leur prise de conscience qu’ils sont une seule et même classe ouvrière, ainsi que leur organisation nécessaire au niveau internationale.

C’est dans les luttes contre le patronat que s’exprime la communauté d’intérêts des travailleurs de toutes origines. Il faut une politique consciente pour faire vivre le slogan : « Travailleurs français-immigrés, mêmes patrons, même combat ! » ainsi que l’objectif affirmé par les internationalistes du début du XXe siècle, d’agir dans les pays d’émigration.

La lutte pour l’égalité des droits entre Français et immigrés, et donc pour la régularisation de tous les sans-papiers, le retrait de la loi sarkozy et de toutes les entraves à la circulation des travailleurs immigrés et de leurs familles, la lutte pour l’égalité de fait des salaires entre français et étrangers, ces luttes sont des combats à part entière de toute la classe ouvrière, que tous les travailleurs devront mener.

Français, immigrés, une seule classe ouvrière !

Social-démocratie, Parti Communiste et immigration

Dans la France de l’après-guerre et face à la pénurie de main d’œuvre pour la reconstruction, les préoccupations de la CGT - sous la direction de Léon Jouhaux, liée à la SFIO - étaient loin de celles affirmées par la Deuxième internationale en 1907. C’était désormais au nom de la défense de ce qu’elle considérait comme les intérêts des travailleurs français que la CGT s’exprimait. Et si elle rejeta, malgré tout, les mesures restrictives concernant l’immigration, ce fut au nom de l’intérêt général du pays. À son congrès de 1925, la CGT affirmait : « Le Congrès, tout en jugeant nécessaires les mesures de protection pour la main d’œuvre française, déclare qu’il ne saurait être question pour le mouvement syndical de s’opposer à l’entrée en France d’une main d’œuvre qui, avant la guerre, était déjà indispensable pour faire face aux besoins de toutes les branches de l’activité industrielle du pays. » Et le Congrès approuva la décision de la direction confédérale de siéger au Conseil national de la main d’œuvre, organisme consultatif officiel. En 1938, Léon Jouhaux, dans une lettre au Président du conseil, Camille Chautemps, vantait les avantages de la main d’œuvre étrangère « par définition mobile et (pouvant) plus facilement que toute autre être ventilée partout où il est utile ». Et de réclamer l’unification de tous les services de main d’œuvre étrangère...

La CGTU - constituée à partir de syndicats et militants exclus de la CGT du fait de leurs liens avec le jeune Parti communiste - resta proche de préoccupations cherchant à unifier les travailleurs. Son troisième congrès d’août 1925, relevait : « (...) À différentes reprises, des incidents se sont produits à l’endroit des ouvriers étrangers, irresponsables des mauvaises conditions de travail qu’ils subissent et dont, par réciprocité, sont victimes tous les travailleurs, sans distinction de nationalités ». Mais elle poursuivait en réclamant la réglementation de la main d’œuvre étrangère (MOE) : « (...) Le marché du travail mondial est à la disposition du patronat international qui provoque la surabondance de main-d’œu¬vre sur tel ou tel point, où il prétend battre un prolétariat revendicatif. (...) La CGTU, en demandant la réglementation de la MOE, c’est-à-dire l’entrée de la quantité d’ouvriers nécessaire et justifiée au moyen d’un contrôle des syndicats ouvriers intéressés, prétend s’opposer à la manœu¬vre patronale. » Ce qui se voulait une réponse à des préoccupations bien réelles. Dans le Nord, par exemple, le patronat s’était opposé à la venue de travailleurs allemands, réputés organisés et combatifs, pour préférer faire venir des paysans polonais, jugés plus malléables et moins exigeants. Mais exercer un contrôle des organisations ouvrières pour faire pièce aux manœuvres patronales est une chose, réclamer de l’État, au service de ces mêmes capitalistes, une réglementation en est une autre...

Et après la Deuxième Guerre mondiale

La question s’est posée à nouveau au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, et la SFIO, participant à la plupart des gouvernements de l’après-guerre, reprit dans les années 1940 des positions semblables.
Français, immigrés, une seule classe ouvrière !

La dureté des conditions dans lesquelles les immigrés, avec ou sans papiers, essayent de survivre dans les pays où ils se sont expatriés - travaux les plus durs, conditions de logement impossibles, racisme ou xénophobie ambiants, chasse policière s’accompagnant d’humiliations en tout genre - font souvent s’interroger ceux qui se sont arrachés à leur milieu d’origine sur le bien fondé de leur choix. D’autant plus quand ils y sont parvenus après un parcours éprouvant, au péril de leur vie. Et il n’est pas rare, quand des travailleurs immigrés retournent en visite au pays, et qu’ils discutent avec ceux qui sont tentés de suivre leur exemple, qu’ils essayent de les en dissuader.

La plupart du temps en vain d’ailleurs : celui qui aspire à émigrer ne voit pas d’autre alternative à la misère ambiante, car elle met souvent aussi sa vie en péril et nécessite d’affronter des situations sans espoir. Et les émigrés passent encore pour des « chanceux », quoi qu’ils puissent en dire.

L’émigration est-elle une solution pour les travailleurs et les pauvres des pays sous-développés ? Ceux qui s’y sont engagés n’ont pas eu vraiment, au moment de la décision, la faculté de s’interroger en toute sérénité. Il n’y a de toute façon pas de réponse satisfaisante pour les émigrés prenant conscience des problèmes après-coup. La seule bonne réponse possible est une autre question : comment agir pour que personne n’ait plus à subir un tel sort ?
Il n’y a que la lutte collective. Sur deux fronts : d’une part pour améliorer leurs conditions d’existence sur la prétendue « terre d’accueil », le combat contre l’oppression spécifique avec les émigrés, mais aussi le combat général avec les travailleurs nés en France, contre leurs exploiteurs communs ; d’autre part contre la misère, la dictature et les guerres qui poussent les populations des pays pauvres, malgré les conditions inhumaines de l’émigration, à tenter quand même leur chance dans les pays riches.
Ce qui implique pour les émigrés qui en prennent conscience de contribuer d’une part à l’organisation des travailleurs dans le pays d’immigration et en même temps, autant que possible, à l’organisation des travailleurs et des pauvres dans leur pays d’origine, en utilisant les liens qu’ils ont gardés, ou ceux qu’ils ont la possibilité de renouer.

Aujourd’hui, parler d’ « impérialisme » peut paraître saugrenu à certains, puisqu’il n’y a plus guère de colonies dans le monde et qu’il semble bien loin le temps où les puissances occidentales (et japonaise) s’étaient partagées le monde par la force des armes, puis se l’étaient disputé les unes aux autres dans les guerres mondiales. À la rigueur, certains réserveraient volontiers le terme, aujourd’hui, aux seuls États-Unis, autrement appelés parfois « l’Empire » ! C’est lourdement se tromper sur ce qu’est l’impérialisme.

Du colonialisme à l’impérialisme actuel

À la fin du XIXe siècle, la force militaire permet aux grandes puissances d’achever le partage du monde. Chacune d’entre elles tend alors à se constituer des chasses gardées, constituées en fait de leur propre territoire national et de leurs colonies, largement fermées aux marchandises et aux capitaux des puissances rivales.

Mais l’impérialisme moderne, tel qu’il est analysé par les marxistes au début du XXe siècle, ne saurait se confondre avec le colonialisme, c’est-à-dire la tutelle officielle voire l’annexion pure et simple, l’occupation militaire, l’administration directe des colonies. Le colonialisme n’est qu’un des aspects de l’impérialisme, qui est en fait une véritable mutation du capitalisme. Le développement et la concentration des entreprises en trusts, leur fusion avec le capital bancaire et la constitution d’un puissant capital financier contrôlant des secteurs de plus en plus vastes de l’économie, débouchent sur une association de plus en plus étroite avec l’État. Celui-ci est à la fois soumis au pouvoir économique de ces trusts, et un instrument indispensable de leur épanouissement. Pas de survie des grands trusts et du capital financier sans un État capable de défendre politiquement, et militairement, leurs intérêts dans le monde entier. Pas d’exportation de marchandises et de capitaux, nécessaires à leur développement, sans un État capable de lutter à la fois contre les populations soumises à l’exploitation, et les puissances impérialistes rivales. C’est aussi vrai aujourd’hui qu’il y a un siècle.

Les puissances européennes ont dû peu à peu renoncer à leurs colonies. Encore que la France, pour sa part, ait d’abord mené des guerres coloniales faisant plus d’un million de morts camerounais, malgaches, vietnamiens ou algériens, puis ait tout fait pour conserver jusqu’à maintenant un « pré carré africain », en gardant le contrôle de certaines dictatures. Mais il existe bien encore un impérialisme français, lequel extorque sa part de profits au reste du monde. La bourgeoisie française est au nombre de celles dont les entreprises et les financiers contrôlent l’essentiel des richesses de la planète.

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