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Une loi inacceptable sur "l’autonomie" qui anticipe la suite

Analyse de la loi d’autonomie des universités par "Sauvons la recherche"

lundi 25 juin 2007, par JCR-RED

Le projet de loi "sur l’autonomie" est inacceptable. Il n’a fait l’objet que

de consultations de pure forme avec les syndicats. Il met en cause le cadre

national de l’enseignement supérieur, sans même de discussions sur ses

finalités.

1- La mise en cause d’un cadre national de la politique d’enseignement

supérieur

Contrairement aux propos rassurants qui avaient été tenus, le projet de

texte de loi ne porte pas que sur la "gouvernance des universités", mais sur

un chamboulement de l’enseignement supérieur. Au lieu de définir un cadre

national à l’autonomie, il conduit à un éclatement de

celui-ci.

(i) Pas de publication nationale des postes ouverts, désynchronisation des

calendriers des universités.

(ii) Officialisation et renforcement des diplômes d’établissement.

(iii) Contournement total de tous les statuts : "le président peut recruter,

sur les ressources propres, des agents contractuels pour occuper des emplois

permanents ou non" ; toutes les catégories sont concernées : administratifs,

ingénieurs, chercheurs ou enseignants chercheurs. (iv) Mise en place d’un

système de primes sans qu’on connaisse la justification et les procédures ;

on peut craindre qu’elles se substituent à la progression (déjà très

insuffisante) des carrières statutaires.

2- Une autonomie déresponsabilisante et uniforme

 Le CA des universités comportera 20 membres : 13 élus (8 EC, 2 IATOS, 3

étudiants) et 7 nommés. Si on veut des universités autonomes et responsables

de leur avenir, cela suppose des débats et des choix difficiles. Ces choix

ne doivent pas être faits par des nommés qui, quelles que soient leurs

qualités, n’auront ni le même engagement que les élus, ni à subir les

conséquences de leurs votes. Avec des élections à la proportionnelle (ce qui

est bien car on vote sur une orientation), ce sont les 7 nommés qui

décideront souvent de la majorité. S’il est normal que les instances

consultatives comme le CS soient largement ouvertes sur l’extérieur, la

proportion de nommés au CA ne devrait pas excéder 25 %.

 Au lieu de créer les conditions d’un travail d’équipe par une désignation

collective des nommés, cette nomination se fera désormais par le seul

président. Toute l’expérience qu’on peut avoir des nommés, est que ceux-ci

ont un réflexe "légitimiste" par rapport à celui qui

les a désigné, surtout pour des sujets qu’ils connaissent mal ou sur

lesquels ils sont partagés. Autant dire que le président élu, la démocratie

sera très relative, ce d’autant que le rôle du CS est amoindri. Ce sont les

élus au CA qui doivent désigner les nommés.

 Malgré la diversité des universités, au moins par leur taille, il est

proposé un modèle unique et contraignant, applicable à toutes les

universités. 8 élus enseignants ne suffiront pas pour représenter au CA tous

les groupes de disciplines dans les grosses universités. Mais compte tenu du

grand rôle du CA, y compris dans le recrutement, toutes voudront l’être.

C’est cet enjeu qui dominera les élections et malheureusement pas la

politique future de l’université. Il faut laisser aux universités une marge

d’appréciation dans la composition de leurs instances.

3- Un sabotage de la qualité du recrutement

Problème central : les Commissions de spécialistes sont remplacées par des

commissions ad hoc, toutes désignées par le cénacle des 8 élus enseignants.

De la folie ! Au mieux, il n’y aura aucun spécialiste d’une discipline dans

ce cénacle pour proposer la commission de recrutement de cette discipline :

celle-ci sera nommée à l’aveuglette ou en sous-main. Au pire, il y en aura

un et il fera seul la loi, avec toutes les conséquences sur le pluralisme

idéologique des disciplines. Circonstance aggravante, le président est

déclaré infaillible, puisqu’il a droit de veto sur le choix de recrutement.

Le recrutement est l’acte le plus important que fait une université. Il faut

s’opposer à ce sabotage de la qualité du recrutement, sans pour autant

revenir au statu quo, trop souvent marqué par l’endogamie (et dans quelques

cas par la règle aussi stupide de l’exogamie

systématique). Il nous faut proposer, avec d’autres, des Commissions de

spécialistes qui pourraient être inter régionales (donc atténuant le

localisme) tout en restant proche du terrain.

4- Un texte "sarko-compatible" pour la suite du programme de réforme du

système de recherche

Ce n’est pas faire un procès d’intention que de regarder en quoi ce texte

laisse ouverts pour le futur les pires aspects du programme de Sarkozy, tout

en les masquant aujourd’hui. Ainsi, pour la recherche, il est étrangement

fait état de "chercheur nommé dans une université" ce qui n’a actuellement

aucun sens, ou encore classe "des chercheurs des organismes" dans la liste

des enseignants. Il est à craindre que cette indétermination préfigure

l’annexion par les universités de toutes les UMR. Plus généralement, la

possibilité des universités de faire une politique de recherche en

partenariat avec les organismes, comme l’indispensable lien

enseignement-recherche n’auraient aucun sens si les laboratoires venaient

plus encore à dépendre de l’ANR. Or de cela, il n’a pas été possible de

discuter.

Contrairement aux négociations avec l’UNEF, renvoyant à plus tard la

discussion sur l’orientation, la loi laisse la possibilité d’une sélection,

et non d’une orientation à l’entrée des masters.

Enfin, il est bien beau de faire don des bâtiments aux universités (qui

peuvent les revendre). Mais les universités n’ayant pas un sou, qui paye les

rénovations et l’entretien ? qui en a la responsabilité ? Le mécénat, à

l’exemple de l’Oréal, créant une chaire au Collège de France (parce qu’il le

vaut bien) ? Ce mécénat ne sera ni suffisant, ni surtout sans conditions

partout.

Ces trois exemples montrent que la discussion sur les finalités du système

d’enseignement supérieur et de la recherche, ses structures, ses modes de

financement devaient précéder la loi sur l’autonomie. Il faut demander un

moratoire et qu’il y ait, en lieu et place du vote de la loi, un débat au

Parlement sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Dans l’immédiat, il nous faut préparer dans chaque centre la journée du 2

juillet, obtenir la réunion et des prises de position des CA et CS des

universités et faire connaître projet de loi à tous nos collègues.

Henri Audier, membre du CA de Sauvons la recherche

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