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Front Unique Ouvrier : Marcher séparément, frapper ensemble !
vendredi 6 juillet 2007, par
Les révolutionnaires ne cherchent pas
le pouvoir pour leur intérêt, comme
le font les politiciens de droite et de
gauche. En revanche, nous prétendons au
pouvoir réellement démocratique, c’est-àdire
exercé par la majorité de la population.
Nous savons que les dirigeants d’organisations
réformistes ne partagent pas ce but.
Pourtant, nous nous allions souvent à eux
dans des luttes. C’est ce que nous appelons
faire le front unique.
L’unité de notre camp social
Au début du 20ème siècle, révolutionnaires
(communistes) et réformistes (socialistes)
se séparent. Les seconds ont trahi les
ouvriers à plusieurs reprises, notamment
en participant à la première guerre mondiale
ou en s’opposant aux révolutions
en Russie, en Allemagne. Pourtant, l’Internationale
communiste utilise le front
unique comme une tactique. Plus tard,
Léon Trotski systématise cette pratique
face à la montée du fascisme en Europe.
Elle se résume par la formule « marcher
séparément, frapper ensemble. » Il s’agit
d’unir autour d’un objectif commun toutes
les organisations politiques et syndicales
liées au mouvement social.
Le front unique se fait en toute indépendance
vis-à-vis de la classe dominante.
Le front unique n’est pas le « front populaire
» qui comprend dans ses rangs des
organisations bourgeoises telles que le
Parti Radical. Le « front populaire » vise
à freiner les mobilisations sociales pour
maintenir l’ordre social. C’est ce qui s’est
passé en France et dans l’État espagnol
notamment. Cela a permis à la classe
dominante de reprendre ses forces et d’attaquer
les ouvriers, par exemple avec la
guerre d’Espagne.
Au contraire, le Parti Communiste allemand
des années 30, refusait de s’allier
aux sociaux démocrates et a soutenu le
parti nazi (lors du référendum contre un
gouvernement social-démocrate), l’aidant
donc a prendre le pouvoir. Les Nazis ont
pu écraser les organisations ouvrières, y
compris le PC qui a été le premier parti à
être rendu illégal.
Le sectarisme comme le front populaire
ont eu des conséquences tragiques sur
les peuples, puisque l’un comme l’autre
ont permis au fascisme de s’imposer. Les
directions réformistes (socialistes et staliniennes)
se sont prêtées à ce jeu pour
sauver l’ordre et les avantages de leurs
dirigeants.
Dépasser les directions réformistes
Nous ne faisons aucune confiance aux
dirigeants réformistes. Pourtant, le front
unique implique l’unité de la base au
sommet, c’est-à-dire que les directions
des organisations, réformistes et révolutionnaires,
se concertent pour élaborer
des ripostes face aux licenciements, aux
attaques contre les libertés démocratiques,
etc.
L’unité existe aussi à la base avec des
comités unitaires, par exemple dans les
facs, les entreprises. Ces comités organisent
le mouvement au début. Ils convoquent
des assemblées générales, appellent
à des manifestations, assument les tâches
nécessaires (ravitaillement, service d’ordre).
Le but est que les jeunes et les salariés
contrôlent les lieux ou ils vivent et travaillent
sans avoir besoin des patrons ou
de l’État.
L’année
dernière,
les comités
Stop
CPE réunissaient
les organisations
de jeunesse
qui
luttaient
contre le
Contrat
première
embauche. Ils
organisaient les tractages, les manifestations
et étaient au début la direction du
mouvement. Le but de cette tactique n’est
pas l’unité pour le plaisir. Le but est d’entraîner
la mobilisation de tous les salariés
et tous les jeunes dans la rue, y compris
ceux qui sont influencés par les directions
réformistes (PS, PCF, CGT, CFDT, UNEF,
etc.) et de massifier le mouvement pour
le pousser le plus loin possible.
Il est plus facile de pousser
à la grève générale avec
2 000 000 de grévistes dans
la rue qu’avec 300 JCR. Mais
il s’agit aussi pour nous, en
tant que révolutionnaires, de
montrer les incohérences,
les faiblesses des dirigeants
réformistes à l’ensemble des
jeunes et des travailleurs,
dans l’action et la pratique.
Les jeunes et les travailleurs
voient par eux-mêmes que
les directions traditionnelles
et réformistes du mouvement
social ne sont pas
à la hauteur de la situation
et du mouvement de masse
qui se développe.
Par exemple, comme il
y avait l’unité pendant le
CPE et donc beaucoup de
gens dans la rue, y compris des
gens mobilisés par l’UNEF, les
manifs étaient de plus en plus
grosses et les gens voulaient
aller de plus en plus loin, ce
qui obligeait les directions syndicales
à continuer à mobiliser
les gens. La mise en place d’AG
et de coordinations nationales
ont fait perdre la direction à
l’UNEF et aux autres organisations
liées au PS.
Si le mouvement était allé plus
loin, malgré ce que voulaient
les directions syndicales, elles
auraient pu perdre totalement
le contrôle. La direction serait
passé sous la direction des étudiants,
voire des salariés. C’est
le but des organisations révolutionnaires.
C’est un peu ce qui s’est passé lorsque le
mouvement s’est donné pour objectif dans
les facs, non seulement le retrait du CPE,
mais aussi le retrait de la loi « égalité des
chances ». Lorsque l’unité des jeunes et
des travailleurs est faite, il est possible
pour les révolutionnaires de mener les
batailles contre les réformistes et de pousser
plus loin les revendications. Il peut être
nécessaire de
rompre le
front unique
pour
ne pas se
mettre à
la remorque
des
directions
réformistes
qui
jouent un
rôle de
frein. Ces
directions se
coupent des masses qui, elles, continuent
la lutte, grâce a l’impulsion donnée à la
base.
Faire gagner nos luttes et prendre conscience de nos forces
Le front unique a aussi le rôle d’inverser
le rapport de force entre les classes et
de faire que les jeunes et les travailleurs
prennent confiance en leurs propres forces.
Cela se fait notamment au travers
des mobilisations, quand les travailleurs
se rendent compte du fait que sans eux
la société ne marche pas, qu’ils ont les
mêmes intérêts et qu’ils peuvent faire
reculer un gouvernement sans en passer
par des négociations avec le patronat ou
la victoire de la gauche
aux élections. C’est
à ce moment que les
révolutionnaires sont
le plus entendus, car
leur discours est lié à
la réalité.
Le dernier but du
front unique est de
permettre aux révolutionnaires
de gagner
largement à leurs idées.
Dans un mouvement,
on apprend bien mieux
que dans des livres. Les révolutionnaires
ne se comportent pas comme des « professeurs
rouges » voulant inculquer leur
science aux masses. Mais les expériences
du passé et nos connaissances théoriques
peuvent aider le mouvement à se doter
d’organes démocratiques, de directions
où les anti-capitalistes (membres ou non
d’organisations) seront majoritaires.
Pour faire cela, et même pour impulser
des luttes, il n’est pas toujours possible
de faire le front unique. Les courants
réformistes peuvent devenir des obstacles.
En novembre 2005, pendant la révolte des
banlieues, l’état d’urgence a été mis en
place (y compris par le PS et le PCF). Une
mobilisation s’est développée sans l’aide
du PS et surtout avec des gens révoltés,
des associations. Le front unique ne fut
donc pas ici appliqué de façon stricte.
La LCR et les JCR étaient quasiment les
seules organisations politiques à dénoncer
cette loi. Cela n’en rendait pas moins
légitime la mobilisation. Les jeunes qui se
mobilisent en ce moment contre le programme
antisocial de Sarkozy sont isolés
des grands partis et syndicats de gauche,
mais il est légitime de se bouger. Le front
unique est un moyen pour entraîner la
population vers un changement radical
de société et non pas une unité a tout
prix avec des courants qui peuvent freiner,
voire empêcher la révolution, y compris en
s’appuyant sur l’appareil d’État.
Pourtant, nous savons que pour en finir
avec Sarkozy et sa politique, un mouvement
d’ensemble de la jeunesse et des
salariés sera nécessaire. Il faut dès maintenant
jeter les bases des futures luttes
en interpellant largement les réformistes,
en leur mettant la pression pour qu’ils se
bougent. Ce n’est que comme cela que
nous battrons la classe dominante et ses
serviteurs, la droit au pouvoir et la gauche
de pseudo opposition.
Louis, [Toulouse]