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Droite - extrême droite

Les liaisons dangereuses...

dimanche 24 décembre 2006, par RED

Un peu d’arithmétique... Les élections régionales de mars 98 ont bouleversé le champ politique français. Elles traduisent un accroisse¬ment certain de la crise de la représentation poli¬tique avec un taux d’abstention en progression : 42 %, il y a donc aujourd’hui une fraction grandissante de la population qui éprouve un réel rejet de la démocratie parlementaire. De ce fait, les résultats de la gauche "plurielle" combinés à ceux de la "droite classique" représentent 65 % des suffrages ce qui n’équivaut en fait qu’à un tiers des électeurs. La gauche qui était majoritaire aux élections législatives de juin 97 recueille aujourd’hui 36 % des suffrages exprimés ce qui montre un net début de méfiance de l’électorat face à la politique de la coalition gouvernementale. La droite a obtenu 28 % des suffrages contre 34 % en juin 97 et elle n’en finit pas d’être discréditée par sa tentative avortée pour durcir ses attaques contre les salariés après la dissolution de l’ as¬semblée nationale par Chirac. Par contre le Front National consolide ses positions avec plus de 15 % des voix et le nombre de ses représentants dans les conseils régionaux augmente, passant de 239 en 1992 à 275 en 1998. Sa montée en puis¬sance peut sembler irrésistible.

Il a d’ores et déjà réussi à se situer au centre de la vie politique française. Si rien n’est mis en place pour le faire reculer, il est clair qu’il parviendra à ses fins : le pouvoir. Or on voit déjà ses effets dévastateurs dans les municipalités qu’il dirige : Toulon, Orange, Marignane et Vitrolles. Il s’efforce également par voie de contamination dans les syndicats, aux prud’hommes, dans les associations de locataires ou de parents d’élèves de diffuser son idéologie raciste, sexiste, homo¬phobe et antisociale.

C’est dans un tel contexte que dans 5 régions où la gauche détient une majorité relative, la droite et le Front National passent un accord pour per¬mettre à la droite d’obtenir la présidence. Ces alliances ont été négociées auparavant selon 3 axes : la fiscalité, la formation professionnelle et la sécurité. Ainsi, Blanc en Languedoc-Roussillon, Baur en Picardie, Millon en Rhône-Alpes, Harang dans le Centre et Soisson en Bourgogne ont provoqué une véritable crise poli¬o tique et accéléré le processus de décomposition de la droite.

Une alliance qui vient de loin.
Ce pacte se pro¬filait depuis longtemps : En effet, depuis les premiers succès électoraux du FN, une partie de la droite pensait déjà à une alliance avec l’extrême-droite, ou tout du moins il existait une volonté de capter l’électorat du parti de Le Pen. Dans un pre¬mier temps, Chirac, Balladur, Pasqua et les autres ont repris les thèmes chers au FN sur l’immigration, en adoptant les lois Pasqua-Debré relatives à l’entrée et au séjour des immigrés. Ils ont mené une politique sécuritaire, autoritaire et raciste en pensant récupérer une partie des électeurs de droite radicalisés qui se tournaient vers le Front National. Dans un deuxième temps, en acceptant les voix des représentants de l’extrême-droite, la droite à pour partie montré une radicalisation de ses positions (on aurait tort de croire que c’est la seule perspective de rouler en Safrane qui motive les présidents de régions).

Cette alliance qui pourrait apparaître comme une simple tactique de la droite, rentre en fait dans la stratégie de Mégret. Ce dernier n’entend pas ser¬vir de béquille à une droite en crise mais cherche avant tout à faire exploser le camp conservateur afin de le recomposer à ses conditions. Le jeu des alliances entre la droite et l’extrême-droite affir¬me la légitimation du FN et lui confère la respec¬tabilité qui lui manquait pour se placer comme une force incontournable et comme un parti de gouvernement. La droite est complètement ato¬misée, ses leaders se déchirent quant à la ligne àadopter : création de l’Alliance, rupture de Démocratie Libérale avec l’UDF, naissance de La Droite derrière Millon, liste commune De Villiers-Pasqua aux prochaines européennes. Nombreux sont les politiciens qui, comme Millon, voudraient créer une seule formation de droite, FN inclus, à l’instar du Parti Conservateur britannique ou du Parti Populaire espagnol. D’autres refusent pour l’instant cette stratégie mais risquent d’évoluer après une nouvelle défai¬te électorale. La droite toutes tendances confon¬dues, va de surenchère en surenchère pour tenter de stopper l’hémorragie, et ce dans tous les domaines (économie, social, ordre moral...). La proposition de Balladur de mettre sur pied une commission, englobant le FN, chargée de discu¬ter de la préférence nationale, en dit long sur le degré de compromission de la droite. D’autres encore, une partie des centristes et des démo¬crates chrétiens derrière Bayrou ou De Robien, pourraient être disposés à une alliance future avec le Parti socialiste à la condition sine qua non d’un infléchissement à droite de la politique de ce parti et qu’il décide de se défaire de ses partenaires. communistes et écologistes.

Contre le front républicain, pour un front uni de la gauche.
Il faut se mettre une fois pour toutes dans la tête que le Front National n’est pas un mouvement comme les autres, il a pour ambi¬tion, tout comme ses ancêtres italien ou allemand, de liquider l’ensemble du mouvement ouvrier, l’ensemble de la gauche et d’éliminer toute forme de démocratie politique et de contestation indivi¬duelle ou collective. C’est donc une question de survie, en ayant cela dans l’esprit, la question de la riposte s’éclaircit et il est alors évident que la politique de la gauche gouvernementale ne répond en rien à la gravité de la situation.

Ce n’est pas en nouant des alliances contre natu¬re et de circonstance avec la droite dite républi¬caine que l’on fera reculer Le Pen. En effet le FN et la droite défendent les mêmes intérêts, ceux des patrons et de la classe dominante, il faut alors opposer à cette unité de défense des possédants l’unité des travailleurs, des femmes, des jeunes, des immigrés et de leurs organisations. On ne peut manifester aux côtés des ennemis des immi¬grés, on ne peut s’allier aux partis de droite pour combattre le racisme et le fascisme. En laissant croire qu’il peut exister une communauté d’inté¬rêts entre "républicains" des deux côté de l’échi¬quier politique, on nie les antagonismes sociaux qui traversent la société et on conforte l’influence lepéniste. Les chefs de l’extrême-droite française se font d’ailleurs un malin plaisir à se présenter comme la seule alternative à la droite, à la gauche et au système. Mais alors que faire ? Ce qu’il faut, c’est une vigilance de tous les instants, en faisant vivre ou en initiant les structures unitaires, quels que soient leur nom ou leur mode de fonctionne¬ment, que ce soient des comités de vigilance ou des collectifs unitaires anti-FN. Il est plus que jamais nécessaire de construire un mouvement antifasciste de masse regroupant en son sein toute la gauche politique, syndicale et associative. On peut marcher séparément, mais on doit frapper ensemble. Il faut exiger la démission des prési¬dents de régions élus avec les voix fascistes, il faut exiger que se soit la gauche qui détient la majorité relative qui prenne la tête des exécutifs régionaux.

Contre la droite et le FN, imposons une poli¬tique à gauche vraiment. La lutte contre le fascisme passe nécessairement par l’éradication des causes des succès de Le Pen, il faut en finir une fois pour toutes avec le chômage et la détresse sociale. Il faut créer les conditions, avec l’aide du mouvement social, pour imposer une autre logique : la satisfaction des besoins de tous. Cela passe, bien évidement, par l’obtention de nou¬veaux droits politiques et sociaux tels qu’une réforme radicale des modes de scrutins électo¬raux, par la proportionnelle intégrale, l’égalité des droits entre français et immigrés et en pre¬mier lieu le droit de vote pour les immigrés à toutes les élections, l’abrogation des lois Pasqua¬-Debré-Chevénement, la régularisation de tous les sans-papiers.
Malheureusement, la gauche "plurielle" va de dérobades en dérobades, restant sourde aux revendications du mouvement social (comme l’a montré, cet hiver, l’attitude du tandem Jospin-¬Aubry devant la colère des sans-emploi et des précaires) quand elle ne reprend pas à son comp¬te la politique raciste et d’exclusion de ses prédé¬cesseurs. Il est donc urgent de développer une alternative politique radicale et anti-libérale à l’orientation sociale-libérale mise en oeuvre par l’équipe Jospin. Traduire politiquement les mobi¬lisations sociales de ces dernières années dans cette perspective, reste l’élément décisif du com¬bat contre l’extrême-droite. Sans une rupture avec la politique actuelle et avec la désespérance sociale de millions de chômeurs, de RMIstes et d’autres travailleurs précaires, rien n’arrêtera le parti de Le Pen dans sa marche vers le pouvoir. Il y a urgence à redonner espoir !

Alain [Nancy]

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