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L’arme des travailleurs, c’est la grève !
mercredi 26 septembre 2007, par
En 1791, au nom de la « liberté
d’entreprendre », la Révolution
française interdit les grèves et
les syndicats. Déjà, c’est au
nom de la « liberté » des plus
riches que l’on restreint celle des autres.
Un droit contesté par les républicains
La classe ouvrière française est, alors,
peu nombreuse. Elle n’est pas concentrée
dans des grandes usines et n’est pas consciente
d’elle-même. Au fur et à mesure du
développement de l’industrie, dès le début
du 19ème siècle, elle se renforce. Les travailleurs
ruraux qui allaient s’installer en
ville pendant l’hiver, et qui n’étaient donc
que des ouvriers temporaires, s’installent
définitivement. Ceux qui travaillaient à
domicile pour les industries sont désormais
réunis dans des manufactures et des
usines. L’usine est un moyen de contrôler
le travail des ouvriers pour les patrons.
Mais c’est aussi un moyen de se rencontrer
pour les ouvriers.
Des révoltes ouvrières avec cessation
du travail existent dès le début du siècle.
Mais un événement clé est la double
révolte des Canuts, en 1831 puis en 1834.
Les Canuts sont les ouvriers de la soie à
Lyon. Leur première révolte se fait contre
la baisse des salaires. La grève ouvrière
débouche sur une révolte politique : les
Canuts prennent les armureries, puis se
rendent maîtres de la ville. Une armée
de 20 000 hommes est alors envoyée. Le
gouvernement annule les accords concernant
les salaires. Techniquement, la
grève a échoué. Mais des sociétés secrètes
républicaines (on est revenu sous la
monarchie depuis 1815) se créent. On
voit également apparaître des sociétés
ouvrières de « secours mutuel », sortes
de mutuelles gérées par les ouvriers euxmêmes
et légales.
Ces organisations sont à l’origine de
l’insurrection de 1834. Le patronat veut
de nouveau baisser les salaires, tandis
que la Chambre des pairs adopte une loi
réprimant les sociétés républicaines. Des
grèves ont lieu, dont les meneurs sont
traduits en justice. L’insurrection éclate et
dure six jours. Les ouvriers prennent plusieurs
quartiers et faubourgs. La répression
est féroce contre eux : 100 à 200
morts, plus de 600 victimes, 10 000 arrestations
donnant lieu à des déportations ou
à de lourdes peines de prison…
Mais cette révolte donne à réfléchir à
l’ensemble du mouvement ouvrier. Elle
prouve que l’arme de la grève peut répondre
aux questions des conditions de travail,
mais aussi aux questions politiques,
à condition que les ouvriers soient prêts
et organisés.
Le développement du mouvement ouvrier
En février 1848, la révolution éclate à
Paris. Le roi Louis-Philippe est chassé,
la Deuxième République est proclamée.
Cette fois, les ouvriers parisiens ont joué
un rôle central. Deux gouvernements
se mettent en place : un gouvernement
républicain modéré et un gouvernement
ouvrier et socialiste. La bourgeoisie convainc
le second de s’auto-dissoudre et
intègre deux de ses membres au gouvernement.
Pour lutter contre le chômage,
le gouvernement crée les « ateliers nationaux
» : les ouvriers peuvent y travailler et
recevoir un salaire, quoi qu’il arrive. Mais
ces foyers coûtent cher et sont des lieux
de politisation. Dès juin, ils sont fermés.
Les ouvriers cessent alors le travail et se
révoltent. La répression fait entre 1 500 et
12 000 morts.
En 1850, Louis-Napoléon Bonaparte est
élu président de la république. Il devient
Napoléon III un an plus tard. Sa politique
est féroce contre les grèves qui
se multiplient aux quatre coins de la
France. L’armée est envoyée systématiquement.
Mais les organisations ouvrières,
républicaines radicales, démocrates
ou socialistes se multiplient. Les sociétés
ouvrières de secours mutuel contestent
le pouvoir patronal. En 1864, la Première
Internationale ouvrière se crée, c’est l’Association
Internationale des Travailleurs
(AIT). C’est aussi le tournant « libéral » du
Second Empire. Pour éviter les révoltes,
et parce que les grèves explosent, la loi
Ollivier légalise les associations ouvrières
et instaure le droit de grève. Ce droit a
donc été gagné par les travailleurs, il n’a
pas été concédé par en haut, il n’est en rien
un acquis démocratique « républicain ».
Un droit toujours d’actualité
Depuis, la classe ouvrière a fait et fait
usage de cet acquis. Grèves locales, dans
une usine, grèves d’entreprise, sur tout le
territoire, grèves sectorielles, comme celles
des cheminots, grèves internationales,
grèves défensives ou offensives, sont à
l’origine de tous nos acquis.
La France a connu deux grèves générales
: en 1936, ce sont 2 millions d’ouvriers
qui cessent le travail et occupent leurs
usines. C’est de là que viennent les 40
heures, la généralisation des conventions
collectives et les congés payés. En 1968,
9 millions d’ouvriers sont en grève. Ils
chassent le gouvernement, le président de
Gaulle doit fuir en Allemagne. Les mouvements
réformistes, sociaux-démocrates ou
staliniens, ont, dans ces deux cas, sauvé
la bourgeoisie en arrêtant la grève avant
qu’elle n’aille trop loin. Ce sont eux qui,
aujourd’hui, ne font rien contre le service
minimum ou pour les régimes spéciaux.
Alors que le gouvernement rêve d’en
revenir au 19ème siècle pour ce qui est du
code du travail et de la sécu, il s’en prend
au plus important de nos acquis. Mais
nous savons que la seule arme des travailleurs
restera la grève, et nous saurons
nous en servir !
JB, [Nanterre]