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Un nouveau parti pour se représenter soi-màªme !
Interview d’Olivier BESANCENOT
jeudi 27 septembre 2007, par
RED : Pourquoi un nouveau parti ?
Olivier : Nous savons que les luttes ne
suffisent pas : elles sont orphelines d’un
débouché politique. Cette résistance politique,
cela pourrait être ce nouveau parti, anticapitaliste,
radical, internationaliste, féministe,
écologiste, qui veut révolutionner la
société, qui veut toujours changer de société,
et pas seulement améliorer la société.
Concrètement, ce nouveau parti pourrait
être un regroupement qui ressemble
à la majorité de la population exploitée
et opprimée, un regroupement collectif
d’individus, de personnalités anonymes
qui décident enfin de faire entendre leurs
propres voix : faire enfin entendre la voix
de la réalité quotidienne telle qu’elle est
vécue par des millions de personnes, mais
aussi la voix de ceux et de celles qui
ne se résignent pas à cette réalité-là.
L’objectif est que, face au vide sidéral qui
existe aujourd’hui à gauche, et en dehors
des bancs de l’Assemblée nationale, nous
soyons capables de faire émerger un adversaire
de taille, enfin capable de tenir tête à
la droite pour que, contrairement aux cinq
dernières années, toutes leurs attaques ne
rentrent pas comme dans du beurre.
RED : Pourquoi maintenant ?
Olivier : Parce que nous sommes de
plus en plus nombreux à penser que c’est
le moment. C’est un constat que l’on fait,
tous et toutes, depuis plusieurs années :
il existe une partie de la population et du
monde du travail, minoritaire soit mais
combative et radicale - des ouvriers,
des jeunes, des salariés, des femmes, des
immigrés, des jeunes de quartier - qui
n’a pas envie de se laisser faire. C’est ce
même constat que nous avons fait dans
les manifestations avec les militants des
autres organisations politiques, à commencer
par ceux du parti communiste,
des militants dévoués dans les luttes mais
désarçonnés par l’orientation de leur parti,
des militants du mouvement social, des
altermondialistes, des syndicalistes, ceux
d’autres organisations révolutionnaires,
qui pensent qu’ensemble nous pourrions
aller plus loin. A travers de nombreuses
échéances, la LCR est devenue de plus en
plus visible et de plus en plus utile pour
devenir un point de référence. Pas « le »
point de référence, mais un point de référence...
Il existe, autour de nous, un milieu
qui ne partage pas l’entièreté de ce qu’est
la LCR, ou de ce qu’elle a été. Mais qui
pense, sur la base de ce que nous disons
et de ce que nous faisons, que l’on pourrait
faire un petit bout de chemin ensemble.
RED : Quels liens entre ce nouveau parti et les luttes sociales ?
Olivier : On veut tenter de faire un
nouveau parti parce que les luttes en ont
besoin. Les luttes ont besoin d’un point
de ralliement. Elles ont besoin de plus de
mémoire pour tirer tous les enseignements
du passé, des luttes les plus récentes aux
luttes les plus anciennes. La mémoire des
luttes de Juin 1936. La mémoire fraîche des
luttes de 2003 : on n’est pas passé si loin
que cela de la généralisation de la grève.
On se souvient qu’il y avait alors un courant
de masse qui militait concrètement
pour étendre la grève générale, dans les
collectifs interprofessionnels qui ont vu le
jour pendant la grève, à l’issue de la grève
et dont on aurait eu tellement besoin dès
le début de la grève ! Avoir la mémoire des
luttes, c’est comprendre que ce sont peutêtre
de tels collectifs qu’il faut réanimer,
pour les luttes à venir.
Il s’agit de faire comprendre à la majorité
de la population, aux exploités et
aux opprimés, qu’ils peuvent non seulement
changer la société mais aussi qu’ils
pourraient même organiser la société différemment.
Mais à une condition : que
notre militantisme n’apparaisse pas qu’au
moment des explosions sociales. Les luttes,
il faut les préparer et, après - qu’elles
aient été victorieuses ou non - en tirer
toutes les conséquences, pour ne pas
refaire les mêmes erreurs. Il faut un militantisme
durable, permanent : c’est cela
qui permettra de convaincre un maximum
d’exploités et d’opprimés à la fois que l’on
n’est pas seul et que l’on n’est pas rien.
Se débarrasser de sa propre oppression,
c’est comprendre qu’il faut se débarrasser
de toutes les oppressions, qu’elles soient
racistes, sexistes ou homophobes.
RED : Ce nouveau parti, en quoi serait-il different des autres partis ?
Olivier : Notre objectif est de construire
un parti qui donnera la parole à ceux qui
ne l’ont jamais, qui rendra visibles tous
ceux qui sont invisibles. Ceux-là ne courent
pas après des postes dans les institutions,
mais après leur propre émancipation, leur
liberté. Ce sont ceux-là et celles-là qu’il
faut regrouper autour d’un point de ralliement,
de résistance, par et pour les
classes populaires, les classes laborieuses,
la jeunesse et plus généralement tous ceux
et toutes celles qui veulent en être, qui
veulent être aux avant-postes de la résistance
contre le capitalisme. Ce bastion de
la résistance, ce nouveau parti n’est pas
un parti qui cherche à témoigner, mais un
parti qui, dans les luttes, cherche à peser
sur le cours des choses, à agir et, donc, à
militer. Et, pour cela, il faut un parti de
militants. Pas un parti d’adhérents passifs,
où l’on adhère en cliquant sur Internet et
en donnant de l’argent de temps en temps.
Parce que cela, c’est déléguer sa propre
représentation à d’autres qui vont jouir de
ce privilège dans le parti, qui vont cumuler
les mandats, qui ne vont pas retourner
au boulot. Du coup, cela ressemblera aux
bureaucraties que l’on connaît dans les
partis institutionnels et qui, elles-mêmes,
ressemblent à s’y méprendre à ce que
l’on voit à l’Assemblée nationale. Notre
nouveau parti doit être à l’image et aux
couleurs de la majorité de la société.
Se représenter soi-même : pour moi,
c’est la clé de la reconstruction et de
la possibilité de construire concrètement
un nouveau parti anticapitaliste. C’est le
constat que l’on fait les uns et les autres :
les anonymes du quotidien, ces inconnus
qui en ont ras le bol d’être exploités, que
l’on croise dans les transports, quand on
fait nos courses, au boulot, avec lesquels
ont discute et dont on crèverait d’envie que
ceux-là et celles-là fassent enfin irruption
sur la scène politique.
RED : Quelles pistes de discussion voudrais-tu lancer pour ce nouveau parti ?
Olivier : Cet appel pour un nouveau
parti est aussi une question : est-ce que,
comme nous, vous pensez que l’heure
est venue de construire un parti internationaliste,
un parti indépendant, un parti
anticapitaliste, un parti qui veut toujours
révolutionner la société ?
Internationaliste et, donc, également antiraciste.
Internationaliste au sens où l’envisageait
Che Guevara, c’est-à-dire capable de
ressentir de l’angoisse quand on assassine
un peuple quelque part dans le monde, ou
qu’on le laisse crever, comme c’est le cas
aujourd’hui au Darfour, en Palestine ou
en Irak. Capable de ressentir de l’angoisse
mais, aussi, de l’espoir quand se dresse le
drapeau de la liberté, comme cela commence
à être le cas en Amérique Latine.
Indépendant vis-à-vis du pouvoir, avec
une défiance quasi-libertaire vis-à-vis des
institutions. Sur la question du pouvoir,
la gauche se divise entre ceux qui l’appréhendent
comme un moyen de changer
la société et ceux qui l’envisagent pour
se résigner à la société telle qu’elle est.
Prendre le pouvoir n’est pas une question
taboue, à la condition que la population
puisse se le partager et à la condition que
les partis de la gauche anticapitaliste, en
croyant prendre le pouvoir, ne soient pas
pris par le pouvoir.
Anticapitaliste, et pas seulement antilibéral.
Car il ne s’agit pas seulement
de résister à la mondialisation capitaliste
actuelle. Il s’agit de proposer des solutions
alternatives permettant de financer les
mesures d’urgence que nous préconisons :
salaires, protection sociale, logements
sociaux, emplois. Cela implique de poser
la question cruciale de la répartition des
richesses et de leur contrôle par tous. C’est
une question sociale ; mais c’est aussi une
question démocratique : qui décide ? Dans
l’économie de marché, une minorité de privilégiés
décide pour tout le monde, dans le
dos de tout le monde et sans le contrôle de
personne. Nous, nous pensons que dans
les entreprises, les quartiers, les villes,
c’est la population elle-même qui est la
mieux à même de déterminer ses propres
besoins et les moyens de les satisfaire.
Un parti qui veut révolutionner la société
? Il s’agit de regrouper tous ceux et toutes
celles qui pensent qu’une autre société
que le capitalisme est possible, sans pour
autant avoir des réponses achevées sur
tous les sujets et en tirant le bilan des
révolutions passées. Il s’agit, avec tous
ceux qui y sont prêts, de refonder et de
réinventer le socialisme du XXI° siècle.
Propos recueillis par
Carlito, [Nanterre]